L'Algérie de plus près

Daniel Moreau, ancien professeur de Physique-Chimie au lycée Es-Salem : «J’ai beaucoup aimé l’Algérie… et je l’aime encore !»

Qui se souvient du professeur de physique-chimie, le coopérant, M. Moreau du lycée As-Salem d’El Asnam, celui qui passait des nuits au laboratoire et qui s’habillait, en hiver, d’une kachabia ?

Le Chélif l’a contacté pour un entretien par l’intermédiaire d’un Asnami, qui a été son élève et qui vit aujourd’hui en France. Il s’agit de Youcef El Meddah, communément dénommé : Youcef  L’Asnami. Donnons-lui la parole pour nous expliquer comment a-t-il pu retrouver les traces de son ancien professeur après de longues années de séparation : «J’ai perdu de vue Daniel Moreau depuis de nombreuses années à l’époque où il habitait encore à Montmorillon (86). C’est suite à un article de presse qui évoquait la réussite d’un de ses élèves, que j’ai contacté cet élève qui m’a donné ses coordonnées. J’ai profité d’une mission à la Rochelle pour lui rendre visite. J’ai été en classe de Terminale chez M. Moreau, prof de Physique-chimie. C’est lui qui m’a fait aimer l’enseignement et la formation dans lesquels je baigne toujours. Il écrivait tout au tableau. Absolument tout. Il n’avait jamais sur lui ni cahier ni livres. Juste une brosse et un petit sac plein de craies de toutes les couleurs. Un pédagogue hors pair. Mais assez dédaigneux pour les élèves moyens ou nuls en Physique. Ce que je  lui ai  toujours reproché. Et on en a longuement parlé, car on est devenu de très bons amis longtemps après le Bac. En revanche, il aidait matériellement énormément les élèves les plus démunis, mais à condition que leur moyenne soit au dessus de 15/20. Ce que  je considérais comme injuste !  Son attachement à l’Algérie est tel qu’il a construit un véritable petit musée chez lui qu’il appela «Tassili», une petite salle dans laquelle il a regroupé tous ses souvenirs algériens : tableaux de  peinture, bijoux, tapis…».

M. Moreau a accepté de répondre aux questions du Chélif avec une note de langueur et de nostalgie, car il a beaucoup aimé l’Algérie, sa chaleur humaine, son hospitalité. Ecoutons-le.

Le Chélif : Monsieur Moreau, vous avez été professeur de physique-chimie au lycée As-Salem d’El Asnam il y a de cela plus de 40 ans. Gardez-vous en mémoire cette période et quel est votre sentiment en y pensant ?

Daniel Moreau : Oh oui ! Ces trois années scolaires à El-Asnam ont été les plus marquantes de ma carrière et sans doute de ma vie. C’était l’époque de la jeunesse où l’on imagine encore pouvoir changer le monde !

Savez-vous qu’à Chlef (l’ancienne El Asnam), les anciens élèves du mythique lycée gardent de vous de bons souvenirs et souvent ils les évoquent. Avez-vous des échos dans ce sens ?

Oui, J’ai gardé le contact –quelquefois ténu- avec plusieurs anciens élèves, qui sont devenus des amis, et avec qui j’évoque nos années de jeunesse avec beaucoup d’émotion.

Etes-vous retourné depuis votre départ d’El Asnam (Chlef) ?

Oui, tous les ans jusqu’en 1980, plus du tout ensuite (j’avais une compagne, qui est devenue ma femme, et j’économisais mon argent pour nos vacances communes).

Que devenez-vous aujourd’hui et quel a été votre parcours professionnel depuis votre départ d’El Asnam ?

Je suis à a retraite depuis 2008, et depuis El Asnam jusqu’à ma retraite, j’ai enseigné la Physique-Chimie au lycée de Montmorillon, petite bourgade rurale près de Poitiers, où je me suis plu énormément (c’est pourquoi j’y suis resté !).

Comment avez-vous vécu le tremblement de terre d’octobre 1980 ?

Comme un traumatisme. J’avais vu pour la dernière fois El Asnam un mois avant le tremblement de terre, et la ville était très belle car pour une fois l’administration avait coordonné tous les travaux (rénovation des réseaux d’eau et d’électricité avant la réfection du revêtement des rues !). J’étais suspendu à la radio pour écouter les nouvelles (enregistrées plusieurs fois), je lisais beaucoup de journaux, j’avais au téléphone plusieurs amis algériens ou coopérants

Quel est votre sentiment qu’un journal (francophone) de la ville d’El Asnam et d’Algérie s’intéresse à vous ?

J’en suis surpris (agréablement), mais heureux et flatté.

Une question plus ou moins personnelle. Est-ce vrai que vous passiez des fois la nuit dans votre laboratoire, à l’intérieur du lycée ?

Tout à fait. Je ne peux pas envisager l’enseignement de la Physique ni de la Chimie sans expériences aussi démonstratives que possible (je sais que ce n’est plus la mode car ça coûte cher !). Quand j’ai quitté El Asnam, on pouvait à nouveau faire toutes les expériences de Terminale. A Montmorillon, il m’a fallu par exemple pallier l’hypocrisie de certains gouvernements qui «oubliaient» la ligne budgétaire correspondant aux matériels inhérents aux changements de programme ! Une expérience qui dure 10 min devant les élèves peut nécessiter plusieurs jours de préparation et de mise au point. La nuit et le week-end sont les seuls moments de calme pour faire ce travail.

Encore une autre question personnelle, si vous permettez. Qu’est-ce qu’elle est devenue la «kachabia» que vous mettiez souvent ?

Je l’ai portée plusieurs années encore en hiver, mais je n’ai pas voulu m’en débarrasser quand elle a été usée et je l’ai gardée dans une poche anti-mites dans ma penderie !

Toutes mes excuses, mais je devais commencer par cette question : comment allez-vous avec le confinement ? Et merci pour votre disponibilité.

Pour l’instant bien ! Ma femme et moi disposons d’une assez grande maison, avec un petit jardin, et beaucoup de livres et de disques pour nous occuper l’esprit !

Un dernier mot pour conclure…

J’ai beaucoup aimé l’Algérie, sa chaleur humaine, son hospitalité sans chichis et je l’aime encore ! Je ne sais pas si la SONELGAZ-SONÉLEC existe encore, mais c’est la seule administration algérienne que j’ai trouvée agréable, souriante et remarquablement efficace. Je tiens à en remercier le personnel Asnami de l’époque.

Entretien réalisé par Rachid Ezziane

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