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Tramway d’Alger : les contrôleurs en danger

Les agents de contrôle du tramway d’Alger vivent très mal leur métier ; ils craignent chaque jour pour leur intégrité physique et morale à cause du comportement anormalement agressif des passagers.

S’ils ne sont pas régulièrement insultés -et de manière très copieuse- par des resquilleurs des deux sexes et de tout âge, il arrive souvent qu’ils soient physiquement agressés par des voyageurs se prenant pour des « justiciers ». Certains poussent l’outrecuidance jusqu’à défendre la cause des nombreux passagers qui voyagent sans ticket.

Jeudi dernier, nous avons assisté à une scène des plus surréalistes mettant aux prises un contrôleur avec plusieurs énergumènes dont des septuagénaires surexcités. Avec force cris et vociférations, ces derniers avaient pris la défense d’une jeune femme qu’un contrôleur voulait verbaliser parce qu’elle n’avait pas de ticket. Ils n’avaient pas admis le fait alors que l’agent ne faisait que son métier. Mais cela leur est égal : pour eux, il est inconcevable d’«humilier» en public une personne, de surcroit une jeune demoiselle, pour la « somme ridicule de 40 DA ».

Tout a commencé lorsque la concernée exhiba au contrôleur une carte d’abonnement au métro. L’agent lui fit comprendre que son document n’est pas valable pour les déplacements en tramway mais qu’il est utilisable dans le métro uniquement. S’ensuivit alors de longs palabres, la femme expliquant qu’elle avait l’habitude de voyager gratuitement avec cette carte, l’agent lui faisant savoir qu’elle était dans le tort. Pour couper court, il lui fit savoir qu’il se voit dans l’obligation de réquisitionner sa carte si elle ne s’acquitte pas de son ticket en payant l’amende prévue dans son cas (voyage sans titre de transport, soit 200 DA).

La jeune femme refuse de l’écouter, elle affirme qu’elle ne payera pas de « supplément ». Sur le ton de la provocation, elle se permettra même de lui dire : « Si tu es homme, réquisitionne ma carte ! ».  

C’est à ce moment qu’un passager, apparemment « houkouma », interpella le contrôleur en ces termes : « On ne joue pas les fiers à bras avec les femmes, si tu es un homme, descends, on va s’entendre dehors ». Et contre toute attente, il joint l’acte à la parole en assénant plusieurs coups de poing au malheureux agent. Encouragés par ce geste violent et barbare, des dizaines de voyageurs hurlent leur haine et se bousculent pour porter des coups au contrôleur. Assommé et hébété par ce déchainement de violence, le contrôleur n’a pu s’en sortir que grâce à quelques-uns de ses camarades qui étaient heureusement à deux pas de l’incident.

« Je suis une fille de la Casbah »

Le même jour, dans une autre voiture, un contrôleur s’est vu insulter par un voyageur-resquilleur : « J’ai 70 ans, et c’est inconcevable qu’un jeune comme vous m’humilie en public à cause de 20 malheureux dinars, c’est honteux… Ya el khawa, il ne faut pas laisser passer ce genre de comportement, c’est de la hogra… »

Désespéré, le contrôleur abandonne la partie. Plus loin, il débusque une autre personne, une femme âgée, sans titre de transport. « On m’a dit pourtant que je pouvais voyager sans ticket, c’est un travailleur qui me l’a affirmé… »

Et d’ajouter : « Je suis âgée de 85 ans, je suis une fille de la Casbah, je suis née dans le nombril de la ville (sorat lebled). Je ne mens pas, on m’a expliqué qu’à mon âge, je ne payais pas les transports ».

Pour se donner bonne contenance, elle affirme qu’elle est partie à la Mecque et que, par conséquent, elle ne saurait mentir.

De guerre lasse, le contrôleur préfère se taire tout en continuant son travail.

Le tramway ou le voyage de tous les risques

Voyager par tramway devient aussi dangereux pour les usagers. Des bandes de jeunes subsahariens harcèlent les voyageurs pour la « sadaka » en psalmodiant des litanies habituellement prononcées par les mendiants professionnels. Pire, certains jouent à cache-cache en déclenchant le mécanisme d’ouverture et de fermeture des portes pour sortir d’une porte et remonter de l’autre. On les trouve aussi agglutinés autour des points de vente des billets avec d’autres mendiants locaux.

À l’intérieur des rames, la mendicité n’est pas près de disparaître malgré son interdiction formelle. Femmes, enfants, vieillards, adolescents et « handicapés » ou « accidentés » sillonnent les couloirs à longueur de journée pour apitoyer les voyageurs. À les écouter se plaindre, on se croirait vivre au Moyen-Âge.

Vivement un coup de pied dans la fourmilière pour réhabiliter les déplacements en tramway. Et, surtout, pour assurer la sécurité des agents qui veillent chaque jour que Dieu fait au confort et à la quiétude des passagers.

A. L.

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