Par Ali Dahoumane
Pratiquement, tous les membres de l’honorable famille Belaïd ont porté les couleurs de l’équipe très chère aux Asnamis. Fortement connus et appréciés par l’ensemble des habitants de la ville, ils ont fait les beaux jours de l’ASO et ont réussi à écrire les plus belles pages de l’histoire de ce club. Le Chélif a suivi le parcours exceptionnel de l’un d’entre eux, en l’occurrence Bouali Belaïd.
J’ai eu beaucoup de peine à obtenir un entretien avec Bouali Belaïd car l’ancien meneur de jeu de l’équipe très chère aux Asnamis est un bonhomme très réservé. Discret dans sa vie, c’est le parfait Monsieur qu’on ne croise pas à chaque coin de rue. Et quand on le voit, on a l’impression qu’il s’agit d’un mirage. Toujours effacé, presque invisible, il ne se met jamais sous les feux des projecteurs car il tient énormément à cette tranquillité et quiétude dont il ne veut point se départir. Respecté pour sa gentillesse, sa grande éducation et surtout pour ses grandes connaissances concernant le monde du football, Bouali ne veut parler que de la passion qui le dévore, à savoir le football, et à chaque fois qu’on déborde du sujet, il nous le fait sentir en nous priant de discuter seulement du sport et plus particulièrement le football.
Issu d’une famille connue et respectée dans la ville, Bouali Belaid a eu la chance d’être né et d’avoir grandi dans la Ferme. La Ferme, ce quartier populaire plein de tendresse qu’une personne qui m’était très chère aimait follement. La ville et le pays doivent à cette cité périphérique d’El Asnam d’avoir sacrifié ses meilleurs fils pour libérer le pays. Maamar Sahli, Ahmed Klouche, Mohamed Nasri et Maamar Messabih sont des Chouhadas qui ont été allaités au sein de cette vieille dame, cette Ferme si hospitalière qui a toujours ouvert la porte de sa maison, ses larges bras et surtout son tendre cœur à tous ceux qui ont fui les affres de la misère et l’hostilité de la nature. Elle a également pensé à ses enfants en leur construisant un stade dans lequel ont évolué de très grands footballeurs. Véritable mère nourricière, la Ferme a également sorti de ses entrailles de grands footballeurs qui ont écrit en lettres d’or l’histoire du club cher aux asnamis. La famille Belaïd que les habitants du vieux faubourg de la ville appellent affectueusement «Ouled El-Guendouz» compte des enfants qui ont le football qui circulent dans les veines. Le père, Aami Mohamed, que dieu ait son âme, était un fervent supporter de l’ASO, il avait une place bien à lui dans les tribunes et ne ratait aucun match de notre équipe. C’était mon grand-père, que dieu ait son âme, qui lui tenait compagnie.
Les Belaïd et l’ASO, les liens du sang
L’ainé de la famille, le défunt Abdelkader Belaïd était un brillant joueur. De la race des grands attaquants, il arrivait facilement à faire trembler les défenseurs les plus coriaces grâce à ses dribles déroutants et à sa grande vitesse. Très apprécié pour la qualité de son jeu, il était également respecté en dehors des terrains grâce à sa gentillesse et sa grande éducation. Il a quitté ce monde en 2005, laissant un grand vide dans le milieu sportif de la ville. Le second, Ahmed Belaïd, était un peu l’enfant terrible du football de la ville. Il évoluait au poste de milieu de terrain et avait l’allure d’un Georges Best du grand Manchester United. Il défiait tous ses adversaires et se battait comme un beau diable sur le terrain. Il convient de souligner que notre bonhomme est connu pour son franc-parler car il a l’habitude de dire les quatre vérités en face de son interlocuteur. Actuellement, il parle rarement de football car seule la pêche le passionne. Il est également apprécié et respecté par les habitants de la ville.
Le troisième enfant de la fratrie est Djilali Belaïd. Très réservé et discret dans la vie de tous les jours, Djilali était un défenseur intraitable. Il ne laissait aucune chance à son adversaire de remporter un duel et arrivait avec une aisance remarquable à stopper tous les contres adverses. Il appliquait à la lettre la fameuse devise que chaque défenseur devait apprendre par cœur et à tous les temps : «Quand l’attaquant passe, le ballon ne passe pas et quand le ballon passe, l’attaquant ne passe pas». Il nous a été impossible de joindre Djilali pour avoir de ses nouvelles car il n’a pas de téléphone portable. Il faut également signaler que le cinquième enfant, Maamar Belaid, avait également évolué sous les couleurs de l’ASO et a joué avec l’équipe des juniors avant de raccrocher définitivement les crampons.
Âgé actuellement de 61 ans, Bouali Belaid a fréquenté l’école primaire de la ferme avant de rejoindre le collège et le lycée de la ville. Comme il était très porté sur le sport, il passa le concours d’entrée au CREPS pour devenir plus tard professeur dans ce domaine qui le passionnait énormément.
Notre talentueux joueur a commencé à taper sur un ballon à «El Aarja», terrain vague qui se trouve à la ferme et sur lequel ont évolué de très grands joueurs tels que Tahar Bachir, Mustapha Benssada, les frères Belaïd et, bien entendu, les frères Bekkakcha (Abed et Messaoud et également le sympathique Maamar). Il convient de signaler que les deux premiers joueurs ont fait les beaux jours de l’ASO.
L’hommage aux aînés
Bouali nous dira qu’il a commencé à jouer sur un terrain réglementaire avec l’équipe de la FASSU (fédération algérienne des sports scolaires et universitaires) qui était alors dirigée par Mohamed S’hailia, Mohamed Zairi et Ahmed Belaïd. L’ancien meneur de jeu de l’ASO nous apprendra ensuite qu’il a évolué sous les couleurs de l’équipe cadette de l’ASPTT qui était alors dirigée par le défunt Driss Lahcène. Bouali a insisté pour qu’on rende hommage à Mahmoud Ourabah pour tous les efforts qu’il a consentis pour promouvoir le sport au sein des PTT et de la ville. C’était le parfait bénévole qui sillonnait tous les quartiers de la ville (hiver et été) à la recherche de jeunes talents.
Bien entendu, comme beaucoup de natifs du vieux quartier de la ville, notre joueur a également disputé quelques matchs avec l’équipe de «La Rose». Equipe pour laquelle se dévoua corps et âme Nacer Mokhtari. Il faut signaler que cette formation participait juste à des matchs de quartier mais elle a vu évoluer sous ses rangs plusieurs grands joueurs qui rejoindront plus tard l’équipe phare de la ville.
Une année plus tard, notre meneur de jeu rejoignit l’ASO où il évolua avec l’équipe des juniors qui était alors dirigée par un ancien défenseur du club, le défunt Driss Lahcène. Une année après, ses grandes potentialités footballistiques lui ouvrirent largement les portes de l’équipe première car un grand Monsieur du football, le défunt Abdelkader Maazouza a décelé ses capacités et a fait appel à ses services pour jouer avec l’équipe phare de la ville. Le choix de l’entraineur fut judicieux parce que notre talentueux joueur a réussi à inscrire un but lors du match qui opposa notre équipe face à la formation du CREH (El Harrach). Le match s’était déroulé à El Harrach et a surtout permis au jeune joueur qu’il était à l’époque de se libérer et de retrouver la plénitude de tous ses moyens. Il évoque également le facteur chance quand il nous parle de l’inoubliable année sportive 1975-1976, qui a vu le club accéder pour la première fois de son histoire en première division. Il nous a fait remarquer qu’il était le plus jeune joueur de cette formation qui était alors dirigée par le défunt Abdelkader Maazouza. Ensuite, ce fut au tour de l’entraineur, Ahmed Arrab, natif de la région, lui aussi, de lui faire confiance et de le titulariser contre l’ES Sétif. À partir de cet instant, notre talentueux joueur a su saisir la chance qui lui était offerte pour devenir un élément indispensable de la formation d’El Asnam à la plus grande joie des supporters de l’ASO.
Le fils spirituel de Rachid Mekhloufi
Incontestablement, Bouali gardera un très bon souvenir de son passage avec l’équipe militaire nationale. Un grand respect et une certaine complicité existaient entre le légendaire attaquant de Saint-Etienne et le meneur de jeu de l’ASO. Rachid Mekhloufi n’est pas à présenter car l’équipe de Saint-Etienne était accrochée à ses crampons et l’équipe de France lui ouvrait largement les bras mais il a décliné l’offre pour rejoindre la prestigieuse équipe du FLN. Le meneur de jeu de l’ASO nous apprendra que la veille de son départ pour rejoindre la caserne où il était affecté pour effectuer son service national, l’ASO avait disputé un match contre la DNC-ANP. La formation asnamie était alors dirigée par le Soviétique Rogov et Mohamed S’hailia. L’ASO remporta le match par le score sans appel de 3 buts à 0 et Bouali fut le héros de cette rencontre car il avait réussi l’exploit de marquer les 3 buts de la rencontre.
Comme tous les grands sportifs de l’époque, Bouali fut affecté à l’EMEPS de Beni Messous pour accomplir son service militaire. Après un match test disputé face aux anciens joueurs, Bouali fut tout de suite remarqué par Rachid Mekhloufi et Mohamed Soukane qui supervisaient la rencontre. A la fin de la partie, l’ancien attaquant stéphanois ne tarissait pas d’éloges à l’égard du meneur de jeu de l’ASO. Il a dit, en parlant de l’Asnami, que c’était la première fois qu’il voyait un Algérien qui jouait juste. Il faut souligner que ce compliment a énormément ému le joueur d’El Asnam. Bouali nous parla longuement de son passage à l’équipe nationale militaire car c’était durant son service national qu’il a eu le plaisir et le bonheur de côtoyer de grands joueurs de la trempe de Madjer, Belloumi, Assad, Bahbouh et surtout de Guenoun qu’il appréciait énormément. La période de son service militaire a vu aussi la promulgation d’une loi obligeant les joueurs militaires à signer avec un club qui ne devait pas dépasser 50 kilomètres loin de la caserne. Rachid Mekhloufi a beaucoup insisté pour que Bouali signe avec un club algérois de son choix mais le joueur asnami déclina la proposition en lui faisant savoir que l’ASO passait avant tout. L’ancien stéphanois fut très déçu mais a parfaitement compris le choix de son protégé.
En parlant de ce grand Monsieur du football, Bouali Belaïd ne tarit pas d’éloges à l’égard du célèbre attaquant de l’équipe nationale algérienne. Il le considère un peu comme son père spirituel dans la mesure où il a appris énormément à ses côtés. Il nous a dit qu’il lui a inculqué que la beauté de ce sport qui passionne les foules réside dans sa simplicité. Bouali veut absolument lui rendre hommage et il ne cache pas qu’il ressent un grand honneur et une immense fierté d’avoir été dirigé par des entraineurs prestigieux de la trempe de Rachid Mekhloufi et de Mohamed Soukane. Il nous a déclaré que c’était grâce à l’équipe nationale militaire qu’il a beaucoup voyagé et vu de nombreux pays. Il a disputé avec l’équipe militaire nationale beaucoup de matchs en Allemagne fédérale, en Italie et également à Malte ou en Libye. Après avoir accompli son service national, il rejoindra l’équipe qui était très chère à ses yeux, à savoir le club de sa ville natale bien entendu. Il a continué à jouer au sein de la formation de l’ASO jusqu’en 1986, année de se dernière saison avec l’équipe Asnamie. Il a tenu à nous faire savoir qu’il a aussi fait partie de l’équipe qui a réussi l’accession durant l’année sportive 19821983 qui était alors dirigée par l’ancien gardien de but, devenu entraineur par la suite, à savoir Abdellah Hamouni. Avant de clore cet épisode de sa carrière comme joueur, il est bon de savoir que Bouali n’a reçu qu’un seul carton rouge durant tout son parcours de footballeur.
Un entraineur bien comblé
Après une carrière bien remplie en tant que meneur de jeu, notre talentueux joueur a décidé en toute logique d’embrasser le métier d’entraineur. Il a voulu mettre toutes ses connaissances dans ce domaine à la disposition des équipes qui feront appel à ses services. Il a fait le baptême de cette passionnante aventure avec le CRB El Attaf en tant qu’entraineur-joueur. Sous sa direction, le club a goûté au plaisir de bien jouer et surtout d’accéder en division supérieure en 1990. Il nous apprendra également qu’il entrainé le CROM (Oum Drou) et le SCAF Khemis Miliana durant les années sportives 1992-1993 et 1993-1994. Il a ensuite rejoint le club de sa ville natale lors de sa participation à la coupe arabe. Son passage à son ancien club fut fructueux puisqu’il a réussi à le faire accéder en première division. Le CRB Boukadir a également fait appel à ses services durant deux années successives (1995-1995, 1996-1997).
Répondant toujours à l’appel du cœur, le respectable joueur rejoignit l’ASO en 1997. Il mit en œuvre tout son talent et son génie au profit de son club puisqu’il réussit à le faire accéder en première division en 2001. Son passage au RCB Oued Rhiou fut également jalonné de succès car, sous sa houlette, le club a réussi à accéder en division supérieure (nationale 2) en 2002. Il a mis fin à cette riche carrière d’entraineur en 2008. Après un palmarès bien rempli en tant que joueur et comme entraineur, notre sympathique Bouali savoure tranquillement sa retraite en compagnie de son frère et ami Tahar Bachir. Il n’a pas oublié le football car il lui arrive souvent de disputer quelques rencontres entre amis.
On doit leur faire confiance, ils sont nés chez nous
Voulant connaitre son opinion sur la désignation de Rabah Madjer à la tête de l’équipe nationale, Bouali nous a tout de suite fait part de sa satisfaction concernant ce choix judicieux. Il nous expliquera ensuite que les Verts ont toujours obtenu de bons résultats quand ils sont entrainés par un entraineur (Bouali préfère utiliser le terme ‘’staff’’) algérien. Quand on lui parle de l’élimination de notre onze national en coupe du monde, il nous répondra que ce n’est pas la fin du monde mais il faut se remettre au travail car c’est grâce au labeur et à la sueur qu’on obtient de bons résultats. Il nous dira également que notre équipe nationale traverse une mauvaise période et qu’il faut l’aider à se reconstruire.
Concernant l’appel des joueurs algériens qui évoluent en Europe, il nous déclara que l’équipe nationale doit être formée surtout par des joueurs locaux auxquels on ajoute les meilleurs joueurs évoluant outre-mer. Son seul souhait est de voir la FAF s’occuper sérieusement du championnat national tant sur le plan du jeu ou organisationnel. Il veut également que les responsables de notre sport choisissent le gazon naturel qui est à même de développer le football mieux que le gazon synthétique.
Parlant des joueurs qui l’on impressionné, il citera sans l’ombre d’une hésitation Hacène Lalmas, Belloumi, Madjer, et les défenseurs Fodhil Megharia et Miloud Hadefi. Il regrette que les deux défenseurs n’aient pas joué ensemble car ils auraient constitué une formidable charnière centrale, nous confia-t-il. Il a également parlé des joueurs qui l’ont fait rêver comme Pelé, Beckenbauer, Maradona et bien entendu Messi et Ronaldo.
Ses conseils, ses souhaits et une autre passion, la poésie
Quand on lui a demandé quels sont les conseils qu’il prodiguerait à un jeune joueur qui veut embrasser une carrière de footballeur de haut niveau, Bouali nous dit tout simplement que celui-ci devrait aimer ce sport, en faire une passion et une profession bien entendu si jamais l’occasion se présente. «Il faut aimer ce sport pour le pratiquer», insista-t-il. Voulant connaitre son avis sur les sommes faramineuses que perçoivent les joueurs, l’ancien meneur de jeu de l’ASO nous a répondu que les sportifs professionnels doivent mériter ce qu’ils gagnent et, pour cela, ils doivent suer et fournir le maximum d’efforts. Il nous dit qu’il n’est pas contre le fait qu’ils touchent de grosses sommes mais qu’ils doivent mériter cet argent.
Ce n’est finalement qu’à la fin de l’entretien qu’il a accepté qu’on délaisse un peu le sport pour aborder d’autres sujets. Il m’a déclaré que le film qui l’a énormément touché était celui réalisé par Benameur Bekhti consacré à Cheikh Bouamama. On se rappelle que Cheikh Bouamama a dirigé la résistance contre le colonialisme de 1881 à 1908, causant d’importantes pertes à l’ennemi. Il nous avoue par la même occasion qu’à ses heures perdues, il se laisse bercer par la voix envoutante de Hachemi Guerrouabi et, enfin, que s’il allume la télévision, c’est juste pour voir des émissions sportives.
On connaissait Bouali le joueur, Bouali le professeur de sport et aussi Bouali l’entraineur mais, durant notre entretien, nous avons découvert Bouali le poète.
On termine cette entrevue par quelques strophes relevées d’un poème qu’il a écrit en 1983 à l’occasion de l’accession de l’ASO en première division. Le poème s’intitule «L’accession», nous en reproduisons quelques extraits :
«C’est sous un signal de détresse
Que nos vingt athlètes se réunissent
Et pour le même but se font fait des promesses
Tous pour un, un pour tous Chlef reprendra sa place
Tous les responsables encouragèrent notre relance
Et les supporters en nous placèrent leur confiance».
Merci l’artiste
A. D.