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Leila Tennci, Directrice du centre Sophia d’Oran : « Nous sommes au service de nos étudiants »

Un lieu approprié pour la documentation et la recherche ouvert aux étudiants et doctorants. Plus de 15000 ouvrages avec un fond documentaire en histoire, patrimoine de l’Algérie, en textes de philosophie et psychologie et beaucoup de livres en littérature, ainsi que  des documents, très souvent introuvables, car très anciens, sont mis à la disposition des adhérents du centre.

Madame Leila Tennci, Directrice du centre de documentation sociale et humaine et artistique – Sophia d’Oran, ex – C.D.E.S, nous en parle dans l’entretien qu’elle a accordé à notre collaborateur R. Ezziane.

Le Chélif : Madame Tennci, si vous voulez bien éclairer nos lecteurs sur la mission du centre de documentation Economique et Sociale (CDES) d’Oran que vous dirigez ?

Leïla Tennci : Tout d’abord, je voudrais appporter des éclaircissements sur la direction du centre de documentation économique et sociale (CDES) d’Oran. Ce centre est divisé en deux parties : une partie qui est un peu la maison mère qui existe depuis 1963 qui se prénomme le CDES Ibn Khaldoun et dirigé par un directeur général qui est M. Bernard Janicot. Cette partie est spécialisée en sciences économiques, juridiques, sociologie, architecture, journalisme; et une deuxième partie, une annexe qui a ouvert ses portes en 1991 sur un autre site et qui se prénomme le CDES Sophia que je dirige. Il est spécialisé en histoire, philosophie, psychologie, langues, littératures et arts. Les deux centres dépendent du diocèse d’Oran. Nous partageons le même public avec une même carte lecteur et un même site internet (www.cdesoran.org) pour que nos lecteurs profitent du fond documentaire qui intéressent plusieurs disciplines en sciences humaines et sociales. Donc, comme vous voyez ce n’est pas moi qui dirige seule le CDES d’Oran. Ensuite, j’aimerai apporter une petite rectification qui est tout à fait récente. Depuis maintenant plus d’un mois, le statut du CDES Sophia a évolué. Il a changé. Il n’est plus une annexe du CDES Ibn Khaldoun. Il est indépendant. Le centre que je dirige ne s’appelle plus donc le CDES Sophia. Il a un nouveau nom qui est le CDSHA-Sophia (centre de documentation sociale et humaine et artistique)-Sophia. Pour le nom Sophia, c’est parce que cela veut dire la sagesse en grec.

Juridiquement, de quel organisme  dépend le CDSHA – Sophia ?

Juridiquement, le CDSHA-Sophia dépend du diocèse d’Oran. 

Comment peut-on bénéficier (si le mot est juste) des multiples offres culturelles du CDSHA-Sophia mises à la disposition des universitaires ?

Les offres culturelles sont multiples. Tout dépend du public. Il y a bien sûr les universitaires, notre premier public, et il y a tous les autres amoureux de la lecture et du livre. Nous avons une bibliothèque de plus de 15000 ouvrages avec un fond documentaire en histoire, patrimoine de l’Algérie, philosophie et psychologie et beaucoup de livres en littérature. Des documents très souvent introuvables car très anciens. Et une bonne centaine de titres de revues, des thèses et mémoires. Se rajoute à cela toute la partie activités culturelles que nous organisons toute l’année. Ça va des conférences, aux cafés-débats, aux pièces de théâtre, au concert de musique, des activités pédagogiques et méthodologiques au service d’étudiants préparant des mémoires etc. Nous avions pour habitude tous les jeudis d’organiser une activité en même temps que notre activité de bibliothèque avec les entrées et les sorties de livres les salles de travail, un service périodique, photocopie, coaching…Pour la bibliothèque, il faut avoir une carte de lecteur. Quant aux activités culturelles, c’est gratuit et ouvert à tous. 

Quels sont les autres avantages que peuvent en tirer vos adhérents, en plus de la bibliothèque ?

Vous savez, je crois que c’est nous qui avons des avantages avec nos adhérents. Le plaisir de voir partir une étudiante qui vient d’un village du Sud ou de l’Est du pays ou d’Alger, par exemple, alors que nous sommes à l’Ouest. Des personnes qui parcourent des kilomètres pour venir chercher un livre chez nous et qui trouvent ce qu’ils cherchent. Quand nous voyons cette lumière de joie dans leurs yeux d’avoir trouvé des documents sur leur mémoire ou leur thèse et qu’ils nous disent «sans vous nous ne pouvons pas travailler», je peux dire que c’est un gros avantage pour nous et une grande satisfaction personnelle. Ce qui nous pousse bien sûr à continuer malgré toutes les menaces à l’encontre du livre. Nos adhérents trouvent chez nous en plus du livre ou du journal ou de la revue ou de la thèse qu’ils cherchent, un espace de convivialité avec un espace café gratuit à leur disposition. Ils trouvent une oreille qui les écoute. Nos lecteurs se confient beaucoup sur leurs difficultés dans les études, à la cité universitaire, dans leurs familles, en plus de leurs soucis à faire un mémoire ou une thèse, leurs problèmes méthodologiques, linguistiques. Il y a un gros problème pédagogique. Des doctorants ne savent pas utiliser une encyclopédie, un dictionnaire. Ils ne savent pas ce que veut dire un glossaire, un index. Ils demandent que des livres en arabe parce que les études sont en arabe. Ils ne sont pas ouverts sur les autres langues…Et il y a bien sûr l’espace où il trouve, ce silence qu’ils n’ont pas chez eux ou dans leur chambre universitaire, cet espace où ils peuvent s’isoler, écrire. L’autre espace où ils peuvent parler librement sans aucun tabou, sans être jugé. Vous savez, ils nous disent très souvent que nous sommes leur deuxième famille.   

Le CDSHA-Sophia organise-t-il périodiquement des rencontres culturelles ou scientifiques, des voyages…, etc. ?

Oui, le CDSHA-Sophia organisait avant le confinement bien sûr car aujourd’hui nous fonctionnons avec d’autres méthodes des rencontres, cafés-débats, des conférences, des pièces de théâtre, des concerts de musique, des ateliers méthodologiques de manière régulière. Tous les jeudis après midi. Il nous est arrivé d’en faire deux fois par semaine. Nos activités se font ou bien seul ou bien avec des partenaires amis comme des institutions, associations ou bien l’université. Des écrivains, des universitaires, des journalistes donnent bénévolement de leur temps pour partager un moment avec un public adorable.

Madame Leila Tennci, si vous nous parliez de votre rôle en tant que directrice du centre.

Oh, mon rôle de directrice a plusieurs facettes. Je passe de la gérante, à la bibliothécaire, à l’organisatrice des activités culturelles, à la confidente. Je suis très polyvalente. Ce qui est très utile pour aider, partager, donner de l’espoir aux autres, réunir, écouter…

Existe-t-il d’autres centres similaires en Algérie ?

Oui, bien sûr. A Oran, il y a le CDES comme je vous l’ai expliqué auparavant. Le centre Pierre Claverie avec toutes ses activités. D’autres bibliothèques qui font aussi beaucoup d’activités : la bibliothèque des sœurs, la bibliothèque de médecine. A Alger, vous avez le centre des Glycines, le CCU. A Constantine, vous avez Dilou. Dans le Sud, un centre pour les documents sur le Sahara. Et tous ces espaces sont au service des universitaires. 

Le CDSHA est-il ouvert à toutes les classes de la société ou uniquement pour les universitaires ?

Notre centre est ouvert aux universitaires d’abord et à tout les amoureux de la lecture. Malheureusement, nous n’avons pas une partie pour les enfants car une autre bibliothèque amie le fait. Bientôt, le centre s’ouvrira aux artistes. Nous comptons s’ouvrir à d’autres formes d’activités culturelles et artistiques car le site dans lequel nous sommes s’y prête parfaitement.

Le centre est-il resté ouvert durant cette période de pandémie ? Sinon, comment avez-vous géré cette situation inédite ?

Cette période de pandémie a été très dure pour tout le monde. Nous avons fermé malgré nous le 12 mars avec la fermeture des universités du pays comme l’a demandé le gouvernement. Nous avons assuré un petit service minimum depuis nos domiciles en publiant des livres numériques au profit de nos adhérents. Nous avons repris partiellement au mois de juin avec des permanences de quelques heures (Tous les jeudis de 10h à 13h) mais là aussi nous avons eu recours à la méthode numérique. Nous demandons à nos adhérents de visiter notre site internet (www.cdesoran.org), de relever les codes des livres et de nous les envoyer par Messenger ou par e-mail. Nous leur préparons leur commande de livres et chaque jeudi, ils viennent prendre leur commande. Nous n’avons pas encore ouvert l’accès à la bibliothèque et l’entrée est très restreinte, personne par personne avec le port du masque obligatoire et avec le respect de la distanciation physique entre l’adhérent et la personne qui remet la commande de livres. Cela ne prend pas beaucoup de temps et ça permet de rendre service aux étudiants qui doivent déposer leurs mémoires de master ou leur thèse prochainement sans aucun risque de contamination. Vous savez, nos étudiants n’ont pas pu travailler chez eux pendant le confinement. Nous avons des domiciles minutieux avec des familles nombreuses dans des villages. Comment voulez vous faire un mémoire ou une thèse là-dedans ? Moi-même personnellement, je communique beaucoup avec mes étudiants par e-mail ou par Messenger. Je leur donne des conseils. Je leur scanne des documents et je leur envoie. Je ne veux pas les abandonner durant cette période difficile. Vous savez, nous pouvons faire beaucoup de choses par internet. Le plus dur, c’est ceux qui sont loin d’Oran et qui ne peuvent pas venir. Ceux là, j’essaye de les aider à distance. Nous allons voir avec cette rentrée universitaire en suivant les instructions de notre gouvernement, bien sûr, et selon la situation sanitaire de notre pays, comment aider plus nos adhérents. En tous cas, une chose est sûre : nous ne les abandonneront jamais. Nous trouverons le moyen sans nous mettre tous en danger. C’est dans les moments les plus difficiles qu’il faut savoir aider les autres sans les mettre en péril.  

Entretien réalisé par R. Ezziane

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