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Tissemsilt, un potentiel en berne

Par Rabah Saadoun

Depuis sa promotion au rang de wilaya en 1984, Tissemsilt connait une croissance urbaine tous azimuts. Néanmoins, le développement économique ne suit pas la même cadence dans la mesure où elle reste dépendante des autres wilayas du pays, en particulier celles qui lui sont limitrophes en termes d’approvisionnement en produits en tout genre. Cela, en dépit des potentialités énormes dont elle dispose.

Tissemsilt s’étend sur une superficie de 3 151,37 km2, elle se situe au centre du pays, dans la région de l’Atlas tellien, à 220 km d’Alger et à 300 km d’Oran. Elle est délimitée au nord par les wilayas d’Ain Defla et Chlef, à l’est par la wilaya de Médéa, à l’ouest par la wilaya de Relizane et, au sud, par la wilaya de Tiaret.

Avec une population estimée à plus de 300 000 habitants répartis sur 22 communes, la wilaya dispose d’excellentes opportunités de développement dans plusieurs secteurs porteurs à savoir l’agriculture, le tourisme, l’industrie et les mines. Cependant, malgré toutes ses richesses naturelles, elle reste l’une des wilayas les plus pauvres du pays.

A vocation agricole, sylvicole et pastorale, la wilaya dispose d’une superficie agricole utile de 145 465 ha dont près de 2 850 ha irrigués. Le domaine forestier à lui seul couvre 20% du territoire avec une superficie de 62 119 ha. La production de céréales, de fourrages et l’élevage revêtent une importance capitale. Malheureusement, la wilaya n’arrive même pas à assurer son autosuffisance en matière de céréales, de légumes et fruits, de viande et de lait. Pour le lait, la wilaya enregistre un déficit flagrant, d’où la pression permanente durant toute l’année sur ce produit vital. Un seul fournisseur qui s’approvisionne auprès de la laiterie de Tiaret alimente toutes les communes de la wilaya. Et la seule laiterie au niveau de la wilaya, en l’occurrence l’usine «Boilait», qui se trouve dans la daïra de Khemisti, a des capacités de production très limitées. En effet, elle ne produit que 4 500 litres par jour à un moment où Tissemsilt-ville, à elle seule, a besoin de plus de 10 000 voire 15 000 litres par jour. D’aucuns estiment que cette unité doit s’équiper pour doubler voire tripler sa production. A défaut, il y a lieu d’encourager la création d’une autre unité de production de lait et sa mise en activité le plus vite possible. En attendant, les autorités locales se sont mises d’accord avec l’unité «Giplait» afin qu’elle ouvre un point de vente dans la ville de Tissemsilt en fournissant au moins 10 000 litres de lait par jour. Accord qui a été conclu dernièrement et un point de vente a été choisi.

Pour ce qui est de la semoule et de la farine, la wilaya enregistre aussi un manque en dépit de l’existence de silos de grandes capacités datant de l’époque coloniale. Ces derniers, faut-il le préciser, ne couvrent plus les besoins de plus en plus croissant de la population. Le contraste est que la minoterie industrielle qui se charge de la trituration des grains de la wilaya se trouve dans la daïra de Mahdia qui dépend de la wilaya de Tiaret. Les récoltes de la wilaya passent automatiquement par une autre wilaya et la dépendance persiste donc. Une minoterie industrielle dans une zone d’activité du territoire de la wilaya règlera, sans le moindre doute, définitivement le problème.

Même constat pour la production de viande rouges, blanches, d’œufs et de fruits et légumes. Les terres irriguées qui jouxtent le barrage de Bougara restent inexploitées.

Tourisme vert, un créneau très porteur

La wilaya recèle des paysages époustouflants faits de 65% de montagnes et un patrimoine forestier imposant peuplé d’une faune et d’une flore exceptionnelle. Elle dispose aussi de trois circuits touristiques et de sources thermales renommées. Malgré tout cela, le secteur reste un terrain vierge. Un secteur qui, s’il est exploité, boostera à coup sûr l’économie locale et générera des emplois à un moment où le taux de chômage dans la wilaya est très élevé. Le parc national des cèdres d’El Medad, à Theniet El Had, la forêt d’Ain Antar à Boucaïd et les sources thermales de Sidi Slimane à Bordj Bounaâma arrivent à attirer de la clientèle touristique mais ces trois stations souffrent d’un manque flagrant de moyens d’accompagnement et d’infrastructures touristiques (hôtels, restaurants, moyens de transport…. Ailleurs, c’est la sécheresse totale en termes de plus-value touristique.

Certes, la wilaya s’est dotée ces derniers temps de quatre hôtels étoilés, à savoir l’hôtel Melasse, l’hôtel Tairaoui, l’hôtel L’étoile blanche à Tissemsilt et l’hôtel El Aziz à Theniet El Had qui viennent plus ou moins colmater le vide qui existait en terme d’infrastructures hôtelières. Mais il reste beaucoup à faire dans ce secteur ô combien prometteur pour cette belle wilaya.

En outre, la capitale de l’Ouarsenis compte plus de 50 sites historiques et archéologiques, appartenant à toutes les périodes historiques. Son histoire remonte au paléolithique supérieur (10 000 ans avant J.C.). A titre d’exemple, on peut citer les sites d’Ain Tokria et de Taza. Ce dernier est une des citadelles érigées par l’Emir Abdelkader. Il y a tenu son dernier conseil de guerre le 3 juillet 1838. Le site est composé d’une citadelle avec un rempart extérieur de 69 mètres de long et 33 mètres de large et de bastions pour résister aux assauts de l’armée coloniale française. Toutes ces potentialités touristiques, si elles viennent à être exploitées convenablement, pourraient constituer une mine d’or pour toute la région.

Des zones d’activité inertes

Le secteur de l’industrie ne diffère pas du tout des autres secteurs. Des zones d’activités industrielles ont été créées en vue d’accueillir les investisseurs et leurs projets sous forme de petites et moyennes entreprises. Parmi ces zones, on peut citer les zones d’activités sur la route de Bougara à Tissemsilt, Sidi Mansour à Khemisti et celle de la route de Bordj El Emir à Theniet El Had. Cependant, si on exclut quelques unités de productions de matériaux de construction qui y activent, ces zones restent en majorité désertes, en tous les cas sur terrain. Un constat qui fait mal !

Les seules entreprises qui émergent du lot se comptent sur les bouts des doigts et dont les principales sont la société de fabrication de couvertures et textiles (Sofact ex-Couvertex) qui emploie 286 personnes ; la société algérienne des mines de baryte (330 travailleurs) et la briqueterie Djillali Bounaâma (92 employés).

La société de baryte se situe dans la commune de Boucaïd, les deux autres se trouvent à Tissemsilt. C’est dire la faiblesse pour ne pas dire l’inexistence d’un vrai tissu industriel qui, en principe, devrait être constitué d’unités de production éparpillées sur une bonne partie du territoire de la wilaya et ce, dans un souci d’exploiter rationnellement les richesses naturelles et, dans le même temps, fournir du travail à la population locale.

La SOFACT, qui a fait les beaux jours de la wilaya durant les années 1990 en produisant des couvertures de luxe vendus à travers tout le pays et exportées, entre autres, vers la Russie, bas aujourd’hui de l’aile. Tournant au ralenti, elle voit son effectif rétrécir comme une peau de chagrin. Un effectif compressé qui vient chaque mois alourdir la longue liste des chômeurs.

D’autres entreprises, à l’image de la société des mines de baryte, peuvent voir le jour vu la richesse de la wilaya en termes de ressources minières (calcaire, gypse, argile, sable…) et qui offrent de nombreuses opportunités d’investissement notamment dans la branche des matériaux de construction et le développement de PMI et PME. D’autant plus que le minimum d’infrastructures de base existent avec un réseau routier important : 215 km de routes nationales, 500 km de chemin de wilaya et 1038 km de chemins communaux.

Un grand coup de balai doit être donné dans ces zones d’activités pour les nettoyer des pseudos investisseurs opportunistes afin de les céder aux vrais investisseurs. Elles doivent être activées en y créant de petites entreprises de transformation ne serait que des produits du terroir : conserveries, fromageries, minoteries etc. Entreprises qui pourraient absorber un peu de chômage et généreraient une plus-value et de la richesse pour la région.

La wilaya a donc vraiment besoin d’un véritable plan de redressement qui lui permette de sortir de sa léthargie. Les potentialités sur tous les plans existent, la main d’œuvre existe et le terrain est très fertile. Il ne manque qu’une bonne dose de volonté et de savoir-faire, le tout suivi de facilités et d’encouragements pour attirer les vrais investisseurs qui relèveront le défi pour une véritable révolution économique au sein de la wilaya. Les autorités locales sont conscientes du problème et essayent d’œuvrer dans ce sens. On n’en doute pas.

R. S.

4 thoughts on “Tissemsilt, un potentiel en berne”
  1. Cher Monsieur, ce n’est pas intentionnel, bien au contraire, des contraintes de différents ordres nous empêchent d’être « réactifs » au sens où le souhaitent nos lecteurs. Il y a un seul modérateur qui est à la fois rédacteur en chef du journal, correcteur et qui s’occupe du site. Je vous épargne aussi les difficultés à se connecter correctement à l’internet à Chlef. Saha ramdanek.

    1. saha ramdankoum. je comprends mieux vos raisons et je présente mes plates excuses en vous demandant donc de bien vouloir supprimer mon précédent message ainsi que celui ci.
      saha ftourkoum.

  2. A son érection au rang de wilaya en 1984, on disait de Tissemsilt: « wylayate ecchdjar wal hdjar » ( wilaya d’arbres et de pierres) entendant par là qu’il n’y avait rien d’autant que lors du partage des territoires qui ont été dépecé, Tiaret a profité pour s’accaparer les terres fertiles limitées par l’oued Nahr wassal et Chlef s’est débarrassée des montagnes déshéritées qui étaient le lot des dairate de Bordj Bounaama et de Teniet el Had.
    Cette wilaya enclavée sans véritable réseau routier et ferré à même de permettre aux investisseurs de faire prospérer la région s’est vu programmer une ligne de chemin de fer et une pénétrante d’autoroute, toutes deux reliant Ténés dans la wilaya du Chelif à Bougzoul, si mes souvenirs sont bons.
    la ville, chef lieu, a eu un développement tentaculaire mais anarchique qui a « bouffé » toutes les terres agricoles environnantes pour construire des cages à poules qui ne résisteraient pas à un tremblement de terre supérieur à 4,5 sur l’échelle de Richter.
    je trouve malheureux qu’un si joli village de la limite nord des hauts plateaux soit devenu ce chancre innommable.
    merci, cher monsieur Saadoune d’avoir si bien décrit et cerné les problèmes de Tissemsilt à laquelle je souhaite un meilleur avenir.

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