L’interdiction de certaines activités commerciales où les règles de distanciation sont difficiles à maitriser divise fortement les citoyens entre les «pour» et les «contre». Quant aux commerçants concernés, ils sont tout simplement dans le désarroi. Il s’agit notamment des marchands de vêtements et chaussures, des coiffeurs et des commerçants saisonniers comme les fabricants de zlabia et de gâteaux orientaux.
Les agents de police relevant de la sûreté de la daira d’Ouled Ben Abdelkader veillent sur à l’application de la décision de fermeture en se montrant intransigeants avec les récalcitrants. Toute transgression de la directive conduit à des sanctions sévères. Les propriétaires des magasins concernés par la fermeture sont conscients de la gravité de la chose. Cependant, ils sont divisés entre ceux qui sont qui convaincus de la nécessité de baisser rideau vu la gravité de la situation et ceux qui ne veulent pas l’admettre, évoquant les pertes déjà énormes qu’ils subissent.
Les clients ne sont pas en reste, ils expriment leur ras-le-bol sur une situation qui devient oppressante, notamment ceux qui sont obligés d’acheter des habits neufs pour leurs enfants, la célébration de l’Aïd oblige.
Pour en connaitre davantage sur l’état d’esprit des uns et des autres, nous nous sommes rendu à «Zenkat en’sa», littéralement la rue des femmes où se trouvent tous les magasins de vêtements en plus d’autres activités à l’image, des droguistes, des réparateurs de TV, des épiciers etc.
C’est là où nous avons pu recueillir les propos suivants :
Khaled, citoyen :
«Je suis un habitué des lieux, d’habitude, en temps ordinaires, cette rue connait une affluence nombreuse à l’approche de l’Aïd. Les gens viennent de partout pour acquérir ce dont ils ont besoin. Les commerçants sont conscients de la situation, ils appliquent à la lettre les instructions de l’Etat pour se prémunir du coronavirus, c’est une bonne chose sauf que ces mêmes commerçants sont en difficulté. D’abord, ils ont liquidé une grande quantité d’habits d’hiver à des prix incroyables. Ensuite, ils ont acquis une quantité conséquente des habits légers en prévision de l’occasion de l’Aïd et de l’été qui leur reste sur les bras. Ils sont mal tombés d’autant que la décision de refermeture était inopinée».
Amine, marchand de chaussures :
«Je suis diplômé universitaire depuis des années, j’ai satisfait aux obligations du service national, mon père est un petit fonctionnaire qui n’arrive pas à subvenir aux besoins de la famille constituée de six personnes. Pour lui venir en aide, j’ai ouvert une boutique de vente des chaussures. Mais voilà ! A peine ai-je commencé que je suis déjà couvert de dettes. La dernière décision nous a coupés les bras et les jambes. Les instances concernées auraient dû maintenir la décision initiale pour nous éviter toute cette perte. Si cela continue ainsi, nous ne pourrons même pas couvrir les frais de location sans parler des frais de l’assurance, ni des impôts. Seul Dieu sait de quoi sera fait demain».
M’hamed, marchand de vêtements pour femmes :
«D’ordinaire, on travaillait pendant ce mois pour nous assurer de quoi on peut subvenir aux besoins de nos familles. Nous sommes environ une dizaine dans ce quartier, je peux vous garantir que personne n’est en mesure de s’acquitter des frais des impôts ou des assurances. Dans les circonstances normales, on gagnait assez pour payer les charges de location et d’autres frais courants. Cette année, avec la pandémie, on n’est même pas sûr de survivre… Certes, les circonstances sont difficiles, cependant, on aurait pu mettre en application les mesures nécessaires pour respecter la distanciation. Il est clair que tout le monde en est conscient. En définitive, on souhaite que cette crise soit passagère».
Mohamed, vendeur d’ustensiles de cuisine :
«Mon commerce aurait pu ne pas être concerné par la fermeture s’il y avait juste la mention «détergents» inscrite sur mon registre de commerce, malheureusement, il n’y est mentionné que «ustensiles de cuisine», une activité qui n’est pas tolérée en cette période de pandémie. Notre région est saine, aucun cas n’a été enregistré depuis l’apparition de cette maladie, néanmoins, on ne peut pas savoir car les gens se déplacent et il est probable qu’ils contractent le virus. La décision de l’Etat est sage, il faut qu’elle soit respectée. Nous espérons que demain sera un jour meilleur et tout entrera dans l’ordre».
Maamar, propriétaire d’un restaurant :
«Mon activité est à l’arrêt depuis la promulgation de la décision de fermeture dès les premiers jours tout comme les autres commerces qui observent un ruch. Pour compenser cette perte, j’ai décidé de fabriquer la zlabia pour le mois de ramadan. Je me suis procuré de l’huile, de la semoule et du sucre en grandes quantités, j’ai recruté trois employés qui ont une certaine expérience dans la fabrication de ce produit et nous avons commencé le plus normalement du monde. On respectait à la lettre les mesures de distanciation en invitant les gens à ne pas s’attrouper devant le local. Tout allait bien jusqu’au jour où la décision est tombée tel un couperet sur nos têtes. Actuellement, je suis devenu au chômage forcé».
Propos recueillis par Abdelkader Ham