L'Algérie de plus près

« Kount b’iid! »

Par Hamid Dahmani

Cela s’est passé dans une ambiance bon enfant, dans un café populaire de la ville où nous étions rassemblés au beau milieu d’une djemaa noyée dans la fumée de tabac et le brouhaha intense digne d’un souk hebdomadaire. On était bien attablé, avec beaucoup de « machroubetes» chaudes et fraiches et la discutaille allait bon train dans le rire jusqu’au délire. Tandis qu’un groupe produisait de la parlotte futile, d’autres avaient l’esprit ailleurs et les yeux rivés sur leurs Smartphones, ils semblaient être captivés par le sorcier du Net. Tout le monde causait d’une voix appuyée et forte pour que l’on puisse s’entendre clairement. Chacun parlait comme il pouvait, et le plus gros de la discussion reposait essentiellement sur la CAN 2024, la retransmission des matchs et les équipes favorites qui semblent faire l’unanimité chez les « experts » en football. Les pronostics fusaient de toutes parts sans raisons valables pourvu qu’on cause des sujets du quotidien durant cette rencontre matinale.

Pour le match, je ne vous en dis pas plus, durant cette soirée ou la malédiction était toujours là. Aussi coupons court et oublions cette élimination précoce et continuons notre petite discussion hors du jeu. Alors que tout le monde s’échangeait la parole à tour de rôle, une personne d’un âge moyen s’est rapprochée de notre table pour nous saluer. Après les salamalecs d’usage, la personne a pris une chaise et s’est jointe à notre compagnie. C’était un jeune gars au visage sympathique qui n’est pas étranger à la ville. Il ne connaissait pas toutes les personnes qui étaient autour de la table, mais semblait connaitre une partie de l’équipe qui papotait. Un des présents s’adresse au nouveau venu : « Alors cheikh, comment vas-tu. Cela fait un bail qu’on ne t’a pas vu mon ami. Ghir el kheir ? »

Gêné, le nouvel arrivant, souriant, répondit à son interlocuteur : «Kount b’iid, djebt Omra ! » (J’étais loin d’ici, j’ai effectué le petit pèlerinage).

Aussitôt, tous les présents se tournèrent vers lui et lui présentèrent leurs félicitations pour son acte de foi. « Koulchi belbaraka khouya ! »

Quelques instants après, mon ami Mohamed qui était assis juste à côté me donna un petit coup de coude au bras pour attirer mon attention et, furtivement, me fit un clin d’œil pour me dire de me rapprocher de lui. Ce que je fis. La main devant la bouche pour ne pas attirer l’attention des autres, il me chuchota à l’oreille : « Ne l’écoute pas, il raconte des balivernes, Kane fel habs ! (il était en prison). Tu sais, « lizescro » (les escrocs), pour cacher leurs mésaventures qui les conduisent en taule inventent ce genre de voyage imaginaire pour éviter les commérages de rue.

C’est nouveau « fel bled » (au patelin). Depuis peu, les gens qui ont gouté à la soupe carcérale cachent cette absence en invoquant le voyage d’affaires ou le voyage religieux…

H. D.

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