Rencontrée au salon du livre Hassiba Benbouali de Chlef, organisé à la maison de la culture du 1er au 4 mai dernier par les éditions Les Presses du Chélif, Ferroudja Ousmer est originaire du village d’Ath Yenni, en Haute Kabylie, où elle née en 1955. Au salon, elle a exposé son œuvre intitulée « Derrière les larmes de ma grand-mère » publié aux éditions Koukou. Écoutons-la :
Le Chélif : Comment êtes-vous venue à l’écriture ?
Ferroudja Ousmer : « L ‘aventure de l’écriture a d’abord été épistolaire. Je correspondais beaucoup. Je mettais un grand soin à chercher du bon papier à lettre et des cartes postales originales. J’achetais, alors que j’étais gamine des coffrets de beaux papiers et de cartes édités par l’UNICEF avec mes petites économies. C’est vous dire que j’accordais beaucoup d’importance au support de mes correspondances. Je continue malgré le développement des réseaux sociaux à perpétuer la tradition de l’envoi des cartes pour les vœux du nouvel an. Alors que j’étais encore en fonction au lycée Amirouche, le décès de la fille du proviseur et du fils d’une collègue ont été un électrochoc. Empathie aidant, deux poèmes sont nés de ces tragiques destins.
Qu’est-ce qui vous inspirait le plus ? Les destins tragiques comme vous dites ou les problèmes de la vie courante ?
Ma source d’inspiration a heureusement évolué. J’ai écrit sur des sujets qui me tiennent à cœur comme les droits des femmes, la précarité, les problèmes sociétaux, la guerre, l’ambition. J’ai écrit aussi ce que j’appellerai de la poésie » syndicale » autour des revendications des enseignants puisque j’ai été membre du Satef puis du Cnapest. J’ai « infligé » mes poèmes à mes collègues enseignants en les affichant dans la salle des professeurs. Certains ne les lisaient même pas, d’autres étaient surpris de découvrir ma fibre poétique… Avant la crise du Covid-19, j’ai également animé un atelier d’écriture, une expérience mémorable qui m’a permis de partager cette activité passion avec des personnes qui pour certaines sont devenues des amies.
Après 25 ans au lycée, j’ai rejoint l’institut de management INSIM où j’ai exercé en tant qu’enseignante puis en tant que consultante. C’est un institut avant-gardiste où j’ai beaucoup évolué. Je remercie au passage M. Zerourou, directeur de cet institut qui est le précurseur de cet établissement à Tizi Ouzou qui ne lésinait pas sur les moyens didactiques modernes pour être au diapason. Il m’a donné toutes mes chances pour avancer.
En tant qu’enseignante, vous avez certainement « avalé » quantité d’ouvrages afin d’être au diapason des programmes éducatifs ?
Tout à fait. Mes lectures étaient et sont très variées. Jeune, je lisais beaucoup les bibliothèques roses, j ‘avalais les illustrés de Blek le roc, Sylvain et Sylvestre et les détectives que je trouvais dans la chambre de mon frère. Par la suite, j’ai lu tous les romans de Bernard Clavel, de Malek Haddad, Akli Tadjer, quelques-uns de Maissa Bey, Yasmina Khadra, Assia Djebar et des lectures plus légères comme Danielle Steel, Mary Higgins Clark et tant d’autres. Je viens de terminer les vertueux de Khadra qui m’a laissé un peu sur ma faim malgré les nombreux rebondissements. Il y a un livre qui m’a beaucoup marqué, c’est Colomba de Prosper Mérimée. On se croirait en Kabylie !
L’acte d’écrire votre propre livre a donc été influencé en partie par cette « communauté » d’auteurs ?
Effectivement car ces porteurs de plume m’ont toujours fascinée. Entrer dans cette communauté par le biais de mon premier ouvrage à été une consécration. J’ai hésité à le publier, ce sont les encouragements de mon jeune frère, que dieu ait son âme, qui m’ont fait sauter le pas. Écrire pour une femme est une épreuve. On se met beaucoup de garde-fous par crainte de heurter untel ou untel. « une femme qui écrit vaut son pesant de poudre » disait Kateb Yacine. L’écriture d’une femme est souvent un cri du cœur, une mise à nu. À sa sortie qu’elle ne fut pas ma surprise de constater qu’il avait été bien accueilli aussi bien par les miens que par les médias. Je ne m’attendais pas à être sous les feux de la rampe. Je ne m’y suis pas préparée. Je suis arrêtée dans la rue pour être félicitée. Quand je vais à At Yenni, des femmes m’accostent pour me dire qu’elles sont fières de moi. Très touchant d’être reconnue par les siens. Mon éditeur M. Ait Larbi est surpris par le succès de ce récit. 1300 exemplaires ont été vendus en une année.
Récemment mon récit a fait l’objet d’une étude par deux grands professeurs de l’université de Tizi Ouzou en l’occurrence, Mme Malika Boukhelou et Mme Aini Bettouche. Voir ma grand-mère entrer à l’université m’a arraché quelques larmes.
Au delà des nombreux articles dithyrambiques de presse, je suis passée sur Canal Algérie dans l’émission de Rostom Djawad Touati : culture club, à la chaîne 3 avec Meriem Guemache, radio Tizi Ouzou dans l’émission littéraire de Hacene Hallouane et Berbère TV. Djaoudet Gassouma a fait une belle présentation de mon livre dans une rubrique littéraire de l’émission « Bonjour d’Algérie ». Plusieurs personnes ont fait une analyse ou une fiche de lecture de mon récit à l’instar de Tiziri Bachir doctorante, Fateh Agrane poète et libraire, et Malika Khiar licenciée.
Nous communiquons toutes ces infos sur les réseaux sociaux du livre « Derrière les larmes de ma grand-mère »
Invitée aux salons du livre, J’ai passé tout l’été à sillonner la Kabylie. Une très belle expérience qui m’a permis d’allier tourisme et promotion de mon livre. À travers ces salons, j’ai pu découvrir le cœur des villages que je ne connaissais pas. »
Propos recueillis par Mostefa Mostefaï