L'Algérie de plus près

Qui se souvient du steak de pétrole ?

Par  Rachid  Ezziane

Non, ce n’est pas de la fiction, encore moins une blague. Le steak de pétrole a bel et bien existé. Ne cherchez pas midi quatorze heures, je vais vous raconter son histoire.

Tout a commencé à Martigues, ville du sud de la France, pas si loin de Marseille, dans les laboratoires de la S.F.B.P (Société française British Petroleum), quand, en 1963, un chercheur, dénommé Alfred Champagnat, et après avoir eu connaissance de la découverte du professeur Jacques Sènes, éminente personnalité du C.N.R.S de Marseille, de la possibilité d’extraire des levures, plus ou moins semblables à celles utilisées en boulangerie et en brasserie, à partir de Substance composée d’hydrocarbures saturés, appelée paraffine.

Cette levure «paraffinée», extraite du déparaffinage du gasoil, riche en protéines, fut utilisée, tout au début, dans l’aliment du bétail.

En janvier 1963, un laboratoire fut créé à Martigues pour développer les travaux de recherches dans le déparaffinage.

Quelques mois après, et contre toute attente, un brevet d’invention est déposé, dénommé : «Procédé de déparaffinage des fractions du pétrole.»

De 1963 à 1970, on continua dans les laboratoires de Martigues à produire des levures riches en protéines pour les utiliser dans l’aliment du bétail.  La découverte prend de l’ampleur et arrive jusqu’au Japon.

En 1972, les «poup» (Protéines Unicellulaires d’origine pétrolière) sont produites en très grandes quantités dans des usines en France, Italie et Japon pour les utiliser à l’amélioration des aliments du bétail.

Des chercheurs, en quête d’une meilleure utilisation de ces protéines, allèrent jusqu’à confectionner des biscuits à base de «poup». Ces biscuits à base de pétrole font la une des journaux et deviennent à la mode. L’UNESCO décerna son prix scientifique à Alfred Champagnat. Nutritionnistes, biologistes et, s’il vous plait ! même un Nobel, ont été associés pour plébisciter la découverte du siècle. Les hommes n’auront plus faim, ils se nourriront de «steak de pétrole», s’écria  la presse dans le monde entier.

Les producteurs de soja paniquèrent et crurent à la mort de leur secteur ; ils feront tout pour contrecarrer cette nouvelle invention. Ils lanceront une grande campagne médiatique contre les «poup» (Protéines Unicellulaires d’origine pétrolière) en les qualifiant de cancérigènes. Les Etats Unis, sous la pression des cartels du soja, décrétèrent une loi interdisant l’importation des «poup».  

En 1976, la British Pétroleum (BP), qui avait investi des milliards dans le «steak de pétrole», et après de longues négociations avec les Américains pour une compensation de ses pertes, ferme son usine de Martigues, s’ensuivirent, quelques mois après, celles implantées en Italie. Et c’est ainsi que fut abandonné le projet, et tous les résultats des recherches en laboratoires disparurent sans laisser de traces.   

Seul le mythe du «steak de pétrole» continua d’animer les discussions un laps de temps, puis, petit à petit, s’enfouit dans les méandres du subconscient collectif.

L’utopie de l’éradication de la famine par l’apport des aliments à base d’hydrocarbures n’aura vécu que le temps d’un rêve éveillé, laissant la place à la dure réalité du déséquilibre alimentaire mondial.

Mais, qui sait, peut-être, qu’un jour…

R. E.

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