L'Algérie de plus près

« Chacun porte son monde dans son cœur »

PAR RACHID EZZIANE

Il y a plus de deux mille cinq cents ans, au dessus de la porte du temple d’Apollon, en Grèce, il y avait une inscription, attribuée à Socrate, à tort ou à raison, qui disait : « Connais-toi toi-même ». Déjà à cette époque, les érudits, qu’on appelait philosophes, savaient, par expérience et érudition, que pour prétendre connaître les autres et le monde, l’homme devait se connaître lui-même d’abord. Car il n’y a pas de plus ignorant que celui qui s’ignore (lui-même). Et il n’y a pas de plus haineux que celui qui se déteste (lui-même). Aime-toi, et tu aimeras les autres, t’aurait dit Socrate, mais pas que lui, d’ailleurs. Car c’est ce que pensent aussi les Soufis musulmans et autres érudits qui ont légué leur vie à la sagesse et à l’altruisme.

Pour interpréter mon idée, je vais vous raconter une petite histoire : A l’entrée d’une ville, était assis un vieil homme soufi. Quelques instants après arriva un jeune homme ; apparemment venu de si loin, car sur ses habits se voyaient les désagréments du long voyage ; il s’approcha du vieux et lui dit : «J’ai beaucoup marché et je voudrais me reposer pour quelques jours dans cette ville ; s’il vous plait, monsieur, pouvez-vous me dire comment sont les gens de cette ville ?» Le vieux lui répondit par une question : «Comment  étaient les gens de la ville d’où tu viens ?» «Méchants, égoïstes et sans scrupules. Justement, je les ai quittés à cause de ça», répondit le jeune homme. Le vieux soufi, sourit, lissa sa longue barbe, puis lui dit : «Tu trouveras les mêmes gens ici». Alors que le jeune homme était encore en train de penser à ce qu’il allait faire. S’arrêter ou continuer sa marche ? Arriva une autre personne qui, sans attendre, posa la même question que celle du premier arrivé : «S’il vous plait, monsieur, pouvez-vous me dire comment sont les gens de cette ville, car j’ai l’intention d’y séjourner quelques jours et je ne voudrais pas avoir de problèmes», dit elle au vieux.

Et par la même question, le vieux répondit à la deuxième personne : «Comment étaient les gens de la ville d’où tu viens ?» «Là où je vivais, les gens étaient bons, altruistes et sympathiques», répondit le jeune homme qui venait d’arriver. Et le vieux lui dit : «N’aie crainte, tu trouveras les mêmes gens ici dans cette ville». Tout étonné, le premier homme s’avança vers le vieux soufi et lui dit presque en colère :

«Mais !… vous venez de me dire que les gens de cette ville sont les mêmes que ceux de ma ville : méchants, égoïstes et sans scrupules». 

Le vieux dévisagea le jeune homme longuement, puis, d’une voix empreinte d’empathie et de sagesse, lui dit : « C’est simple, mon fils, chacun porte son monde dans son cœur…»

Puis s’adressant aux deux jeunes hommes, il ajouta : « Celui qui ouvre son cœur change aussi son regard sur les autres… Et nul ne peut prétendre connaître les autres s’il ne se connaît pas lui-même. Et tout ce que nous voyons dans les autres n’est en vérité que le reflet de nos âmes réfléchies par le miroir de nos semblables».

R. E.