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Mohamed Khedraoui, journaliste, réalisateur : « Les parlers locaux se doivent d’être plus visibles dans le cinéma »

Le patrimoine culturel algérien n’est pas riche uniquement par sa longue histoire millénaire, il l’est aussi par sa diversité géographique. Cela est illustré par la diversité culturelle et linguistique de la population qui a subi de nombreuses invasions et colonisations sans pour autant perdre de son identité et de son authenticité. Cette identité est incarnée par un certain nombre de traditions et de parlers locaux qui perpétuent le patrimoine culturel.

Chaque région du vaste territoire algérien a ses propres traditions et son propre parler. Le Dahra est l’une des régions du pays dont les traditions et le parler constituent un pan important de cette richesse culturelle qui est restée peu médiatisée durant plusieurs années. Toutefois, les choses ont désormais commencé à changer grâce aux efforts fournis par des hommes de culture dont des journalistes et des artistes. Parmi ces derniers, Mohamed Khedraoui, journaliste à la Chaine 4 de la télévision publique algérienne dont la contribution au domaine culturel et artistique mérite encouragement et soutien.

Après plusieurs émissions et reportages qu’il a réalisés pour faire découvrir la région du Dahra, il a mis ces dernières années le cap sur la production artistique avec la réalisation de deux sitcoms, le premier, en deux parties, intitulé : « Chek Negh Netch » (toi ou moi). La première partie a été diffusée sur la même chaine télévision au mois de ramadan de 2015, suivie de la seconde en 2017. Les deux parties comportent chacune 15 épisodes.

Quant à la seconde production, elle est intitulée « Assenssou » (hôtel ou dortoir), elle est diffusée pendant ce mois de ramadan sur la même chaine. Elle aussi compte 15 épisodes. Pour plus de précisions sur ses travaux, nous avons rencontré l’auteur qui a bien voulu répondre à nos questions. Voici ses réponses.

M. Mohamed Khedraoui, pouvez-vous nous raconter votre parcours scolaire et professionnel ?

Mohamed Khedraoui : je suis né le 6 septembre 1882 à Béni Haoua où j’ai suivi tout mon cursus scolaire jusqu’ à ce que j’aie obtenu mon bac, filière lettres et sciences humaines en 2001. Cette année-là a coïncidé avec l’ouverture de quelques nouvelles spécialités à l’université de Chlef dont la littérature arabe, entre autres, ce qui a fait que la plupart des étudiants issus des différents lycées de la wilaya de Chlef ont été orientés vers ces nouvelles spécialités sans prendre en considération leurs choix. Moi aussi, je fis partie des victimes de cette décision car on m’affecté à la faculté des lettres, spécialité littérature arabe, ce qui n’était pas mon désir. Comme je n’étais pas intéressé par cette spécialité, j’ai quitté l’université de Chlef au bout d’une année pour m’inscrire à la faculté des sciences politiques et relations internationales de l’université d’Alger. En réalité, mon rêve était l’étude du journalisme mais ma famille s’y est opposée en raison du fait que mon frère (le journaliste Smail Khedraoui) a fait des études dans cette spécialité. Après avoir obtenu une licence en sciences politiques et relations internationales, j’ai commencé ma carrière professionnelle en 2007 comme correspondant de la radio de Chlef à partir de la daïra de Béni Haoua avant de rejoindre la chaine 4 de la télévision algérienne en 2009 comme journaliste où j’ai pu gravir les échelons puisque je suis rédacteur en chef au service de l’information depuis trois ans. En parallèle, précisément en 2014, j’ai passé un concours pour poursuivre mes études en master à l’école nationale supérieure de sciences politiques d’Alger. Deux ans plus tard, j’ai décroché le diplôme de master en sciences politiques, spécialité : études stratégiques et militaires.

Parlez-nous de votre passage du journalisme à l’art et l’écriture de scénarios.

La passion pour les arts, le théâtre et l’écriture m’a toujours accompagné dès le collège. Il faut savoir que, depuis mon jeune âge, j’avais un penchant pour les lettres et le théâtre. Déjà, au CEM et au lycée, je participais à des activités culturelles et théâtrales organisées au niveau de nos établissements. Par ailleurs, j’ai tenté d’écrire des poèmes et des nouvelles comme la plupart des adolescents.

Pourquoi avez-vous choisi précisément la production de scénario en tamazight et non pas en arabe ?

Mon travail au sein de la chaine 4 de l’ENTV m’a permis de constater que la plupart des variantes de tamazight comme le kabyle, le m’zabi, le targui et le chaoui ont une visibilité dans le domaine du cinéma, c’est pourquoi je me suis dit pourquoi pas notre parler (le chenoui et le chelhi), celui des montagnes du Dahra, n’aurait pas, lui aussi, sa place à la télévision et au cinéma. Jusque-là, notre parler était visible et présent uniquement au service des informations et des émissions diverses en plus de quelques documentaires.

Quand vous est venue l’idée de produire des sitcoms ?

Comme je vous l’ai dit, mes tentatives de création littéraire et théâtrale remontent à l’époque du lycée mais la concrétisation sur le terrain remonte à 2015 quand j’ai écrit le scénario de la première série de la comédie « Chek Negh Netch » (toi ou moi). C’était ma première expérience ayant vu le jour dont la première partie a été diffusée pendant la première quinzaine du mois de ramadan de la même année. La deuxième partie a été diffusée en 2017. Dans cette première série, j’ai essayé de mettre l’accent sur le patrimoine matériel et immatériel de notre région. J’ai essayé également de souligner le caractère et la mentalité de toutes les catégories de la société, que ce soit sur le plan des sexes et de l’âge ou de la classe sociale. Le plus important dans cette série est la présence d’acteurs de différentes localités de la région dont Ain Defla Cherchell, Menaceur, Gouraya et Aghbal. Le noyau de cette série était Mounir Khedraoui, Redha Henni et moi-même car, comme je vous l’ai dit, nous faisions partie au lycée d’un groupe de théâtre qui s’appellait « Amel El Djazair ». Ce groupe était sous la direction des deux enseignants, Mme Bensari et Mohamed Akriche, que je salue au passage. Cette série traite d’un nombre de phénomènes sociaux et de sujets concernant les comportements et la conduite des gens dans la vie quotidienne tels que la solidarité, le voisinage, la jalousie, l’avarice etc. Chaque épisode traite d’un thème. Les péripéties de la série sont incarnées par deux familles.

Qu’en est-il de la nouvelle série qui passe actuellement sur la chaine 4 de la télévision algérienne ?

Concernant l’actuelle série, il s’agit du même type de comédie mais avec une vision et une perspective différentes. J’ai opté pour l’unité du lieu pour gagner du temps car il faut savoir que la validation du scénario initial que j’ai déposé au niveau de l’ENTV a beaucoup tardé. Quand j’ai reçu l’autorisation pour commencer le tournage, je me suis rendu compte que le temps ne me suffirait pas, c’est pourquoi j’ai proposé un autre scénario, ayant eu le réflexe d’avoir toujours le plan B. J’attire votre attention sur le fait que j’ai six ou sept scénarios de côté. La première partie de la série de cette année est composée de 15 épisodes, elle a été réalisée à la dernière minute. Il s’agit d’une histoire à thème unique qui se passe dans un seul lieu qui, lui-même, s’ouvre sur un certain nombre d’espaces. Comme son titre l’indique « Assenssou » (hôtel ou dortoir), il s’agit de tourner le sitcom dans un seul endroit, ce qui nous a permis de gagner du temps et d’arriver à le terminer à temps pour qu’il soit diffusé pendant ce mois de ramadan. Après avoir pensé à quelques complexes touristiques de la wilaya de Tipasa pour accueillir et tourner la série, j’ai fini par choisir le complexe « Dar El Ikram » de Béni Haoua et ce, pour plusieurs raisons, comme la facilité de trouver les figurants et, par conséquent, se passer d’éventuels frais supplémentaires puisque la majorité des comédiens sont puisés de Béni Haoua et ses environs. Il faut avouer que le choix était judicieux dans la mesure où le complexe dispose d’un nombre d’équipements qui nous ont permis de travailler facilement. On peut ainsi tourner les scènes dans différents endroits à l’intérieur de l’établissement comme la piscine, le restaurant, la cafétéria, la forêt etc. Je tiens à remercier le propriétaire du complexe pour nous avoir ouvert les portes de son établissement et toutes les facilités qu’il nous a procurées.

Pouvez-vous nous résumer l’histoire de ce sitcom ?

L’histoire tourne autour de de six personnages principaux, le propriétaire du complexe qui s’appelle Kada, incarné par moi-même, ses deux filles, la femme de ménage et deux clients, Boualem et Djelloul. Ces derniers ont bénéficié d’un séjour de 15 jours au complexe, mais ils sont pris en charge pour la résidence uniquement, les autres frais étant à leur charge. Grande fut leur surprise quand ils ont découvert la cherté des services et prestations offerts par l’établissement. Ils sont devenus de petits escrocs, le temps du séjour, pour gagner ce qu’ils dépenseront pour manger, prendre le café etc. Ils proposent leurs services aux clients en se faisant passer pour employés du complexe. En contrepartie de quelques billets, ils font le guide pour les gens qui viennent de loin, aident les enfants à nager à la piscine etc. jusqu’à ce qu’ils soient surpris un jour par le propriétaire du complexe en train de vendre des sandwiches qu’ils prennent à la cuisine du restaurant avec la complicité de la femme du ménage.

Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer dans ce genre d’activités ?

Il n’y a pas de travail sans difficultés, cela est une évidence. Nous rencontrons deux difficultés principales. La première concerne le facteur humain et la seconde concerne l’aspect financier. Si la difficulté concernant la ressource humaine est surmontable vu la séduction qu’exerce ce secteur sur les gens mais la ressource financière devient un problème de plus en plus insurmontable. À ce propos, nous avons découverts quelques personnes qui peuvent aller loin dans le domaine du cinéma dont Hicham Boughanem, Mekhlouf Aissam, les deux frères nains Hammadi… Le problème qui nous préoccupe beaucoup reste le financement. Comme vous le savez, chez nous, le sponsoring n’est pas encore entré dans notre culture. Le budget alloué par l’ENTV devient de plus en plus insuffisant. Alors que les hommes d’affaires et les propriétaires d’entreprises peuvent gagner beaucoup s’ils contribuent à la production du cinématographique puisqu’ils auront de la publicité gratuite.

Le mot de la fin.

Je tiens à remercier tous ceux qui nous ont aidés à concrétiser notre travail. Je remercie le propriétaire du complexe touristique Dar EL Ikram, M. Kada, la famille Keddari dont Smail qui nous a beaucoup aidés, le complexe commercial El Manar de Tipasa.

Propos recueillis par Hassane Boukhalfa

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