L'Algérie de plus près

Bencherki Benmeziane, un érudit de grande valeur

Comme tout philosophe, il a toujours cherché la vérité et cultivé la sagesse

« On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère, mais d’avoir perdu l’espoir » dit le proverbe. Orphelin de mère et issu d’une famille très modeste de la ville de Tissemsilt, mon ami Bencherki, le prof de philosophie, n’a jamais perdu espoir dans la vie !

Bien au contraire, sa situation d’orphelin et d’enfant pauvre l’a toujours poussé à se surpasser. En effet, malgré tous les aléas de la vie et les difficultés qu’il a rencontrées dans sa vie d’écolier, de collégien et de lycéen, il a su les surmonter avec courage et détermination et a pu terminer ses études supérieures qui ont été couronnées par l’obtention haut la main d’un doctorat en philosophie à l’université d’Oran où il enseigne actuellement et fait les beaux jours de toutes les universités algériennes et même internationales car souvent invité à donner des conférences de haut niveau.

De l’école Benbadis, « likoule lakhdar » comme aime bien l’appeler les anciens car elle était peinte en vert, vers le début des années seventies à l’université d’Oran en passant par le collège Dellali Cheikh et le lycée Bounaama de la ville de Tissemsilt, son parcours n’était pas de tout repos ! Son regretté père, simple ouvrier dans une entreprise privée, ne les a jamais privés de quoi que ce soit. Il a toujours mis sa petite famille à l’abri du besoin malgré son maigre salaire. Il aurait été très fier de son petit bout de chou s’il était encore de ce monde. Sa maman, paix à son âme, l’aurait été davantage ! Il ne le disait jamais mais ce petit manque affectif maternel l’a toujours affecté d’une manière ou d’une autre mais il a toujours su l’utiliser dans le bon sens. Généreux, empathique et altruiste, il avait toujours ses émotions à fleur de peau. Je me souviens tout le temps de cette journée où on s’est acheté de jolies paires de chaussures mocassins du point de vente de la Sonipec (ex-Bata) sis au centre ville à 120 DA la paire seulement. On était tellement heureux de notre trésor qu’on les a mis un bon bout de temps sur la table de notre classe pour bien les admirer ! On était les êtres les plus heureux du monde ce jour-là. Peu de moyens suffisaient à notre contentement. On n’avait ni jeux électroniques, ni tablettes, ni trottinettes mais on était si heureux avec peu de moyens pour jouer et se divertir. 

Brillant étudiant !

L’image de l’étudiant assidu, ponctuel, travailleur, réfléchi, studieux, appliqué, laborieux et attentif n’a jamais quitté mon esprit. Il mettait en application tous les conseils de ses enseignants car il savait pertinemment que la seule issue qui pouvait le faire sortir avec sa famille de la modeste vie qu’ils menaient n’était autre que les études. En terminale lettres de l’année scolaire 1983-1984, il était l’un des meilleurs élèves de toutes les classes et je ne le dépassais qu’en langue française où il avait énormément de difficultés. Difficultés rattrapées avec le temps dans la mesure où j’ai bien remarqué ces derniers temps, à travers nos correspondances, que ce soit par emails ou par Messenger, que son français était très correcte pour ne pas dire parfait. Eh oui ! C’est un gars qui a une volonté de fer. Que l’éternel le protège et lui prête longue vie. A chaque fois, qu’il me promet de venir me rendre visite, il commande à l’avance qu’on lui prépare du « M’besses », galettes carrées préparées à base de semoule, d’huile ou de beurre et souvent aspergées avec du miel. Il faut dire qu’il adorait ces galettes que ma défunte mère excellait dans leur préparation.

Je le vois encore dans notre chambre de la cité universitaire, la CUMO (cité universitaire modulaire d’Oran) d’Es-Senia, pavillon C, chambre 15, où on a passé ensemble de très bons moments en compagnie de Saadaoui, Aissani, Moussil, Ait Hamadouche, Missoum, Senkadi… que je salue au passage. Il veillait tard, passant son temps à réviser ses cours jusqu’à une heure tardive de la nuit. Il n’avait besoin pour cela que d’un verre d’eau, de quelques feuilles et d’un stylo car il avait cette bonne habitude de ne pas apprendre par cœur ses cours mais de les réécrire plusieurs fois afin de bien les assimiler. Une méthode dont lui seul avait le secret et qui lui avait épargné, tout au long de son cursus universitaire, les examens de rattrapage et lui a permis par conséquent de terminer ses études de graduation comme sur des patins à roulettes. Il ne sortait de sa chambre que pour aller à l’amphi, au resto ou au cafeteria pour décompresser un peu. Il lui arrivait souvent de rater le diner tellement il avait la tête plongé dans ses cahiers. Il se contentait d’un petit casse-croûte qu’on lui ramenait ou grignotait un peu de ce qu’il trouvait dans son armoire. Non fumeur, non buveur, il était méticuleux dans ses dépenses. Mais ça ne l’empêchait pas de pratiquer son sport favori qui était le football. C’était un talentueux milieu de terrain qui avait fait les beaux jours de pas mal d’équipes locales à l’image de celle de son quartier Les Castors ou de l’équipe phare de la wilaya de Tissemsilt, le Widad.

Sa licence en philosophie en poche à la fin de l’année 1988, il revint à sa ville natale, plus exactement à son lycée, Mohamed Bounaama, où il enseigna la philosophie pour un bon bout de temps avant d’entamer des études en post-graduation qui ne différaient pas beaucoup de ceux de sa graduation. Il décrocha avec brio son magistère (1990-1992) et son doctorat en 2000.

Un philosophe né !

Depuis que je l’ai connu au début des années 1980 au lycée Mohamed Bounaama, car c’était mon ami de classe, j’ai toujours apprécié son intelligence et sa façon de voir les choses. Il excellait dans les matières littéraires et en particulier en philosophie où il décrochait toujours les meilleures notes. Doué dans tous les types de rédactions, en particulier dans les commentaires composés et les dissertations, les professeurs n’hésitaient jamais à lui demander de les lire au reste des apprenants pour les encourager à en faire de même. Tout ce terrain fertile qu’il avait a fait de lui le philosophe qu’il est aujourd’hui. A la tête de pas mal de laboratoires de recherches, il effectue des recherches, réfléchit sur l’existence et sur les relations humaines au regard des fondements, des finalités et du sens de la vie et des évènements. Il communique le fruit de ses réflexions par des conférences, des cours, des entrevues, des publications. Aussi s’intéresse-t-il aux sciences (psychologie, politique, physique), aux données de l’existence humaine (amour, liberté, volonté), aux questions sociales (éthique, éducation) ou aux relations humaines (littérature, architecture, technologie). Bencherki veille tout le temps à être à la pointe de l’évolution des connaissances afin de pouvoir faire une critique rationnelle des phénomènes observés. Depuis que je l’ai connu, il n’est jamais resté renfermé dans le monde des idées et n’a jamais perdu le contact avec la réalité concrète, ses aspérités et ses contraintes. Il s’est toujours intéressé pour les disciplines relevant des lettres, des sciences humaines, ou des sciences de la nature. Souvent invité par les grandes universités nationales ou étrangères, il intervient sur les principales thématiques de l’actualité qui touchent au cœur de la question du sens de la vie et des finalités de notre société : le développement durable, la bioéthique, la santé publique, l’éducation à la citoyenneté.

Notre philosophe exerce des fonctions de conseiller auprès des personnes chargées de prendre des décisions dans différentes matières et chapeaute actuellement le supplément mensuel « Awrak fikria » du quotidien El Djoumhouria où, chaque mois, il choisit une thématique d’actualité qu’il traite, avec différents collaborateurs nationaux et internationaux, d’un point de vue philosophique. Il a à son actif plusieurs publications de livres qui enrichissent actuellement les étagères des bibliothèques universitaires.

Eh oui ! Notre société a sans cesse besoin de gens qui possèdent cette largeur d’esprit et cette rigueur propre aux philosophes à l’image de notre professeur émérite, monsieur Bencherki Benmeziane de l’université d’Oran. Il demeure l’exemple et la fierté de toute notre région ! Chapeau bas à mon ami et frère Bencherki. J’espère de tout cœur que ce modeste récit portrait lui fera plaisir.

Rabah Saadoun