Par Rachid Ezziane
Elles sont moches. Immorales. Pas drôles du tout. Réalisées et jouées par des ploucs de la 25ème heure. Leur insolence de chaînes fourre-tout et du tout le fourbi les a poussés jusqu’à engendrer des incidents diplomatiques avec des pays voisins. Heureusement que le ridicule ne tue pas les vraies relations. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils, ces réalisateurs de caméras cachées aussi impolies et désobligeantes ?
Comme des enfants qui n’ont pas joué dans leur enfance, à l’ère du numérique et de la gadgetisation des sociétés de consommation à outrance, sans aucun autre soucis que de se faire «chichi», même en se moquant de leurs semblables, parce qu’ils ont une caméra, ils croient qu’ils ont tous les droits. On vous fait tourner en bourrique rien que pour vous faire «zaama» passer à la télé. Comme si être vu à la télé est une fin en soi. Que dalle ! On a bien vécu des années, voir des siècles sans être vu à la télé, et on a bien été heureux comme un poisson dans l’eau juste avec une discussion entre amis ou une sortie en famille.
Et puis… entre-nous, qu’est-ce qui fait courir les autres à répondre à de telles invitations ? Que peut chercher, ou trouver, un artiste, un ancien ministre ou une tout autre personnalité publique, chez ce genre de télé fourre-tout ? La postérité ne leur suffit pas ? Leur aisance matérielle ne leur permet pas de voyager, faire des rencontres et d’élargir leur aura par la proximité ? Ou est-ce la nature narcissique de l’homme qui les pousse à se faire avoir comme des débutants que le commun des mortels ne s’y ferait pas prendre ?… Ou est-ce tout simplement l’ère de la folie du «people» qui les fait danser sur un pied ? Allez savoir !
Un ancien ministre s’est fait avoir comme un bleu en un rien de temps. On l’a acculé jusqu’à prendre un médicament devant les caméras. Comme s’il s’agissait d’un procès, il essayait de prouver son innocence. Et les autres, plus il essayait d’argumenter ou de se justifier, en rajoutaient des vertes et des pas mûres.
Il paraît que ce genre de caméra cachée fait fureur dans les chaînes arabes. Malheureusement, rien que dans les pays arabes ; et c’est une image bien décevante que véhiculent ces émissions au monde. A la fin, quand l’Occident nous reproche d’être une société violente, on s’empresse de l’accuser de racisme et d’islamophobie. Balayons d’abord devant nos portes et puis parlons des autres. Car «en vérité, Dieu ne modifie point l’état d’un peuple tant que les individus qui le composent ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes», dit le Coran.
Et puis, entre-nous, qu’est-ce qu’ils ont à être aussi violents nos comédiens, artistes et autres sportifs ? C’est parce qu’ils ont vu en eux le filon de la violence que ces présentateurs d’émissions télévisées se lâchent sur eux comme des vautours sur leurs proies.
Pour le commun des mortels, il n’en a cure du m’as-tu vu, et s’il ne se fait pas prendre comme un pigeon, c’est parce qu’il ne cherche pas à se faire une image auprès des médias, ni auprès de qui que ce soit. Il n’a pas besoin de fans pour vivre. Et ça lui suffit sa petite famille, et il sait d’avance que la télé c’est pour les gros bonnets qui se font tirer les vers du nez juste pour un gros plan en plein écran. Tu en veux, en voilà ! Et on te fait rouler dans la farine, et tu seras frit comme un poisson. On se permettra de t’appeler par tous les noms d’oiseaux. On ajoutera la fameuse boutade de feu Boubagra : «Tu goules ou tu goules pas ?»
Et puis, qu’est-ce qu’ils ont tous à se copier les uns sur les autres ? Où est l’originalité dans tout ça ? Qu’a-t-on fait du talent et de la création ? Mais réveillez-vous, vous êtes en retard de plus d’un siècle sur les autres. Copiez sur les meilleurs. Allez au-delà du meilleur pour le meilleur. Le téléspectateur Algérien mérite mieux que tout ce charivari. Ayez, au moins, l’obligeance de respecter vos fidèles téléspectateurs.
Et puis, quand les Algériens se tournent vers d’autres cieux, en orientant leurs paraboles, on se plaint et on se demande qu’ont-ils à chercher ailleurs. Mais ils recherchent l’excellence qu’ils ne trouvent pas ici…
Ils sont tous devenus «zaama» madrés les ploucs du village. Il suffit d’une caméra pour être l’émancipé le plus en vu. Il suffit de se présenter en gilet de reporter pour que toutes les portes s’ouvrent bien béantes.
Personnellement, je n’en ai cure de ces raccourcis de pacotilles et autres kermesses à deux sous où aucune goutte de culture n’est distillée. Je reste toujours connecté à la littérature, au théâtre et à la comédie des grands comédiens, tout en gardant un œil sur l’info quotidienne.
R. E.