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Sidi Ahmed Assas, un saint thaumaturge qui force le respect

La région du centre-ouest abrite de nombreuses koubbas, cénotaphes et mausolées construits en hommage aux saints et thaumaturges ayant contribué à la propagation de la foi musulmane en Afrique du nord. Si l’histoire de certains de ces walis a été consignée dans des ouvrages de référence, parchemins et autres manuscrits jalousement préservés, des milliers d’autres n’ont pas eu cet honneur. Transmise oralement, leur biographie a subi des déformations qui ne permettent ni de situer à quelle époque ils ont vécu ni ce qu’ils nous ont légués comme enseignements religieux.

De passage à El Kherba, nous avons essayé d’en connaître davantage sur le wali «Sidi Ahmed Assas» dont on peut apercevoir la koubba blanc et vert sur la colline faisant face au village. Nous avons à ce propos interrogé Torchi Djillali, 75 ans.       Natif de la région et habitant à El Kherba depuis toujours, il précise que le saint wali s’appelle bien «Sidi Ahmed Assas», et non «Hachache» comme ont tendance à l’appeler d’autres. Voici l’anecdote qu’il nous a racontée :

«A l’époque, au début des années 1970, on n’était pas nombreux à habiter là, à El Kherba, on était à peine 4 ou 5 familles. Le mausolée du wali était déjà construit en dur à cette époque là. Je travaillais à la carrière de plâtre qui est en contrebas du village, au premier tournant. Aujourd’hui, elle n’existe plus. Le sous-préfet de Ténès nous a imposé un chef, un contremaître, à qui il a dit un jour : «Pourquoi maintenez-vous la bâtisse de ce wali sur la colline ? Il me faut l’enlever demain matin. Je ne veux plus le voir.» Le contremaître ne pouvait contredire le responsable mais il a osé quand même lui dire que le saint wali est là depuis très longtemps, qu’il avait des pouvoirs magiques et que les gens d’ici le respectaient beaucoup. Imbu de sa personne, se croyant «plus « civilisé » que nous autres paysans, il a regardé le contremaître avec mépris et lui a dit : «J’ai dit demain, et je veux que ce soit fait. Tu ramènes des ouvriers de la plâtrière et tu mets le mausolée à ras-terre.»

Le contremaître avait beau se justifier mais le chef de daïra s’est entêté à vouloir détruire le mausolée.

Le soir venu, après qu’il s’est couché, le chef de daïra fut pris de violentes douleurs au ventre. Il n’a pas cessé de vomir de la nuit, une diarrhée aigue l’a complètement lessivé. Son ventre coulait comme un oued.

Pris de doutes, le chef de daïra pensa à ce qu’il avait ordonné le matin au contremaître. C’était donc ça, s’est-il dit : Sidi Ahmed El Assas n’a pas apprécié et il se venge de moi.

Après avoir consommé en surdose tisanes et médicaments et, se sentant légèrement mieux, le chef de daïra fit appel à son chauffeur très tôt le matin et le somma de l’emmener sur le champ à El Kherba.

«Je m’en rappelle très bien : il est arrivé juste au moment où on commençait le travail à la plâtrière. Il a appelé le contremaître et lui a dit en ces termes : «Ecoute, vous allez devoir effectuer des travaux d’embellissement sur la koubba et vous allez la repeindre entièrement. Il n’est pas question de le démolir ou de le laisser à l’abandon.»

En prononçant ces mots, le chef de daïra s’est senti comme débarrassé d’un lourd fardeau. D’ailleurs, il s’est senti légèrement mieux, il avait le sourire et est reparti chez lui rassuré. Le lendemain, quand il est revenu à la carrière, il a avoué qu’il a passé la veille la nuit la plus horrible de sa vie et qu’il pensait que la maladie allait l’emporter la nuit même. «Je remercie Dieu de ne pas avoir détruit le m’qam de Sidi Ahmed», nous a-t-il dit.

«Les walis de l’ancien temps, on ne plaisante pas avec eux. Il faut les respecter car ce sont des hommes de Dieu, qui ont consacré toute leur vie à son adoration. Et le wali Sidi Ahmed est très ancien, il était là bien avant l’arrivée des français sur nos terres. Avant, il y avait juste des murs de pierres, la construction était grossière… mais des gens de bien ont cotisé et construit la koubba que vous voyez. Ça fait quelques jours, mon fils a acheté deux bidons de peinture et l’a repeinte avec deux de ses amis. Les gens continuent de lui rendre visite. Certains déposent des présents et quelques pièces de monnaie à l’intérieur. C’est la famille Aïchouba, qui habite à côté, qui assure l’entretien des lieux de père en fils. Mais depuis la disparition du grand-père, Bekkanniche, les jeunes ne s’y intéressent pas beaucoup, en tout cas, pas comme cela se faisait avant.»

Propos recueillis par Ab. Kader

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