A l’instar de toutes les régions d’Algérie, la wilaya de Chlef recèle un grand nombre de monuments et sites historiques qui retracent le passage des phéniciens, des romains, des arabes et enfin des français.
Période phénicienne (-1250 à 250)
Ténès recèle un important mausolée phénicien. À proximité de l’abattoir, dans la partie ouest de la côte de Ténès, en bord de mer, se situe une importante nécropole phénicienne. L’accès au monument se faisait par le biais d’une passerelle en béton qui a maintenant presque disparu. Les tombes sont taillées dans des rochers de différentes dimensions. La nécropole couvre une superficie d’environ 5 hectares. Il y a cinq tombes bien conservées qui se situent dans une sorte de mausolée de forme pyramidale. D’autres tombes, une quarantaine à peu près, sont disséminées un peu plus haut du mausolée, toujours creusées à même le roc. C’est le seul vestige phénicien qui se trouve dans la région, ce qui lui donne une valeur très importante, il nous oblige en principe à procéder à son classement et le faire également bénéficier d’un plan permanent de sauvegarde.
Période romaine (-250 à 430)
Il existe plusieurs vestiges relevant de dette période, la ville romaine de Timici d’Ouled Abdallah, dans la commune de Taougrite ; Arsenaria, la ville aux deux citernes d’El Guelta ; Ksar El Kaoua, fortin romain de sidi Moussa et Ben Tiour, la ville romaine des environs de Boukadir.
Timici est en fait une colonie romaine qui se situe aux environs immédiats de l’actuelle Taougrite. Elle abrite encore des vestiges en très bon état de conservation comme les réservoirs d’eau et les postes de vigie nord et sud, en plus d’un important matériel funéraire situé au sud-ouest du site, à sept kilomètres à l’ouest de Taougrite, ex-Paul Robert. La ville d’El Kalaa était située sur une longue crête rocheuse longue d’environ un kilomètre sur 200 à 300 mètres de large. Largement étalée à l’est où l’accès est facile, la pente est beaucoup plus raide à l’Ouest. Au nord et au sud, des escarpements verticaux de 25 à 30 mètres de hauteur la protégeaient, sur ces derniers sentiers sont aménagés, le long des flancs de la crête, et près de chaque sentier, des postes vigies, taillés à même le roc. De nombreuses citernes ont été découvertes creusées dans la roche, une chapelle chrétienne avec des colonnes à environ 80 mètres de la porte du sud-ouest.
À l’entrée de la ville, il a été observé des stèles sculptées dans le roc, ornées de croissants, vestiges d’un caveau creusé dans le roc. La partie ouest du plateau d’El Kalaa est dépourvue de tout vestige de construction et occupé par une vaste nécropole de 300 à 400 tombes, toutes creusées dans le roc, qui commence à 240 m à l’Ouest du rempart occidental. La crête d’El Kalaa peut se diviser en trois parties : le centre, délimité à l’ouest par une muraille, à l’est par deux murailles parallèles ; la partie occidentale qui s’incline en pente très douce et se termine à l’ouest par un abrupt ; la partie orientale, vaste plateforme qui s’incline en éventail vers la route de Taougrite à Renault. Aujourd’hui, El Kalaa est un site archéologique classé en 1968, de la région de Chlef. Le site archéologique d’El Kalaa occupe une superficie de 30 ha, à 619 mètres d’altitude, sur une crête rocheuse. Les vestiges de ce site appartiennent aux différentes phases de l’histoire de l’Algérie avec une prééminence de ruines romaines particulièrement nombreuses. Quelques spécialistes disent que, d’après les techniques de construction du mur d’enceinte et les trouvailles monétaires, elle date du IVème siècle.
Ksar Kaoua, aux environs d’Ammi Moussa
C’est une forteresse romaine ou château du Bas Empire, entouré d’une enceinte polygonale ; au-dessus de la porte, une inscription chrétienne, désignant sans doute le propriétaire « SPES IN DECO FERINI ! AMEN » aux alentours, quatre petites ruines qu’on qualifie de postes de surveillance. La construction a résisté à l’usure du temps, surtout l’entrée qui demeure encore debout avec ses inscriptions. Les morceaux de pierre taillés qui constituaient la clôture sont encore là, ce qui pourrait permettre leur reconstitution.
À Ben Tiour, il existe des vestiges d’une ville romaine. À part quelques traces, et une grande jarre romaine chez les habitants du coin, il ne reste presque plus que la pierraille qui a été utilisée dans le vieux cimetière. Près du marabout de sidi Ben Tiour, des ruines romaines importantes sur un plateau protégé au nord et à l’est, par l’oued Bou Kaaben et par l’oued Ouadja. Des vestiges d’une enceinte qui qui s’étendaient sur environ 1500 mètres. Il y avait deux citernes en dehors de la ville, au nord. On pourrait supposer que les ruines de Sidi Ben Tiour doivent être identifiées avec celles de Cherba (Kherba). Ce sont certainement les ruines de Sidi Ben Tiour que De Caussade mentionne près de Souq El khamis des Sbih et de la Kobba El Bey. Il pense qu’elles répondent à Vagal, indiquée par l’itinéraire d’Antonin, à 18 miles de Castellum Tingitanum et à la même distance de Gadaum Castra (Oued Rhiou).
Arsenaria, vestiges d’une ville romaine
Elle est constituée de ruines d’une colonie romaine près d’El Guelta, daïra d’El Marsa, à douar El Dhamnia. Elle est orientée en nord-sud et a été construite entre deux montagnes. Elle est située à 4 km de la mer, près de Sidi Bouras et comporte une inscription de l’époque des «Sévères» qui a été découverte durant la période coloniales et publiée dans (GIL VIII) qui mentionne un duumvir et prouve par conséquent que cette ville était un municipe ou une colonie. On l’identifie généralement avec «Arsenaria», indiquée par l’itinéraire d’ANTONIN à 40 miles de «Quiza» et à18 miles de «Cartena». Ptolémée lui donne le titre de Colonie. Deux grandes citernes, mur en blocage, avec six niches de trois mètres de diamètre, avec des traces peu nettes d’un aqueduc. Arsenaria est située sur la voie romaine du littoral, indiquée sur l’itinéraire d’Antonin. Elle était également reliée par une route à El Kalaa. Actuellement, c’est un site abandonné, exploité à des fins agricoles, il est actuellement en cours de classement
La mosaïque de Saint Réparatus
Composée d’éléments architectoniques et décoratifs, elle est composée de 4 panneaux de mosaïque portant des inscriptions ainsi que des décors floraux et géométriques. Elle se trouvait au sein de la basilique de Saint Réparatus (324 Ap-Jc). Les mosaïques découvertes en 1843 par un officier du génie militaire français, furent attentivement reproduites et lithographiées, fort heureusement, car, dans les années qui suivirent, elles subirent de graves dégradations, en devenant une «écurie publique à l’usage de tous les individus qui n’avaient chez eux pas assez de place pour loger leurs chevaux et bêtes de somme». Avec le concours des autorités civiles et religieuses, l’œuvre de reconstruction de l’église et des mosaïques fut commencée vers 1920 et menée à terme en 1936. Au total, il y a environ deux cent cinquante mètres carrés de mosaïque. Les tesselles d’origine mesuraient un centimètre carré pour une épaisseur d’un centimètre et demi : pierres, blanches, noires, vertes et jaunes provenant de carrières voisines, dont on connaissait la situation et tesselles rouges en terre cuite de fabrication locale. On utilisa pour la restauration, les mêmes matériaux. Le labyrinthe se trouvait probablement à côté de la porte latérale nord de la basilique, son entrée et celle du carré central, «toutes deux ouvertes et tournées, comme il est logique, vers l’entrée de l’église. Le concept symbolique est clair : à partir du moment où il entre dans le temple, le croyant se trouve dans les conditions, presque dans la nécessité, de rejoindre, serait-ce après de nombreux détours, le but suprême, indiqué dans le jeu de lettres du centre : la Sancta Eclesia ». Le labyrinthe carré d’Orléansville, de 2,4 m sur 3 m, comporte onze enroulements, répartis en quatre sous-carrés. Un «fil d’Ariane» sinue au départ du parcours. Au centre, un cinquième carré contient le jeu de treize fois treize lettres qui a lui-même un centre : la lettre S ; à partir du S central, on peut toujours lire en suivant les lignes à droite, à gauche, en haut, en bas, en bifurquant à angle droit, Sancta Eclesia. Seule la diagonale n’a pas de sens. Cette oeuvre est maintenant dans la cathédrale d’Alger. Parmi les autres panneaux de la basilique, signalons une rosette avec la devise : Semper pax ; la date de la fondation entourée de onze couronnes de lauriers à l’intérieur d’étoiles hexagonales formées de cordons entrelacés (Labyrinthe d’Orléansville et son jeu de lettres, El Asnam, Algérie). La mosaïque de saint Réparatus a été exposée aux agressions de l’environnement, ce qui a entrainé sa dégradation suite à l’action d’un ou de plusieurs facteurs combinés. Ces derniers seront notés afin de tirer la meilleure solution pour la conserver après une bonne connaissance de notre sujet et des techniques de fabrication. Les restes des mosaïques existantes au niveau Chlef représentent le seul témoignage important de l’ancienne Castellum Tingitanum. Les mosaïques polychromes (fin III début IV siècle) sont dans un état de dégradation continue. À cet effet, des mesures de conservation doivent être prise en tenant compte de l’environnement particulier dans lequel s’inscrivent ces traces fragiles de l’époque antique.
La muraille de pierre de Bénairia
Enceinte militaire de la ville de Zergou, elle est située à djebel Essekine, à Benairia, à la sortie ouest de la ville de Chlef. C’est un ouvrage militaire qui servait comme enceinte de la ville antique de Zelgou. Elle s’étale sur une longueur de plus de 500 mètres. La pierre utilisée dans sa construction provient de l’Oued Ouahran. C’est une pierre en granit à l’état brut et de différentes dimensions. L’ouvrage s’étale sur une longueur de plus de 500 mètres et une hauteur dépassant parfois les 8 mètres. Construction entourant une ville habitée durant la période antique, elle défendait l’accès à la manière d’une clôture. Cette muraille est donc un rempart défendant une forteresse ou peut-être une région comme celles qui existaient du limes romain. Cette énigmatique muraille est datée de la fin de l’antiquité et enferme un espace de 10 km. On se demande s’il ne s’agissait pas de l’enceinte d’un domaine impérial. Paradoxalement, eu égard à leur aspect spectaculaire et à leur fonction d’éléments constituant de la ville, les enceintes sont un monument souvent mal connu. De toutes les manières, la muraille a été adaptée aux données naturelles, et l’adaptation au relief a permis à l’enceinte de défendre le sommet de Djbel Essekine.
Période arabe
La vieille ville de Ténès (la Casbah)
C’est une ancienne médina construite pour servir de dépôt de munitions. La Casbah a été classée en 2007 et vient de bénéficier d’un plan permanent de sauvegarde qui a été dernièrement approuvé par l’assemblée populaire de la wilaya de Chlef. En 875, Ténès sert de refuge aux marins andalous durant leurs grandes pêches. C’est l’origine de ce qu’ils appelleront le «nouveau Ténès» par opposition au «vieux Ténès» des Romains qui n’est plus que ruines. En 910, Ténès est prise par les fatimides. En 1000, la ville passe sous la domination de Ziri ibn Atiya, vassal de Cordoue et la prière est faite au nom des Califes de Cordoue. En 1080, l’Almoravide Youssef ibn Tachfin prend Ténès. En 1580, Ténès est occupée par les Espagnols et en 1618, Ténès est prise par le Turc Aroudj, qui en chasse le chef Ziyanide qui étaient protégé par Espagnols. Cette cité entre dans l’histoire lorsque les Phéniciens de Carthage y installent un comptoir appelé Cartennae (la ville.). ll est admis que les Phéniciens ont séjourné en Afrique du nord un millénaire et ont été délogés par les Romains un siècle avant J. C. Les Romains leur succédèrent, mais eux occupent le pays entier. Une route relie Cartennae à Castellum Tingitii. Route gardée par des petits postes fortifiés, les castrums, dont nous retrouverons les ruines. Cartennae devint une cité importante (700 m sur 400 m) que nous reconstruirons dans les mêmes proportions, à quelque chose près.
Lorsque le général Changarnier découvrit la ville, le 27 décembre 1842, il signala l’importance des ruines trouvées sur le plateau. Celles-ci servirent en majorité de matériaux de constructions pour édifier les bâtiments élevés par le génie militaire. Bugeaud décide de l’occuper le 29 avril 1843 pour créer un port destiné à ravitailler Orléansville.
Poudrière de Ténès, actuel musée de Ténès
C’est une bâtisse de deux niveaux à l’origine, d’une forme rectangulaire avec une seule porte d’accès. La poudrière est une construction de forme sensiblement carrée, de 10,65 m et 11,15m de côtés, ayant une hauteur de 9,20 m au sommet de la toiture. Vers l’extérieur, le bâtiment comporte plusieurs ouvertures. La façade sud est percé d’une porte de 1,20m x 2, 00 et de deux claustrais d’une part et d’autre de la porte de 21 cm x 41 cm fermées par des volets métalliques dans le soubassement. Sur l’axe vertical des claustras se trouvent des gains de même dimensions mais disposées horizontalement. Au-dessus de la porte, on a une fenêtre de 1,20 m de largeur et 1,05 m de hauteur obturée en briques creuses récentes. La façade opposée (nord) comporte les mêmes ouvertures que la façade (sud) mis à part la porte. Les façades latérales (Est et Ouest), comportent uniquement les deux claustras sur chaque mur d’une manière identique que les précédentes. Les murs sont revêtus d’un enduit en mortier bâtard et comportent un appareillage d’angle en «besace». Réalisé en pierres de taille en saillie par rapport aux murs. Le soubassement est réalisé en blocs en blocs de pierre taillé, il est haut de 40 cm avec une saillie de 4 cm par rapport aux murs. La toiture est à deux versants inclinés. Elle est supportée par les murs et recouverte par des tuiles canal, elle est placée au-dessus d’une corniche de couronnement continue réalisé en maçonnerie de pierre. L’intérieur de la poudrière est constitué d’un seul espace présentant un plan de forme rectangulaire de 5,60 m sur 9,10 m. Le rectangle résulte de la différence dans les épaisseurs des murs qui sont de 2,50 m pour les murs Est et Ouest et de 1,00 pour les murs nord et sud. De l’intérieur, l’espace ne comporte que deux fenêtres de 1,20 x 1,50 m, les claustras sur la façade ne débouchant pas sur l’intérieur. La structure du bâtiment est renforcée par des poutres en bois de section carrée de 30 cm X 30 cm, encastrée dans les murs Est et Ouest à une hauteur de 2,25 m espacées entre elles de 1,80 m. La dernière poutre, collée au mur Sud, est encastrée sur une seule partie, l’autre repose sur un pilier en bois de 30 cm de côté placé à 3,60 m du mur Est. Les revêtements sont en mortier bâtard sur les murs et la voûte et en chape de ciment sur le sol. L’espace extérieur compris entre la poudrière et le mur de clôture est couvert par un revêtement de sol en pavement de pierres taillées aux dimensions de 20 x 55cm et 30 x 55 cm, disposée d’une manière ordonnancée suivant des lignes perpendiculaires aux murs et aux angles, une rangée de pierres en diagonale reliant le mur et la clôture.
Ahmed Cherifi