L'Algérie de plus près

L’Algérie aux yeux d’Henry Dunant : une colonie pour les Suisses protestants

Peu de gens savent que le fondateur de la Croix Rouge a joué un grand rôle dans l’installation de colons Suisses en Algérie. Mandaté par ses employeurs -la maison des financiers Lullin et Sautter de Beauregard- pour la création d’une colonie de peuplement suisse aux environs de Sétif, il entreprit plusieurs voyages en Algérie où il se consacrera à cette œuvre et, dans le même temps, faire fructifier quelques affaires personnelles.

En septembre 1853, Dunant arrive à Sétif où il se consacre aux préparatifs pour l’accueil des colons. Il rentre à Genève deux mois plus tard pour rendre compte de son activité devant le Conseil d’administration. Il fait paraître dans la presse des articles en faveur de l’émigration vers Algérie.

Il retourne à Sétif à la fin du mois de mai 1854 et y demeure jusqu’à la mi-septembre. Henry Dunant en profite pour réaliser certains projets personnels ; il obtient notamment l’autorisation de commencer les travaux d’un premier moulin. « Le père de la Croix-Rouge est l’auteur d’annonces parues dans le Journal de Genève pour recruter des colons, promettant une main d’œuvre arabe bon marché.

De retour à Genève, Dunant peut dresser un premier bilan du comportement de la compagnie Vaudoise qu’il a contribué à diriger vers Sétif. Le tableau est plutôt sombre : depuis un an, la petite communauté suisse a connu des désillusions : les orages dévastent maisons et cultures. Une épidémie de choléra frappe en juillet 1854. À fin 1854, on déplore 100 morts sur 388 habitants.

Cette situation fit réagir le général commandant la subdivision de Sétif en des termes peu élogieux envers la petite communauté suisse : «C’est une race de mœurs douces sinon d’une innocence patriarcale, mais peu énergiques, routiniers, entêtés de sa mauvaise hygiène, sans beaucoup d’ordre ni de propreté, et d’une sobriété qui laisse à désirer. Certaines maisons ont renfermé jusqu’à trois familles. C’est à cet entassement qu’on attribue une grande partie des maladies».

Une action de La société créée par Henry Dunant

Le 1er mars 1855, six mois après son précédent séjour, Dunant entreprend un troisième voyage en Algérie, accompagné de son frère Daniel. Après de nombreuses démarches, il obtient du Gouverneur de Constantine une concession de 8 ha et il fonde en 1856 la « Société Anonyme des Moulins de Mons-Djemila ».

Dunant a fait l’objet d’une attention bienveillante des autorités puisque, dans sa chasse aux concessions, il obtiendra deux chutes d’eau et plus de deux cents hectares de terres ainsi que des concessions de mines et plusieurs centaines d’hectares de forêts de chêne-liège à Akfadou.

Cependant, dès 1864, toutes ces entreprises périclitèrent. Les dettes devinrent considérables et conduisirent Dunant en 1867 à la faillite et à la ruine. Par jugement du 17 août 1868, la Cour de Justice de Genève le considère comme le principal responsable de la faillite du Crédit genevois.

Une colonisation « à distance« 

Il faut rappeler que, le 26 avril 1853, le Gouvernement français, par décret impérial, concéda au Comte Sauter de Beauregard, représentant de la «Compagnie Genevoise », 20 000 ha de terres situées aux alentours de Sétif.

La Compagnie s’engageait à fonder 10 villages de 2 000 ha dans un délai de 10 ans, qui seraient peuplés de 500 familles au minimum, originaires de Suisse, et à construire 50 maisons par village.

Ainsi les 2 000 ha concédés recevaient les destinations suivantes :

– 10 000 ha à répartir, par fraction de 20 ha, entre les 500 habitants de 10 villages de 50 feux.

– 2 000 ha à affecter aux communaux de ces villages.

– 8 000 ha à accorder comme rétribution aux investisseurs.

Par ailleurs, un capital de 3 000 frs était exigé de ces colons suisses. Sur ce capital, 1 000 frs étaient directement versés aux concessionnaires comme acompte sur le prix de leurs futures maisons. Dès le mois de mai 1853 la Compagnie fonda son premier village : Aïn Arnat. À l’automne, elle installa les 50 premiers colons originaires des cantons de Genève, de Vaud, d’Argovie, qui formèrent avec leurs familles un groupe de 361 personnes. La Compagnie construisit ensuite quatre villages : Mahouan, Bouhira, El Ouricia et Aïn Messaoud, mais ne put les peupler que de 222 personnes, lorsqu’en juillet 1854 une épidémie de choléra et de typhoïde frappa la colonie suisse. Le bilan s’éleva à 97 victimes dans les 5 villages déjà construits. La Compagnie eut quelques difficultés à recruter de nouvelles familles. Les quatre derniers villages furent construits mais la Compagnie ne put y installer que 130 familles sur les 500 prévues…

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