L’annonce par le gouvernement néerlandais de la signature d’un protocole d’accord avec l’Ouganda concernant le retour des migrants déboutés et des demandeurs d’asile dans leur pays d’origine via un centre de transit temporaire en Ouganda a suscité une vive controverse aux Pays-Bas et en Europe.
Le gouvernement néerlandais affirme que cette mesure vise à « dissuader les séjours illégaux » et à accélérer les retours, tandis que les organisations de défense des droits humains mettent en garde contre une possible violation du droit européen et des principes internationaux en matière d’asile. Le site web officiel du gouvernement néerlandais indique que les ministres de l’Immigration et des Affaires étrangères ont signé un protocole d’accord avec l’Ouganda visant à réglementer le retour des migrants déboutés vers un centre de transit temporaire supervisé par des organisations internationales. Le ministre de l’Immigration et des Affaires étrangères, David van Wiel, a déclaré au Financial Times que « le centre de transit en Ouganda pourrait être opérationnel au début de l’année prochaine, précisant que son gouvernement « se prépare à d’éventuelles contestations judiciaires ».
Cet accord, signé fin septembre 2025, est le premier du genre en Europe occidentale et rappelle des expériences controversées comme le plan britannique avec le Rwanda. Si le gouvernement néerlandais affirme que l’objectif est « humanitaire et réglementaire », le plan défendu par le Parti de la liberté au pouvoir stipule clairement que le centre permettra le retour des migrants dans leur pays d’origine dans un délai précis, tout en garantissant « des normes humanitaires minimales pendant la période d’attente ». Ce plan a été préparé par Renate Kleaver, ministre du Commerce extérieur et de l’Aide au développement, et Marjoleine Faber, ministre de l’Asile et de la Migration.
En revanche, l’Ouganda a annoncé qu’il n’accepterait pas les mineurs non accompagnés (…). En revanche, les migrants que les Pays-Bas n’ont pas pu expulser vers leur pays ne provenaient pas d’Ouganda ou des pays voisins, mais d’Ukraine, de Turquie, d’Algérie, du Maroc et de Syrie, pays où le nombre de demandes d’asile est généralement élevé. Cela soulève des questions quant à l’efficacité de l’accord ougandais.
Déclarations mutuelles et conditions ougandaises
Le ministre néerlandais de l’Immigration et des Affaires étrangères, Van Wiel, a confirmé que « les personnes LGBTQ+ ne seront pas renvoyées en Ouganda afin de les protéger de ses lois discriminatoires, qui punissent l’homosexualité de la réclusion à perpétuité ou de la peine de mort ». Il a ajouté que les Pays-Bas étaient responsables des personnes renvoyées en Ouganda, tout en soulignant que l’Ouganda en portait également la responsabilité.
De son côté, Vincent Bager, secrétaire permanent du ministère ougandais des Affaires étrangères, a déclaré que son pays « avait proposé d’accepter des personnes sans casier judiciaire, de préférence d’origine africaine, à condition qu’elles n’utilisent pas l’Ouganda pour des activités politiques ». Van Wiel a ajouté que le projet pilote « ciblera principalement les personnes originaires de la région, y compris une grande partie des pays limitrophes de l’Ouganda », soulignant que l’accord « est conforme au droit international et européen », tout en anticipant des contestations judiciaires.
Controverse politique et critiques relatives aux droits humains
L’accord a été largement rejeté par les partis d’opposition néerlandais et les organisations de défense des droits humains. Le Financial Times l’a qualifié d’« accord à la Trump », faisant référence aux propositions de relocalisation des migrants vers des pays tiers. Amnesty International a déclaré que cette décision « dégage l’Europe de ses responsabilités juridiques et morales ». Les critiques affirment que ce plan viole la réglementation européenne interdisant l’envoi de demandeurs d’asile vers un pays tiers sans leur consentement.
De son côté, le Parti de la liberté néerlandais au pouvoir maintient le plan comme un moyen de dissuasion de l’immigration clandestine. Van Wiel a déclaré : «L’accord est conforme au droit international de l’asile, au droit européen et à nos lois nationales. Mais bien sûr, il fera l’objet d’un appel dans un premier temps, et nous verrons ensuite s’il tient ses promesses. » De son côté, le gouvernement ougandais a confirmé que la mise en œuvre de l’accord se ferait « sous la supervision des Nations Unies et des organisations humanitaires afin de garantir le respect du droit international ». Le ministère néerlandais de la Justice a déclaré dans un communiqué que « le centre servira à faciliter le retour dans leur pays d’origine des migrants dont la demande d’asile a été rejetée aux Pays-Bas, tout en garantissant le respect des normes humanitaires minimales ». M. Van Wiel a expliqué que son pays avait demandé au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) de superviser les centres, ajoutant : « Nous ne nions pas notre responsabilité de respecter les droits humains des personnes que nous y envoyons. C’est clair. » L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé qu’elle « coopérait étroitement avec ses partenaires européens, dont le gouvernement néerlandais, pour la mise en œuvre des procédures de retour ». Le HCR a déclaré qu’il « n’avait pas encore pris connaissance des détails de l’accord néerlando-ougandais et n’avait pas tenu de discussions formelles à ce sujet ». Il a ajouté que son rôle potentiel se limiterait à conseiller les gouvernements sur le respect des droits humains par les centres.
L’Europe à la croisée des chemins en matière de politique migratoire
L’accord néerlando-ougandais intervient dans un contexte européen tendu en matière de politiques migratoires, alors que les pays de l’UE tentent de développer de nouveaux mécanismes de retour des migrants après l’échec des précédents plans de solidarité. Des observateurs soulignent que l’expérience néerlandaise pourrait ouvrir la voie à des accords similaires dans d’autres pays européens, craignant que la politique des « centres offshore » ne devienne une approche permanente de la gestion de l’asile en Europe. Selon Eurostat, les Pays-Bas ont émis des ordres d’expulsion à l’encontre d’environ 19 000 personnes l’année dernière, mais seulement 4 200 ont été renvoyées suite à des contestations judiciaires ou à des refus de leur pays d’origine d’accueillir ces personnes. « Il ne s’agit pas seulement de résoudre le problème immédiat de ces cas, mais aussi de transmettre un signal dissuasif », déclare Van Wiel, ajoutant qu’« en cas de refus, vous devez partir volontairement, sinon vous irez en Ouganda. »
R. I.
 
				