Je viens de terminer la lecture d’un volumineux livre. J’en suis sorti assommé d’une vérité historique des plus inhumaines. « Terre de Dieu (Ardh Allah) », roman historique, écrit en arabe par l’auteur Jordanien Ayman Al-Outoum dans lequel il raconte l’histoire d’un déporté sénégalais musulman en Amérique (USA), puis vendu comme esclave alors qu’il était un érudit. Omar Ibn Saïd avait passé son enfance et sa jeunesse dans un village au Sénégal où il avait appris à lire et écrire en arabe, et a pu même faire des études pour devenir Imam et prédicateur après avoir appris le Coran. Son père était un riche notable du village de Fouta-Toro. A l’âge de 37 ans, Omar Ibn Saïd est pris en otage par des esclavagistes qui le firent embarquer dans un bateau en partance pour l’Amérique. Quelques mois après, il se trouve dans un ranch à Charleston, en Caroline du sud, à subir les maltraitances de son « maître » qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam…
Après avoir enduré le pire durant des années, il s’enfuit et se rend à Fayetteville en Caroline du nord. Là, il est capturé et acheté par un général qui était le frère du gouverneur de l’Etat de la Caroline du Nord. Il restera le restant de sa vie comme esclave chez ce nouveau maître malgré que ce dernier décèle chez Omar Ibn Saïd toutes les qualités d’un homme hors pair avec le comportement d’un seigneur. Malgré ça, il n’accepta jamais de l’affranchir. Mais l’Amérique de ces années-là était aveuglée par l’idée de l’inégalité des races, et elle était surtout ancrée dans celle de la suprématie de la race blanche sur tous les autres peuples.
Omar Ibn Saïd avait défié la chronique en Amérique par ses écrits en arabe. Il était le seul esclave en Amérique à avoir écrit ses mémoires dans 14 manuscrits et dans lesquels il décrit son vécu d’esclave, ses sentiments, sans jamais oublier de les accompagner de versets et même de sourates du Coran. En 1819, il entreprend ses premiers écrits dans lesquels il exprime son profond désir de rentrer chez lui : « Je veux être aperçu en Afrique dans un endroit du fleuve nommé Kaba », avait-il écrit. En 1831, il rédigea son autobiographie (écrite en arabe) et sa renommée dépassa les frontières de l’Etat où il vivait et il devint célèbre. Alors, les habitants de la ville de Bladen le dénommèrent le prince Moro. Son dernier texte, qui date de 1857, est une reprise de la sourate Al-Nasr du Coran.
Malheureusement, il vécut dans la condition d’esclave jusqu’à sa mort en 1864, à l’âge de 94 ans. Il fut enterré dans le comté de Bladen en Caroline du nord. En 1991, une mosquée de Fayetteville est baptisée en son nom (Masjid Omar Ibn Sayyid). Et face à cette mosquée, l’Etat de la Caroline du Nord a fait ériger une stèle retraçant son histoire…
Le livre blanc de l’esclavage reste à écrire pour éclairer la conscience des hommes et, surtout, celle de l’Occident.
Rachid Ezziane