Circuler l’été sur la route du littoral algérois est un véritable cauchemar. Les usagers doivent subir les dépassements dangereux, les coups de klaxon intempestifs et les manœuvres criminelles de quelques chauffards en mal de sensations fortes. La journée de jeudi dernier a été particulièrement chaude. A tout point de vue.
Il nous a fallu près d’une demi-heure pour parcourir les deux kilomètres qui séparent Labridja de Sidi Fredj. La file de voitures avance péniblement, presque pare-choc contre pare-choc, malgré les efforts désespérés des gendarmes de réguler la circulation. A bout de patience, des automobilistes osent quelques dangereuses acrobaties. Ils sont aussitôt imités par d’autres écervelés, qui roulent sur les bas-côtés. Le flot de véhicules est contenu aux environs de Moretti, et il faut patienter d’interminables minutes pour franchir le poste de péage du parking. Ce dernier est quasiment saturé. Difficilement, nous trouvons une place entre un fourgon et un pick-up. En tout, nous avons passé près d’une heure pour parvenir à destination.
Chaque été, le scénario se reproduit carrément à l’identique. Bien qu’elle n’offre aucune commodité, et alors que sa ridicule plage a perdu de son attrait après l’arrachage de la petite forêt qui la bordait, la station balnéaire de Sidi Fredj demeure une destination de choix pour des milliers d’estivants.
Deux raisons essentielles expliquent la cohue : la proximité du complexe touristique d’Alger et la sécurité relative des lieux. Pour le reste, les estivants devront accepter la promiscuité, et nager parfois à côté des chiens. Ou des chevaux !
L’état de la plage n’est pas reluisant. Des sachets traînent partout, des sacs-poubelles jonchent le sable gris, et le peu d’espace laissé aux estivants est squatté par les plagistes. Il faut payer pour y accéder, sinon se contenter d’une baignade du côté des rochers si, bien entendu, les surveillants de plage le permettent. Alors, les plus téméraires s’en vont du côté des falaises, de l’autre côté du port de plaisance. Et ils étaient très nombreux ce vendredi à occuper l’endroit avec les pêcheurs à la ligne. Les uns s’ébattaient joyeusement dans les eaux calmes, les autres grillaient littéralement au soleil. Entre le port et l’îlot faisant face à l’établissement de thalassothérapie, c’est le tumulte des embarcations à moteur et des scooters de mer lancés à plein gaz.
En route pour l’enfer
En dépit de tous les désagréments, se rendre à Sidi Fredj est, sans conteste, beaucoup plus agréable que de tenter l’aventure du côté de Tipasa. Dès la descente de Bousmail vers Khemisti-Port, la file de voitures se fait impressionnante. Nous osons le trajet jusqu’à Bouharoun. Chronomètre en main, nous parcourons 1 200 mètres en 25 minutes ! Nous rebroussons chemin en pensant qu’il serait plus facile de rejoindre Tipasa par la route de Hadjout. Khemisti-ville est assoupie, nous la traversons rapidement pour nous retrouver à Chaïba, qui baigne dans sa torpeur habituelle. Nous passons par Berbessa pour rejoindre la nationale 67, qui relie Koléa à Hadjout. Bien qu’empruntée par des centaines d’automobilistes, la circulation sur cette voie parallèle à la RN 11 est relativement fluide en jour de semaine. Mais, vendredi, c’est la saturation : des dizaines de cortèges nuptiaux ont envahi cette route, provoquant un énorme embouteillage sur des dizaines de kilomètres. On avance mètre par mètre, au rythme d’une tortue en balade. Une situation qui n’a pas empêché quelques casse-cous de tenter des manœuvres risquées pour gagner quelques places. Les automobilistes faisant partie des cortèges sont les plus entreprenants. Feux de détresse allumés, klaxons, ils se meuvent à leur convenance, et leur « éclaireurs », qui roulent en deuxième position sur une voie à double sens, interdisent à quiconque de doubler la file. Excédés, les autres conducteurs protestent à coup de klaxons. Sur l’autre voie, les automobilistes sont obligés de rouler sur les accotements. Les nuages de poussière qu’ils soulèvent ajoutent un brin de désagrément à cette ambiance infernale
Une route qui suffoque
Nous continuons ainsi jusqu’à l’intersection menant de Sidi Rached à Tipasa où nous pûmes tenter une échappée, plusieurs cortèges ayant bifurqué vers cette dernière ville. La voie se dégage au fur et à mesure que nous avançons vers Hadjout. Mais, là aussi, la situation n’est pas des plus brillantes. Dès l’entrée de la ville, nous sommes pris au piège par d’autres cortèges nuptiaux. Nous nous en tirons après plusieurs minutes d’attente, avant d’emprunter la nationale 42 vers Nador et de là vers Cherchell que nous atteignons en moins d’une demi-heure. La ville vit à son rythme habituel, loin du tumulte de sa petite sœur Tipasa. Décrépi, presque en ruines, le centre-ville connaît quelque animation en fin d’après-midi, notamment du côté du marché des fruits et légumes. La nuit tombe et la route du port reprend vie, avec la réouverture des étals des poissonniers qui réceptionnent les prises du soir. Les gargotes de la pêcherie s’illuminent de mille feux pour attirer une clientèle qui se fait de plus en plus nombreuse en période estivale.
Le retour sur Tipasa par la nationale 11 est rapide. Nous avalons les 25 km en moins d’une quarantaine de minutes mais, arrivés à hauteur du complexe Matares, la file de véhicules est stoppée net. Le centre-ville est encombré, il nous a fallu près de 15 minutes pour traverser la rue principale. Inutile de préciser que, pour rejoindre Alger, nous avons préféré prendre le chemin de Sidi Rached et de là, la nationale 67 jusqu’à Mactaa Kheira puis Douaouda et, enfin, l’autoroute de Zéralda. Oser le trajet Tipasa-Alger par la nationale 11, c’est assurément s’exposer à un véritable calvaire.
Le Chélif