À quels genres de pratiques bureaucrates êtes-vous confrontés dans votre vie de tous les jours ? Quelles sont les pratiques qui vous dérangent le plus ? Pensez-vous que ce sont les « bureaucrates » qui le font sciemment ou est-ce parce qu’ils sont obligés d’appliquer des « instructions » de leur hiérarchie ? Ce sont des questions que nous avons posées à des citoyens de la wilaya de Chlef. Les réponses sont on ne peut plus édifiantes.
La plupart des gens que nous avons interrogés sur les pratiques bureaucratiques auxquels ils sont confrontés chaque jour que dieu fait considèrent que « l’administration agit à son gré sans se rendre compte des conséquences que peuvent engendrer leurs actes », à savoir « la perte de confiance entre le citoyen et l’État ». Certains sont allés très loin lorsqu’ils ont évoqué le phénomène de discrimination entre les citoyens à travers la tenue vestimentaire.
Et ce n’est pas tout : un citoyen de Chettia que nous avons interrogé sur le comportement de certains commis de l’État fait savoir ceci : « Il faut parler en français pour être servi en premier ».
D’autres gens disent souffrir du mauvais accueil dans les établissements hospitaliers, à commencer par le service des urgences. « Là, nous dit-on, les malades et leurs accompagnateurs passent des heures entières à attendre le médecin, et lorsque ce dernier arrive, il humilie et le malade et son compagnon ». Un citoyen dit avoir conduit son petit-fils au service de pédiatrie à l’hôpital de Sobha. La visite a coïncidé avec le déroulement d’un match dans le cadre de la ligue des champions d’Europe. Il dit avoir attendu plus d’une heure et demie avant de rebrousser chemin. Au niveau du service, on lui a fait comprendre que sans rendez-vous avec le médecin, il lui est impossible d’être reçu. La raison ? « Le médecin regardait le match dans la quiétude totale ».
D’autres exemples de comportements bureaucratiques nous ont été fournis par des citoyens dans différentes administrations publiques, établissements hospitaliers, services de la Sonelgaz etc.
Le mauvais accueil, une marque de fabrique
Selon nombre de personnes interrogées, le mauvais accueil vient en tête des entraves administratives instaurées sciemment par certains fonctionnaires et préposés aux guichets. Ces derniers demandent du citoyen des documents administratifs non exigés par la réglementation pour le retrait d’une pièce administrative. L’agent d’accueil d’un bureau d’Algérie Poste a fait comprendre à un titulaire de compte CCP que, pour obtenir le code « e-ccp », il lui faut s’adresser à l’agence postale de son lieu de résidence, fournir une demande manuscrite et de la copie de la carte nationale.
Un autre comportement continue à agacer le citoyen, c’est le fait d’exiger le certificat de nationalité au porteur d’une pièce d’identité nationale, ordinaire ou biométrique. Selon nos interlocuteurs, on ne peut prétendre à une carte d’identité nationale que si on est de nationalité algérienne. « La pièce d’identité nationale est un document essentiel, c’est plus valable de tous, surtout si elle est biométrique, donc infalsifiable », fait comprendre un citoyen instruit.
Tout le monde s’accorde à dire que l’exigence des documents administratifs est l’un des facteurs qui entrave le bon fonctionnement de l’administration en Algérie.
Agit-on sciemment de manière bureaucratique ou est-ce que les fonctionnaires appliquent les instructions de leur hiérarchie ?Les citoyens sont divisés sur la question. Certains voient que « les bureaucrates se trouvent au niveau de la base », c’est-à-dire dans les administrations publiques. « Ils s’ingénient à créer des entraves pour rendre compliquées les procédures administratives ordinaires », nous ont dit quelques-uns. D’autres pensent qu’il s’agit de tout un système qui ne fonctionne pas et ce, à cause de l’impunité et de la corruption qui se sont installées durablement. Ces deux phénomènes, nous dit-on, sont en train de ruiner la société. Malgré la promesse du président de la république de faire face aux pratiques bureaucratiques perverses, ces dernières continuent à faire parler d’elles.
« Instructions » à contresens de la logique et du Droit
Les mauvaises pratiques dans l’administration publique ont de beaux jours devant elles, selon les réponses de beaucoup de personnes interrogées. « Dans certains cas, le citoyen essaye d’y faire face, mais généralement sa plainte ne trouve aucun écho », nous affirme-t-on.
Considérant que les pratiques auxquelles est confronté le citoyen sont condamnables, « quelle qu’en soit l’origine », d’autres estiment qu’il est temps que l’État imagine des mécanismes pour que le citoyen soit écouté à travers des voies de recours « moins bureaucratiques ». « En plus de tout cela, certains citoyens ignorent les voies hiérarchiques pour dénoncer ce genre de pratiques », a-t-on précisé. En outre, il en est qui pensent que les services de sécurité pourraient jouer un rôle non négligeable dans la prise en charge des doléances des citoyens. « C’est une des voies de recours à exploiter passent par dénoncer des faits contraires à la loi », a-t-on signalé.
La e-administration, une solution idoine aux pratiques bureaucratiques
Pour bon nombre d’interrogés, la « e-administration » et la révolution numérique engagée par les pouvoirs publics sont considérés comme la panacée à tous les maux bureaucratiques.
D’après nos interlocuteurs, cela évite les susceptibilités de provoquer des heurts et autres prises de bec entre les citoyens et les agents de l’administration. « Et puis, la e-administration évite au citoyen d’effectuer les déplacements et de subir les attentes interminables devant les guichets. C’est un procédé primordial et avantageux pour l’avancement et le développement de l’administration algérienne ». Des personnes estiment qu’« il est plus qu’urgent pour les promoteurs de l’Algérie nouvelle de procéder à la mise en place de ce système efficient et efficace ».
À propos de l’utilité des documents biométriques, les avis renseignent sur certaines contradictions que l’administration doit lever au plus tôt. L’exemple le plus cité est le fait qu’on exige le certificat de nationalité au citoyens algérien qui possède sa carte d’identité nationale biométrique. « Pour se faire délivrer une carte nationale d’identité, il est exigé de présenter un certificat de nationalité, et pour se faire délivrer un certificat de nationalité, on exige une copie d’une pièce d’identité, c’est vraiment contradictoire », nous dit un jeune homme. « À cause de ce genre de contradiction, l’Algérie est devenue le pays où l’on consomme le plus de papier dans l’administration. Je pense qu’une pièce d’identité biométrique suffira largement pour justifier la nationalité », dit un citoyen d’Ouled Ben Abdelkader.
Un autre habitant de la même ville a suggéré que, pour se débarrasser de ces pratiques qui sont ancrées dans notre société, il faudrait dès maintenant impliquer l’école afin de les éradiquer d’ici quelques années. « Notre école devra jouer pleinement son rôle dans la préparation d’une génération qui doit mériter dignité et respect comme l’a bien dit le président de la république », conclut-il.
Propos recueillis par Abdelkader Ham