L'Algérie de plus près

L’enseignant du primaire est-il un manœuvre sur chantier ?

PAR MOSTEFA MOSTEFAÏ*

Pourquoi avoir de la peine en voyant les gens se moquer des enseignants du primaire ? Pourquoi se mettre en colère quand un parent d’élève insulte l’enseignant de son enfant en le menaçant des pires sévices ? Quand on voit les agissements des responsables du secteur éducatif eux-mêmes envers les profs du primaire, la réponse aux deux questions est évidente. Les instituteurs sont considérés, en effet, comme le maillon le plus faible des trois cycles scolaires aux yeux des autres fonctionnaires de l’Education, notamment les enseignants de lycée, de collège et même les agents de l’administration de l’Education. Selon ces employés, l’enseignant du primaire est le « cheikh likoul », le cheikh de l’école, tandis que les autres sont appelés « prof » de telle ou telle matière ; pour eux, le « cheikh » assure une tâche que n’importe qui peut accomplir, autrement dit qu’il n’est pas sorcier d’apprendre aux petits à lire et à écrire. Ce même enseignant, d’après leurs dires, n’a pas un niveau d’instruction élevé comme ses collègues du lycée et du collège. C’est tout dire de l’idée que se font les « profs » de leurs collègues du primaire.

Mal considéré par sa propre famille, l’enseignant du primaire n’en est pas moins un bosseur extraordinaire qui se bat contre les idées rétrogrades et l’idéologie ambiante qui ont pris corps dans notre société. Il lui arrive souvent d’acheter les cartouches d’encre des markers de tableau blanc pour entamer son travail faute d’approvisionnement à temps par les services de la commune (c’est la commune qui gère les écoles primaires).

C’est sur l’enseignant du primaire que repose tout l’édifice éducationnel

le mépris vient d’abord des responsables de l’Education

Cet enseignant est obligé parfois d’acheter des articles scolaires à ses élèves nécessiteux afin de les amener eux aussi à suivre son cours ; il est appelé à donner, à titre gracieux, des leçons de soutien pédagogique tous les mardis après-midi, durant la première semaine des vacances d’hiver et de printemps. Au contraire, ses collègues du collège et du lycée sont payés.

Cet enseignant assure aussi la surveillance des tous les examens qu’organisent le ministère de l’Éducation sans exception, contrairement aux enseignants des lycées qui assurent uniquement la surveillance de l’examen du BAC.

Ce même enseignant ne sait pas de quelle tutelle il dépend ; serait-il un fonctionnaire de l’Éducation ou des Collectivités locales ? La logique veut que l’enseignant de l’école dépende forcément du secteur de l’Éducation nationale, alors pourquoi les intendants des collèges (CEM) refusent de lui délivrer sa fiche de paie et autres documents administratifs le concernant comme l’attestation de travail et de salaire (ATS) ?

La raison en est toute simple : les intendants de collège estiment que les enseignants du primaire ne font pas partie de leur effectifs personnels. Chose qui a mis ces derniers en ébullition car ils considèrent cette mesure injustifiée comme un mépris affiché à leur égard par l’Administration du secteur.

En réaction, ils réclament leur droit à disposer des services d’une administration qui leur soit propre.

En conclusion, l’enseignant du primaire est un fonctionnaire qui exerce un noble métier mais dur et épuisant qui consiste à inculquer les bases de la lecture et l’écriture aux enfants dès leur jeune âge. C’est en assumant avec abnégation cette tâche que les enseignants du primaire assurent l’avenir des futurs diplômés de l’université.

M. M.

*Enseignant à El Karimia

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