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Pandémie, à quand la fin de l’horreur ?

Par Abdelkader Guerine  

  

«Comme les autres genres de la sous-famille des coronavirus, le COVID-19 cause des infections respiratoires qui induisent facilement à l’étouffement et à au décès des personnes touchées. C’est aussi un agent pathogène zoonotique qui prolifère chez certaines espèces d’animaux sauvages avant d’être transmis des animaux à l’homme, puis la passation se fait graduellement entre les hommes eux-mêmes»

Pandémie. Issu du grec «Pan» qui veut dire «tous» et «Démos» qui signifie peuple, ce terme désigne, comme son nom l’explique, un phénomène nuisible qui touche sévèrement une partie importante de la population dans une zone géographique donnée. L’homme a connu de nombreuses vagues de contagions meurtrières durant le cours de son histoire. Les anthropologues estiment que les épidémies n’ont été possibles que vers l’âge néolithique, environ 6 000 ans avant J-C, une période qui coïncide avec la transition du mode de vie nomade vers l’urbanisation et la sédentarisation des sociétés humaines.

Une pandémie est une épidémie qui se développe hors des frontières de la région de son apparition, laquelle constitue en quelque sorte l’épicentre de son émergence. La transmission de la maladie et sa propagation s’effectuent grâce à des éléments biologiques nocifs transportés par l’homme, par les animaux, par l’eau, par certaines plantes ou simplement par l’air. Ainsi, l’émersion d’une épidémie locale mal maîtrisée, surtout lorsqu’il s’agit d’agent pathogène inconnu, peut facilement aboutir à une pandémie internationale.

La première pandémie mentionnée dans les écrits littéraires remonte à la peste d’Athènes citée dans les textes du philosophe Grec Thucydide. Elle date de l’an 428 avant J-C. Il s’agit de l’invasion d’une variole aiguë que l’auteur lui-même a contractée. Venue d’Ethiopie, elle envahit l’Egypte, la Perse et la Grèce, causant des pertes humaines inestimables dans les contrées dévastées.

Rares d’abord, les pandémies deviennent plus fréquentes avec la complexité progressive des relations humaines, l’épanouissement des échanges commerciaux, les guerres et les conflits militaires.

La période Romaine a également connu une succession d’épidémies dont certaines ont pris l’ampleur de véritables pandémies. D’autres maladies infectieuses, comme la peste, sont devenues endémiques, elles perdurèrent pendant de longues années dans certaines régions. La lèpre qui frappa l’empire Romain dans l’an 65 de notre ère demeure la pandémie la plus connue et la plus meurtrière de la période antique. 30 000 décès sont déclarés rien que dans la cité de Rome suite à ce fléau qui s’est étendu vers La Gaule et en Germanie.

Le Moyen-Âge, à son tour, n’a pas échappé au passage de pandémies multiples. La peste noire qui refait surface vers 1350  était une pandémie explosive. Environ 25 millions d’âmes y périrent en Europe et certainement autant en Asie. La fréquence de ces catastrophes s’accroît à deux ou trois pandémies par siècle. Elle s’accentue graduellement avec la découverte du continent américain et la révolution industrielle mise en marche en Europe. La variole, le choléra, le typhus, la syphilis, la tuberculose sont des maladies qui ont fait des ravages parmi les groupements de populations de plus en plus denses avec le temps.

Ces grandes maladies persistent périodiquement en occident jusqu’aux temps modernes. Après la renaissance et le développement intense des échanges humains et commerciaux, de nouvelles pathologies font encore leur apparition et prennent un caractère pandémique considérable. L’importation et l’exportation des infections contagieuses entre les continents donnent aux pandémies un volume universel qui met en risque l’humanité entière. La variole et la rougeole ont décimé la civilisation amérindienne au Mexique en emportant les dernières tribus des Incas vers la fin du 16eme siècle. Plus d’un million de cas de malaria sont recensés dans le sud des Etats-Unis en 1830. La déportation des africains lors de la traite de noirs a impliqué ce continent dans le circuit pandémique mondial. L’Afrique de l’ouest était nommée «la tombe de l’homme blanc» à cause de la pandémie de la malaria qui y régna pendant des décennies. Transmissible par les moustiques, la malaria est tardivement éradiquée grâce à l’élimination des sources de croissance de cet insecte nuisible : désinfection des plantations malpropres et des points des eaux impures.

Certaines pandémies se propagent à cause de la pauvreté des populations dans le milieu urbain. Liées à la misère, elles sont généralement engendrées par la transmission hydrique, l’habitat précaire, la malnutrition et l’absence totale de soins médicaux. La tuberculose qui a tué approximativement 100 millions de personnes au cours du siècle dernier est considérée comme la complication sanitaire la plus importante en expansion dans le monde. Des maladies infantiles sont également l’objet de pandémies massives parmi cette population mineure. La diphtérie, la scarlatine ou la rougeole sont des maladies qui reviennent régulièrement avec une gravité variable. La rougeole a tué près de 200 millions d’enfants en 150 ans.  

Les maladies que les hommes se transmettent entre eux ont pour origine des microbes qui prospèrent et s’amplifient dans des milieux bactériens. Les virus sont aussi des parasites intrus à la formation humaine, ils sont des agents de conduite qui facilitent la propagation des maladies contagieuses. En raison de la complexité des mutations sociales, du déséquilibre lié à la modification environnementale, de la pollution causée par la révolution industrielle et de l’élargissement des tailles des agglomérations urbaines, la multiplication du nombre des pandémies devient un fait habituel cyclique.

Cependant, ce n’est que vers le milieu du 18ème siècle qu’une prise de conscience s’est faite remarquer pour lutter contre ces fléaux épisodiques dangereux. Des programmes de cure et de prévention sont lancés, d’abord à l’échelle des communes et des régions, puis au niveau des gouvernements et des collaborations internationales. Cette politique sanitaire commune à tous les Etats mène à la création du Conseil Sanitaire International, fondé à Constantinople en 1838, et à l’organisation de la Conférence Internationale de Paris qui tint lieu en 1851.

Bien que la science ait pu maîtriser et éradiquer un peu tôt certaines pathologies de type microbien et bactérien, celles de type viral n’ont été connues que vers la fin du 19ème siècle. En effet, c’est en 1892 que le botaniste russe Dimitri Ivanovski réussit à détecter un virus dans un liquide extrait de plantes. Plus petit qu’une bactérie, un virus possède un pouvoir pathologique extraordinaire capable de tuer un homme contaminé et de dévaster une nation entière. Plus tard, l’avancée en matière technologique et l’évolution en médecine et en biologie ont permis l’identification de cet agent causal et de le combattre par une immunisation de sérothérapie ou par le vaccin adéquat.   

L’épidémiologiste américain Abdel Omran propose en 1971 trois phases distinctes pour décrire l’évolution de l’histoire humaine. Il tente d’expliquer le progrès extraordinaire réalisé par les hommes au sujet de la santé publique. Son concept de la transition épidémiologique marque, en premier, l’âge de la peste et de la famine, relatif à l’ère néolithique et à la révolution industrielle. Une période pendant laquelle la mortalité est forte et l’espérance de vie ne dépasse pas 30 ans. Ensuite, l’âge du recul des pandémies qui commence avec l’ère de l’industrialisation. L’espérance de vie y augmente et passe jusqu’à 50 ans. Et enfin, l’âge de la fin des pandémies et de la disparition des maladies infectieuses, mais qui sont toutefois remplacées par des maladies chroniques et dégénératives dites «de civilisation». Selon le docteur Omran, cette dernière phase se distingue par l’amortissement de la mortalité et l’assurance de l’éradication des épidémies classiques.    

Néanmoins, le modèle réfléchi par Omran n’a jamais été validé par les scientifiques car les maladies contagieuses, anciennes comme nouvelles, rebondissent toujours dans les temps modernes. Plus de 1500 nouveaux agents infectieux pathogènes (virus) ont été détectés dans le dernier quart du 20ème siècle. Les responsables de l’OMS avouent que les maladies anciennes disparaissent rarement de manière définitive et que d’autres nouvelles pathologies émergent à chaque fois de façon inattendue. Parmi ces épidémies récentes, le virus Ebola est un danger notable qui s’est propagé en Afrique faisant plus de 10 000 morts. Le VIH-Sida est aussi un virus virulent qui s’est répandu dans le monde, l’estimation de ses dégâts est évaluée à 100 millions de décès en 2025.

Des formes nouvelles de pandémies grippales se sont modelées à partir de la grippe saisonnière régulière. Des pneumonies inédites et des maladies de respiration surgissent à partir de virus inconnus qui s’introduisent dans le circuit respiratoire pour détruire cet appareil. La qualité contagieuse de ces virus leur permet une transmission rapide et une divulgation foudroyante parmi les contactes humains. L’absence d’un traitement curatif ou préventif réel leur facilite l’expansion pour devenir des pandémies catastrophiques.     

L’apparition soudaine de la grippe A, connue sous la référence H1N1, qui se manifeste au Mexique en 2009, prit vite le volume d’une pandémie mondiale virulente. Ce type de grippe est de la même souche que l’infection virale qui a déclenché la pandémie de la grippe espagnole entre 1918-1919 dont le bilan s’élève à quelques 50 millions de morts. Les rapports de la CIA décrivent cette grippe comme extrêmement contagieuse, pour laquelle il n’existe aucun remède et qui peut facilement faire l’objet d’une tragédie mondiale. Le SARS (Syndrome respiratoire aigue sévère) est aussi une maladie des poumons dont l’agent causal appartient à la famille des virus couronnés, une espèce appelée «coronavirus» à cause de la forme de sa structure externe qui ressemble à la couronne solaire sous un microscope. Le SARS fait son apparition pour la première fois en Chine en 2002 pour s’étendre en pandémie sur 29 autres pays jusqu’en 2004. Malgré la vigilance des instances de la santé et des campagnes de sensibilisation et de prévention, cette grippe pandémique tue plus de 1 000 personnes avec un nombre indéterminé de victimes atteintes par cette maladie.

Le MERS, syndrome respiratoire aigue sévère du Moyen-Orient, est un autre variant de la famille des coronavirus paru en 2012 en Jordanie et en Arabie Saoudite puis dans 29 pays par la suite. Plus de 800 personnes périrent dans cette grippe pandémique et des milliers d’autres sont touchées par ce virus qui perdura jusqu’en 2015.    

Comme les autres genres de la sous-famille des coronavirus, le COVID-19 cause des infections respiratoires qui induisent facilement à l’étouffement et à au décès des personnes touchées. C’est aussi un agent pathogène zoonotique qui prolifère chez certaines espèces d’animaux sauvages avant d’être transmis des animaux à l’homme, puis la passation se fait graduellement entre les hommes eux-mêmes. Signalé pour la première fois en Chine en décembre 2019, le COVID-19 continue de se propager partout dans le monde pendant le premier semestre de l’an 2020.  

A la différence des autres types de virus couronnés, le COVID-19 est plus facile et plus rapide à transmettre. Il est caractérisé par de fortes fièvres, de la toux continuelle et des dyspnées austères. Mais, les sujets affectés par ce virus peuvent être asymptomatiques et ne portent aucun signe apparent de la maladie.  Ils sont, dans ce cas, des porteurs sains qui peuvent transmettre le virus d’une manière involontaire à d’autres personnes dans leur entourage. Parmi cette catégorie de porteurs dissimulés, il existe la partie des «super contagieux» qui désigne les porteurs qui contaminent un nombre beaucoup plus grand que les transmetteurs moyens. Ce sont généralement les gens qui ont des activités interhumaines plus denses et plus larges que les autres. Ces personnes qui arrivent à résister aux attaques du virus n’ont le salut que grâce à leur système immunitaire coriace. D’autres, vieux, convalescents déjà atteints de maladies graves ou personnes de formation biologique faible, risquent de périr à cette contagion qui n’a pas de cure. Ainsi, un décret autorisant l’euthanasie est appliqué dans certains pays qui connaissent un nombre de cas impossibles à supporter par les structures hospitalières existantes. Une sorte de médecine de guerre est pratiquée dans d’autres pays en manque de personnel soignant, de moyens d’accueil et de prise en charge. Désormais, les malades irrécupérables ne bénéficient pas de soins actifs réservés en priorité à ceux qui peuvent se remettre de cette contagion.

Le matériel de réanimation et les équipements de respiration artificielle font gravement défaut à tous les hôpitaux du monde. Le nombre des cas avérés positifs de ce virus dépasse largement la quantité des lits dans toutes les institutions hospitalières. Il faut savoir que tous les cas infectés doivent être confinés et suivis pendant la période de l’inoculation du virus qui est de 1 à 14 jours.

En effet, il n y a aucun moyen curatif déterminé pour contrer cette maladie récente. Les épidémiologistes arrivent à détecter le nouveau virus sans pour autant trouver le remède nécessaire pour le stopper. Du moins pas encore, car il faut un travail expérimental de longue haleine afin d’élaborer le vaccin nécessaire. L’absence de  médication n’empêche cependant pas les spécialistes de faire des essais avec des substances qui avaient déjà montré un effet «anticoronaviral» lors de pandémies précédentes comme celle du paludisme ou même celle du SARS. Un traitement à base de chloroquine et de son dérivé l’hydroxychloroquine est proposé par d’éminents biologistes, sachant que ce mode de soin est préventif seulement, il permettrait la modification des protéines sur la tête du virus et limiterait sa réplication et sa reproduction massive dans les poumons des personnes infectées. Les résultats espérés par cette initiative sont plutôt l’apaisement de l’état maladif des cas touchés et non l’assurance d’une totale guérison.    

Malgré la division du corps médical sur l’application du protocole clinique de l’association hydroxychloroquine-azithromycine comme une démarche thérapeutique d’urgence, le recours à ce traitement est l’unique manière de lutte médicale contre le COVID-19 pour le moment. La contagion a atteint un niveau de propagation jamais réalisé par aucune des pandémies passées. Presque tous les pays sont touchés par ce virus malin. Presque toutes les frontières sont fermées à la circulation des individus. La vie sociale, économique et politique sont presque au point mort. Toutes les activités culturelles et sportives susceptibles d’attirer les foules sont totalement à l’arrêt. Toutes les forces mobilisées sont destinées au combat de ce fléau qui n’arrête pas de s’étendre chaque jour de plus en plus.

La seule mesure de prévention possible à ce stade aggravé de la situation demeure la conduite individuelle de chaque citoyen de ce monde. Les mesures apposées par l’OMS conseillent la suspension des contacts entre personnes afin d’éviter la contagion, l’arrêt des embrassades et des saluts manuels, le lavage fréquent des mains, la désinfections des surfaces exposées à une éventuelle contamination et le port de masques et des gants, sachant que ces accessoires ne garantissent pas une protection totale.

L’instauration de la mesure-barrière du confinement chez soi est aussi une recommandation utile dans la stratégie de lutte contre le COVID-19. Ce n’est pas une disposition punitive ou un enfreint à la liberté des citoyens, mais une règle de conduite de précaution qui consiste à distancer les personnes les unes des autres dans le but de freiner l’évolution de ce mal, de le cerner, de limiter le nombre impressionnant de malades qui se multiplie chaque jour, d’alléger la saturation des hôpitaux et de désinfecter les espaces publics vidés de leurs habitués. Il est donc le temps que les gens comprennent que la transgression du confinement est un délit de non conscience dont les conséquences ne portent pas à espérer la paix. Le sens de la responsabilité est impérativement requis par ces temps de détresse. La situation inédite que le monde traverse exige le respect des consignes dictées par les spécialistes et la conformité aux modalités circonstancielles établies par les gouvernements. Que le monde sache que, pour une fois, la santé et peut-être le destin de l’humanité entière sont entre les mains de tout un chacun.      

M. G.

*Ecrivain.

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