Par Mohamed El Bachir Bennegueouch*
Le malaise qui règne au sein de la Commune de Chlef est consécutif à l’ignorance avérée de certains élus pour le calcul de la majorité absolue qui n’est pas sans conséquence sur la conduite des affaires de la collectivité.
Pour comprendre les raisons ayant conduit à cette impasse, commençons par ce qu’énoncent les textes de loi. À ce propos, l’ordonnance n° 21-13 du 31 août 2021 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 11-10 du 22 juin 2011 (Cf : Jora n° 37 du 03 juillet 2011) relative au code de la commune, a permis d’instituer un nouveau mode de scrutin pour l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale par ses pairs (Cf : Jora n° 67 du 31 août 2021).
Ces modifications partielles apportées par l’ordonnance du 31 août 2021 citée ci-dessus au code de la Commune ont été soumis préalablement au Conseil d’État et approuvées dans leur globalité par décision n° 392 du Conseil Constitutionnel le 31 août 2021.
À ce titre, le scrutin pour l’élection du Chef de l’exécutif communal est organisé sous la direction d’un bureau provisoire de vote composé du doyen des élus Président, assisté de deux (02) autres élus parmi les plus jeunes et tous non candidats (Cf. art. 64 bis du code Communal).
La nouveauté apportée dans le code communal est que l’opération d’élection du Président de l’Assemblée populaire communale se déroule dorénavant en présence des seuls élus de la commune concernée après une installation officielle faite sous l’autorité du Wali précédant la date de l’élection du Président de l’Assemblée Populaire Communale (Cf : art. 64 bis).
Ce nouveau mode de scrutin apporté au code de la commune à travers la nouvelle rédaction de l’article 64 bis permet ainsi d’asseoir dorénavant un nouveau mode de vote très riche en matière de liberté et de démocratie.
Dans le même ordre d’idées, l’article 65 modifié et complété dans la nouvelle mouture du code de la commune, a introduit le scrutin majoritaire uninominal à deux (02) tours pour l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale par ses pairs.
Les formules pour élire le président de l’APC
Les nouvelles dispositions apportées dans l’ordonnance n° 21-13 du 31 août 2021 modifiant et complétant le code de la Commune, exigent parallèlement que tous les scrutins pour l’élection du Président de l’Assemblée populaire Communale se fassent à bulletin secret.
Ces nouveautés procédurales apportées dans le code communal reprennent en partie celles des dispositions contenues dans l’article 116 du premier code communal datant du 27 janvier 1967.
L’article 65 modifié et complété a introduit quant à lui plusieurs formules pour l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale et ce, en fonction des résultats définitifs des suffrages obtenus par les différentes listes lors du scrutin de l’assemblée populaire communale.
La première formule retenue est celle qui consiste à élire le Président de l’APC issu de la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages en nombre de sièges lors du scrutin.
La seconde formule retenue pour l’élection du Président de l’APC est celle où aucune liste n’aurait obtenu la majorité des suffrages lors du scrutin mais seulement deux (02) listes ayant obtenu plus de 35% des suffrages en nombre de sièges.
Ces deux dernières seulement peuvent dans ce cadre-là présenter chacune d’elles un seul candidat pour l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale (Cf : art. 65 alinéa 2).
Enfin, la dernière formule retenue toujours pour l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale est celle où aucune des listes n’auraient obtenu plus de 35% de suffrages lors du scrutin.
Pour ce faire, il a été prévu dans ce dernier cas que la liste à la candidature pour la Présidence de l’exécutif communal reste ouverte à l’ensemble des listes présentes au sein de l’assemblée populaire communale afin de présenter chacune d’elles un candidat.
Mode de calcul des voix
Le second point que nous abordons ci-dessous et qui reste crucial à notre humble avis est celui du mode de calcul du nombre de voix devant déterminer la majorité absolue au sein des différentes assemblées populaires communales dont le nombre de sièges diffère en fonction du nombre de la population.
Le candidat à l’élection à la présidence de l’Assemblée populaire communale doit obtenir obligatoirement une majorité absolue de voix lors du premier tour de scrutin organisé à cet effet sous le contrôle d’un bureau provisoire de vote présidé par le plus âgé élu de l’assemblée populaire communale, assisté de deux membres les plus jeunes de la même assemblée (Cf : art. 64 bis du code de la commune).
Pour le premier cas où une liste obtient la majorité des sièges, le Président de l’Assemblée populaire communale sera issu de ses rangs selon le choix de ses pairs concernés comme le rappelle à juste titre l’article 65 du code communal modifié.
Dans les autres cas où la majorité absolue n’est pas atteinte par l’un des candidats au scrutin, un deuxième tour devra se faire obligatoirement entre les deux premiers candidats du premier tour et l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale sera calculée cette fois-ci à la majorité relative des voix obtenus pour départager les deux candidats restants à la course.
Enfin, dans le cas, où les deux candidats à l’élection au poste de Président de l’APC obtiendraient une égalité des voix, le plus âgé d’entre eux est déclaré élu au poste de Chef de l’exécutif communal suivant procès-verbal établi et signé par tous les membres du bureau provisoire.
Malheureusement, ce nouvel mode de scrutin institué par le nouvel article 65 cité ci-dessus ne semble pas avoir été sainement appliqué par le bureau provisoire de vote lors de l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale de Chlef, Chef-lieu de Wilaya.
Une grossière erreur de calcul
En effet, pour comprendre le malaise qui règne présentement au sein de l’assemblée populaire communale de Chlef entre ses membres, il faut remonter au mois de décembre dernier où le Bureau provisoire chargé du vote pour l’élection du Président de l’Assemblée populaire communale de Chlef avait décidé à de fixer la majorité absolue pour la commune de Chlef à seize (16) voix seulement et ce, à la surprise générale d’une majorité d’élus avertis dans le domaine juridique.
Ce calcul faussé du Bureau provisoire de vote a permis d’élire le candidat qui avait obtenu seulement seize (16) voix à la Présidence de l’Assemblée populaire communale bien que le quorum en nombre de voix pour la majorité absolue n’avait jamais été atteint juridiquement comme le veut la règle universelle de calcul.
Bien que dans ce cadre-là, le calcul demeure très simple pour obtenir le chiffre de la majorité absolue dans une assemblée populaire communale ayant comme toujours un chiffre impair de sièges.
Si nous prenons le cas de la commune de Chlef, par exemple, pour obtenir le chiffre de la majorité absolue en nombre de voix au sein de son Assemblée qui compte seulement trente-trois (33) sièges, il fallait faire l’opération arithmétique suivante :
– Le suffrage exprimé était de 33 lors du vote moins un (1), nous obtenons le premier chiffre pair inférieur, à savoir 32, le tout divisé par deux (2), nous obtenons la moitié de 32 qui est seize (16) ajouté à ce chiffre un (1) et nous obtenons enfin le véritable chiffre réel et sûr de la majorité absolue qui est de l’ordre de dix-sept (17) au lieu du chiffre 16 arrêté par le Bureau provisoire de vote de Chlef.
C’est pourquoi, nous constatons aujourd’hui un malaise qui perdure entre les membres élus de cette assemblée populaire communale depuis le 19 décembre 2021 consécutivement au mauvais calcul de voix devant déterminer la majorité absolue comme le veut la règle de calcul citée ci-dessus.
De même, la majorité d’élus de cette assemblée avertie estiment à juste titre que le Bureau provisoire de vote a privé le second candidat ayant obtenu 15 voix d’un droit légal de se représenter pour un second tour comme en dispose clairement l’article 65 nouvellement modifié du code de la commune.
À ce titre, une hypothèse nous vient à l’idée que si le second candidat avait obtenu le même nombre de voix de seize (16) que le premier candidat, fallait-il organiser un tirage au sort exceptionnel pour départager les deux candidats ayant obtenu une majorité absolue chacun de 16 voix ? La réponse est non ! En effet, il ne peut exister une double majorité absolue dans tout scrutin donné.
Cette simple erreur de calcul de la majorité absolue survenue au niveau de la commune de Chlef a engendré le gel de l’activité de cette nouvelle institution républicaine de base qui risque de perdurer si les pouvoirs publics concernés ne remettent pas les pendules à l’heure en privilégiant de donner force à la loi comme le veut l’adage juridique.
Refaire les élections, est-ce possible ?
Enfin, il y a lieu de le rappeler que devant cette situation inédite et anormale, le wali de Chlef soucieux de l’intérêt général de la collectivité publique, a fini par procéder au cours du mois de janvier dernier à l’installation d’un Administrateur pour gérer les affaires de la commune.
Mais cette mesure reste insuffisante à nos yeux face à l’ignorance avérée du mode de calcul de la règle de la majorité absolue dans ce type de scrutin par certains élus censés gérer pourtant la collectivité publique chef-lieu de wilaya.
C’est pourquoi, il s’avère urgent et judicieux pour la tutelle concernée de procéder à de nouvelles élections du Chef de l’exécutif communal de la Commune de Chlef sous la direction du bureau provisoire de vote comme le prescrit la loi mais fondé sur le respect du système de scrutin majoritaire uninominal à deux (02) tours avec une majorité absolue de dix-sept (17) voix au lieu de seize (16) en ce qui concerne la commune de Chlef.
Enfin, cette démarche éventuelle, si elle venait à se concrétiser sur le terrain pour la commune de Chlef, permettrait sans aucun doute de donner plus de crédibilité voulue et de respect par tous et pour tous à ce nouveau mode de scrutin au niveau de la collectivité territoriale de base et prôné par le Gouvernement depuis la promulgation de l’ordonnance n° 21-13 du 31aout 2021 au journal officiel.
M. EB. B.
*Avocat agréé à la Cour Suprême et au Conseil d’État