Par Hassane Boukhalfa*
Je viens juste de terminer le troisième et dernier tome de la trilogie d’Abderrahmane Mounif « Le pays noir » paru en 1999. Je ne savais pas que ce 24 janvier est la 21ème l’anniversaire de sa mort. C’est un post sur Facebook qui me l’a fait savoir. C’est la première œuvre que j’ai lu de cet écrivain connu pour son roman « Les villes du sel » sorti en 5 tomes. Une œuvre que je souhaite lire un jour. Le livre est introuvable.
J’ai trouvé le roman « Le pays noir » ou (Ardh essaouad en arabe) à la bibliothèque de l’université. Dans ce roman l’auteur retrace le parcours du gouverneur de l’Irak Daoud Pacha durant la période ottomane entre 1817 et 1831. Daoud Pacha est un mamelouk originaire de la Géorgie, il fut kidnappé à l’âge de 12 ans. Il passa d’une main à une autre jusqu’à ce qu’il arrive à Souleymane Pacha, le gouverneur de l’Irak en 1780. Chez son nouveau maître, le jeune adolescent fut converti à l’Islam ; il apprit le Coran par cœur, maîtrisa l’arabe, le turc et le persan et gravit les échelons du savoir jusqu’à ce qu’il devienne un savant parmi les savants. Souleymane Pacha qui a remarqué l’érudition et l’intégrité de son protégé a fait de lui son garde des Sceaux et lui a donné la main de sa fille. Durant le règne du jeune et dévergondé Saïd, fils de Souleymane Pacha, le mamelouk Daoud est devenu une personnalité incontournable, mais la mère de Saïd n’a jamais apprécié ce mamelouk qui bouscule ses propres enfants. Quand il sentit que sa vie est menacée, le futur gouverneur prit la fuite et se réfugia à Kerkouk au nord de l’Irak où il ne cessa d’écrire des lettres à un ami d’Istanbul capitale de l’empire ottomane pour solliciter le sultan de le désigner gouverneur de l’Irak à la place de Saïd dont le seul objectif est la satisfaction de ses plaisirs de tous genres quitte à ruiner le pays. Effectivement le sultan accepta de nommer Daoud Pacha gouverneur de l’Irak, un poste qu’il occupera 14 ans. Durant son règne, Daoud Pacha a fait preuve de sagesse et de clairvoyance. Les souffrances et les épreuves qu’il a dû subir, au lieu de l’affaiblir et le rendre fragile et vulnérable, ont fait de lui un homme mûr et dur. Sinon, comment aurait-il pu passer de simple mamelouk, autrement dit esclave, à un chef craint et respecté à la fois?
Les tentatives du consul de Grande-Bretagne pour semer la zizanie au sein du gouvernement de Daoud Pacha et déstabiliser l’état Irakien qui ont fini par être déjouées, sont également retracées et soulignées dans l’œuvre de Mounif.

Voici les principales idées développées dans la trilogie d’Abderrahmane Mounif. En plus de la grande histoire, l’auteur n’a pas négligé de peindre la vie quotidienne des petites gens tels qu’Ismail, le coiffeur, Aouad le cafetier, Sifou le colporteur d’eau etc. Certains passages sont touchants et émouvant tels que celui de l’assassinat de jeune Badri à la veille de son mariage. Cet homme fut lâchement assassiné par le chef de l’armée, le sanguinaire Sid Allioui, pour avoir refusé de s’impliquer dans les intrigues de ce dernier qui s’apprêtait à renverser le gouverneur.
Abderrahmane Mounif est né en 1933 à Amman, capitale de la Jordanie, d’un père Saoudien et d’une mère Irakienne. Il a beaucoup voyagé et vécu dans plusieurs pays dont l’Irak, l’Égypte, la Syrie, le Liban, la France et la Yougoslavie où il a obtenu le diplôme de doctorat en sciences économiques en 1961 à l’université de Belgrade. Il fut pour un certain temps membre du parti Baath qu’il a vite quitté. Il a travaillé dans des compagnies de pétrole avant de se consacrer au journalisme et la littérature. C’est la littérature qui l’a rendu célèbre notamment son roman « Les villes du sel ». Il a publié une quinzaine de romans. Il est décédé le 24 janvier 2004.
H. B.
*Enseignant universitaire
One thought on “Littérature arabe : Il y a 21 ans nous quittait Abderrahmane Mounif”
Belle histoire d’un mamelouk racontée avec une aussi belle plume.