Un nouveau phénomène est apparu ces derniers mois à El Karimia qui prend de l’ampleur durant ce mois sacré. Il s’agit de la prolifération des vendeurs à la sauvette, notamment les marchands de légumes et fruits. Jeunes pour la plupart, parfois adolescents, ces marchands utilisent des petits chariots à deux roues et sont présents dans la quasi-majorité des quartiers du chef-lieu de la commune.
Squattant les trottoirs, bloquant les trottoirs et gênant la circulation automobile, s’installant parfois devant les sièges des administrations publiques, ils proposent leurs produits à la criée, parfois avec des voix assourdissantes. Ils vendent un peu de tout : des oranges, des tomates, des carottes ou de la courgette, ou des bottes d’épinard, de persil et de menthe.
En se déplaçant de quartier en quartier, ils en arrivent parfois aux mains avec les commerçants propriétaires ou locataires de magasins ou alors avec les automobilistes qui trouvent des difficultés à conduire correctement en raison du blocage de la chaussée par les engins à deux roues. En effet, les ambulants imposent leur diktat en « roulant » et en « stationnant » comme bon leur semble.
Une vraie casse-tête pour les policiers
Dès les premiers jours de ramadan, les services de la sûreté de daïra ont pris une série de mesures pour lutter contre ce nouveau phénomène. Depuis, on assiste chaque jour que dieu fait au jeu du chat et de la souris … sans résultat palpable car les marchands à la sauvette s’évanouissent dans la ville dès que pointe le fourgon blanc et bleu de la police.
Les lieux de prédilection des marchands ambulants sont toujours les mêmes : la grande mosquée du village, au moment de la prière de l’Asr et du Maghreb, et dans la matinée, le quartier populaire Frères Dendane où ils occupent tous les espaces publics. Non seulement ils gênent la circulation mais s’arrogent aussi le droit de jeter les déchets à même la rue.
Certainement, il y a des raisons qui expliquent cette lamentable situation. En premier lieu, la ville d’El Karimia, pourtant chef-lieu de daïra, ne dispose pas d’un marché de légumes et fruits couvert. En second lieu, la déperdition scolaire élevée puisque la majorité des marchands est constituée de jeunes dont l’âge oscille entre 15 et 24 ans. Certes, la plupart des vendeurs ne sont pas dans le vrai besoin, mais il existe parmi eux de vrais pauvres ne trouvant pas quoi mettre sous la dent comme le cas de Azzedine, un jeune homme de 19 ans, orphelin de père, qui vit avec sa mère et sa sœur « avec un revenu zéro », comme il le dit.
Une daïra sans marché couvert
Le défunt père était maçon, il travaillait à lâche et n’était pas assuré. Azzedine affirme que son père n’a laissé ni pension ni autre bien à sa famille. Raison qui l’a poussé à quitter l’école très tôt pour « au moins procurer du pain » à sa petite famille. Pour lui, porter de beaux vêtements est un rêve impossible à réaliser.
A propos de son « commerce », Azzedine avoue moi qu’il s’en sort moyennement si, bien entendu, la police le laisse tranquille. Et d’ajouter que ce qu’il gagne, il le dépense le jour même pour l’achat de nourriture et autres affaires utiles pour la maisonnée.
Les jeunes qui vivent la situation d’Azzedine sont nombreux dans la région d’El Karimia. Situation paradoxale selon de nombreux enseignants qui regrettent que les gigantesques efforts de l’État en matière d’éducation et de formation partent en fumée. D’après les dires de quelques membres du corps enseignant local, il est inconcevable de voir des jeunes ayant passé plusieurs années sur les bancs des établissements scolaires se retrouver à tracter des chariots de fruits et légumes et à se faire chasser de la rue par les agents de l’ordre public.
Des solutions existent pourtant qui pourraient assurer et maintenir un peu d’ordre dans la cité. Entre autres, un cadre réglementaire pour le commerce ambulant et l’organisation de l’activité commerciale dans les espaces appropriés.
M. Mostefaï