L'Algérie de plus près

Les petits clubs de mon enfance

Par Ali Dahoumane

C’étaient de grands réservoirs de talents, de vastes et généreuses pépinières qui offraient chaque année d’excellents joueurs au club phare de la ville, en l’occurrence l’ASO.

Le mot petit n’a aucune connotation péjorative ou dépréciative, c’est juste pour souligner que ces clubs avaient un public réduit.

C’étaient des clubs aux moyens financiers très limités. Difficultés à acheter les équipements sportifs, difficultés à se déplacer, difficultés à se restaurer. Tels des pères de familles aux maigres revenus, les dirigeants sincères et dévoués avaient du mal à joindre les deux bouts.

L’ASO : toujours respect et admiration

Parler de football à Chlef reviendrait d’une manière presque spontanée à évoquer l’ASO, ce grand et légendaire club qui nous a tant fait rêver et pour lequel nous avons une admiration sans faille. Fedlaoui, Zairi, Dif, Aidadou, Hamouni et Belaid Ahmed jouissent d’un grand respect et de beaucoup de considération de la part de la population de Chlef.

On a coutume de dire que les petits ruisseaux font les grandes rivières, force est de reconnaitre que beaucoup de joueurs issus des petits clubs, des différents quartiers de la ville et des agglomérations voisines sont venus enrichir le club phare de la région. Chaque quartier ou banlieue avait son équipe. Chaque équipe avait ses supporters et ses dirigeants qui se dévouaient corps et âme pour servir le club et répondre aux nombreuses exigences de leur merveilleux public.

Le NRBS et l’ESF : je t’aime moi non plus

«La Ferme» avait l’ESF et les «Fermiers» accordaient une grande importance aux résultats de leur équipe. On peut également parler de la fantastique équipe de la «Rose» qui était dirigée par le charismatique Nacer et qui avait enfanté de très bons joueurs pour ne parler que des frères Belaïd, Djilali Et Bouali, ainsi que de l’infatigable Bekakcha Abed. Elégant dans et en dehors du terrain, Abed était un virtuose du ballon rond. Quant au talentueux Bouali Belaid, il a tant fait rêver le légendaire footballeur Rachid Mekhloufi (qui l’avait comme joueur au sein de l’équipe nationale militaire et qui lui prédestinait une très grande carrière footballistique). Le célèbre Stéphanois n’a pas eu tort.

Les habitants de Hay Es-Salem (ou les gens de la Bocca Sahnoun, si vous voulez) ne parlaient que du NRBS et encourageaient leur équipe contre vents et marées. Le NRBS avait formé beaucoup de très grands joueurs pour ne citer que Naas et Benmeriem qui ont fait les beaux jours de l’ASO. Quand on parle de l’équipe de Hay Es-Salem, on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour son président Hadj Benali Charef qui a énormément contribué pour le club cher à sa Bocca. Les rencontres opposant l’ESF et le NRBS donnaient lieu à de très chauds derbys. Les supporters des deux équipes se chamaillaient avant, pendant et souvent après le match.

L’OFLA et Meksi : la page d’or du football chélifien

Les administrations et les entreprises publiques n’étaient pas en reste et avaient également leur équipe qui leur apportait joie et fierté. Les PTT, la Santé, la Wilaya, l’Hydraulique et la DNC-ANP toutes ces institutions et entreprises avaient une équipe représentative qui faisait la fierté de tous les travailleurs du secteur. Il convient d’accorder une mention particulière à la fabuleuse équipe de l’OFLA. Cette dernière était la mieux structurée dans la mesure où elle avait un bon président et gestionnaire, Mohamed Bouzeghti, un sympathique trésorier, Hellal que dieu ait son âme et que tout le monde appelait amicalement «Gustave», et surtout un très grand entraineur qui avait le sens de la discipline et du respect des valeurs humaines. Je tiens personnellement à remercier et à rendre hommage à M. Mohamed S’haïlia qui s’était énormément dépensé pour promouvoir le sport à Chlef aussi bien avec l’OFLA qu’avec l’ASO quelques années plus tard. Il était entraineur, formateur et surtout éducateur. Il avait des yeux partout et accordait une grande importance au comportement des joueurs qui le craignaient et le respectaient. Tout le monde avait peur de ses fameuses engueulades sur le terrain et dans les vestiaires. Pour la petite histoire, n’oublions pas que c’est lui qui a découvert et formé de grands joueurs tels que Mustapha Meksi, Hadri Ahmed, Abbou Ahmed et Meghraoui Mohamed. Une page ne suffit pas à parler de Meksi. Je pense que Zenir, Mahiouz, Abdouche, Kheddis et Azzouz gardent de lui de très mauvais souvenirs parce qu’il les a tant fait souffrir. Les défenseurs algériens de son époque sont toujours traumatisés par ses dribles déroutants.

La bonne ambiance, l’amitié et la solidarité

L’équipe de la Wilaya avait également de bons joueurs comme Haffi, Bouhella et l’ange gardien, le jovial Hamid Belmokhtar qui ressemblait au fameux Abrouk du grand chabab.

L’équipe des PTT, sous la conduite d’un grand dirigeant, à savoir Mahmoud Bourabah, avait également formé de grands joueurs pour ne citer que Tahar Bachir, Abdi Bouabdellah ou Mustapha Bensaada qu’on surnommait «Magnusson» tellement il nous rappelait le stratège suédois des années 1970. Voir l’hydraulique et son goleador attitré Boualem Loucif était un régal pour les yeux.

En dernier lieu, il convient de souligner que le sport scolaire par l’entremise de la FASSU a également contribué à la promotion du sport dans la région.

La plupart des matchs de ces équipes se déroulaient quelquefois en ouverture de l’ASO. Ces rencontres donnaient lieu à de très beaux spectacles qui enflammaient les tribunes. C’était toujours la joie, la bonne humeur sous les applaudissements des spectateurs. Le résultat importait peu, c’était juste pour le plaisir de jouer. C’étaient des clubs qui respiraient la jeunesse, la bonne ambiance et l’amitié, la solidarité et, surtout, la générosité dans l’effort. Véritables valeurs, à mon sens, qui doivent incarner le sport.

La redoutable équipe des « Rebelles« 

Parler de football à Chlef reviendrait inévitablement à évoquer les différents lieux d’exhibition de tous les joueurs de la ville. Les terrains vagues pullulaient pour le plus grand bonheur de ces artistes. On peut citer au hasard le terrain de «La Caserne», «Erroumane», «La Jungle», les terrains des bâtiments de la CIA dont je garde encore quelques séquelles, «Les Sapins» et le terrain de la «Wilaya» qui était le théâtre des exploits de la redoutable équipe des «Rebelles» sous la houlette de  Khaled Abboud.

Grands clubs et petits dirigeants

En parlant de ces petits clubs, on ne peut malheureusement pas s’empêcher de penser aux clubs d’aujourd’hui. Sans âme et encadrés par des dirigeants qui ne donnent malheureusement pas le bon exemple, ils offrent un triste visage.

Dans ce contexte précis, le mot «petit» a une connotation dépréciative dans la mesure où beaucoup de nos dirigeants se comportent comme des charlatans, utilisant un vocabulaire qui les déshonore. Chaque réunion ou assemblée se transforme en soirée de pugilat opposant ces pseudos éducateurs.

De grands clubs prestigieux tels le MCA ou le MCO ne méritent vraiment pas d’avoir des énergumènes pareils pour les diriger. Le football doit être géré par des gens honnêtes et amoureux de ce sport. Il ne doit en aucun cas tomber entre les mains des affairistes et des trabendistes. La Fédération Algérienne de Football (FAF) doit élaborer un code de déontologie pour prémunir le football et le mettre à l’abri face à ces prédateurs. Une personne ayant des antécédents judiciaires ou de l’argent mal acquis ne doit en aucun cas postuler à la présidence d’un club. M. Raouaoua qui a les moyens nécessaires et la compétence voulue peut prendre les décisions qui s’imposent. Le football algérien lui en serait reconnaissant. Il est vivement recommandé à ces maquignons des temps modernes d’aller investir dans des secteurs beaucoup plus lucratifs et de laisser le sport loin des magouilles et des spéculations.

«Travaillez, prenez de la peine»

Depuis quelques années, l’équipe nationale est en perpétuelle recherche de joueurs évoluant sous d’autres cieux. Pourtant, les jeunes talents existent dans notre pays. Mais la question qui mérite d’être posée consiste à savoir si les dirigeants actuels (qui sont tout le temps à la recherche de résultats immédiats) sont animés d’une volonté sincère de les détecter, d’aller les chercher et surtout s’ils sont en mesure de les former pour en faire de grands champions. On peut dénicher ces jeunes talents sur un terrain vague de Chettia ou un «Matico» de Sendjas et, peut être même, dans la cour d’une école à Zeboudja. Malheureusement, nos esprits se sont habitués à acheter le produit fini. On choisit toujours la facilité.

On n’est pas contre la présence de joueurs formés généralement dans des centres de formation de l’hexagone. Antar Yahia, Belhadj, Ziani, Bouguerra nous ont apporté beaucoup de joie. Ils méritent toute notre gratitude et notre reconnaissance mais nous devons compter sur notre propre cru et ne point être tributaires des centres de formation d’outre-mer. Beloumi, Madjer, Meksi, Gamouh, Draoui ont tous été formés à l’école algérienne. Les résultats ne tombent pas du ciel. Les grandes nations qui ont investi dans la formation ne font que récolter les fruits de leurs efforts.

La Sonatrach et les pétrodollars : le fric, c’est chic

En injectant, sans compter, de l’argent dans le monde du football, la Sonatrach chercherait à promouvoir le sport, selon ses responsables. Promouvoir le football (et le sport en général), c’est acheter des équipements sportifs aux petites équipes d’Aïn Defla, Ténès ou El Abadia.

Servir le sport, c’est construire des vestiaires à une petite équipe de Constantine ou de Bechar pour que les jeunes joueurs puissent prendre une douche chaude après chaque match ou entrainement.

Aider le sport algérien, c’est acheter un bus pour un petit club perdu dans les monts du Djurdjura afin de permettre aux jeunes minimes de se déplacer et, par la même occasion, découvrir la beauté insoupçonnée de leur pays. Cette grande entreprise publique peut également organiser des tournois pour encourager et récompenser les jeunes talents.

Servir le sport ne consiste nullement à donner des sommes faramineuses à des «ballonneurs». Ce n’est pas en versant des salaires qui donnent le vertige à des joueurs juste moyens, qu’on croit servir le football. Jusqu’à preuve du contraire, le pétrole est une richesse nationale et on n’arrive pas à comprendre pourquoi les responsables de la Sonatrach en disposent à leur guise et le distribuent à qui bon leur semble.

Si on veut vraiment aider le sport, l’argent que la Sonatrach alloue à ce secteur doit être reparti équitablement entre toutes les équipes du pays et pas seulement à une équipe d’Alger, à savoir le MCA.

Une loi concernant le sponsoring ne serait que bénéfique pour la transparence des finances d’un club et éviterait certaines dérives qui pourraient nuire au bon fonctionnement du sport dans notre pays et faire ressurgir le spectre de l’injustice.

A. D.

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