Par Adel Messaoudi.
La 13ᵉ édition du Festival international du film arabe d’Oran, prévue du 30 octobre au 5 novembre prochain, s’annonce comme un rendez-vous majeur pour les cinéphiles et les professionnels du 7ᵉ art. Avec une sélection officielle de 63 films, dont 35 en compétition pour le prestigieux Wahr d’Or, la manifestation promet une programmation dense et ouverte, entre hommage à la mémoire et ouverture au continent africain.
Lors d’une conférence de presse organisée à l’hôtel Le Méridien d’Oran, le commissaire du festival, Abdelkader Djeriou, a dévoilé les grandes lignes d’un programme qu’il souhaite placé sous le signe du renouveau, de la diversité et de la réflexion sur le rôle du cinéma dans les sociétés arabes contemporaines. Pour cette édition, dix longs métrages, dix documentaires et quinze courts métrages seront en lice, tandis qu’une trentaine d’autres œuvres seront présentées hors compétition. Certaines productions, inédites, seront projetées en première mondiale, une rare opportunité pour le public oranais, dans un pays où les occasions de découvrir les nouveautés du grand écran demeurent encore limitées.
Les projections se tiendront dans les trois salles emblématiques du festival : le cinéma Maghreb (ex-Le Régent) accueillera la compétition principale, la Cinémathèque d’Oran abritera les séances documentaires et courts métrages, tandis que la salle El Saâda (ex-Le Colisée) sera dédiée aux films hors compétition.
Une édition marquée par la Palestine et l’ouverture africaine
Fidèle à son engagement artistique et symbolique, le festival renouvelle la section « Palestine pour toujours », consacrant cette année trois documentaires : Upshot de Maha Hadj, « Mémoires de Palestine sur Leïla Shahid », et « Gaza : histoires inachevées de la distance zéro ». Ce cycle dédié sera présidé par l’actrice et réalisatrice palestinienne Areen Omari, figure du cinéma engagé. Par ce choix, Oran poursuit sa tradition de soutien à la création palestinienne, rappelant combien le cinéma reste un espace de résistance et de mémoire.
L’ouverture au continent africain constitue une autre nouveauté marquante. Trois œuvres issues du Nigeria et du Sénégal seront projetées, dont « Mami Wata », représentant du bouillonnant Nollywood, ainsi qu’un film porté par la réalisatrice franco-sénégalaise Aïssa Maïga. Cette orientation témoigne d’une volonté d’inscrire le cinéma arabe dans un dialogue plus large avec l’Afrique, en écho aux passerelles historiques, culturelles et linguistiques qui lient les deux rives du continent.
Jurys prestigieux et hommages à des figures du cinéma arabe
Le jury des longs métrages sera présidé par la productrice et réalisatrice tunisienne Dora Bouchoucha, figure incontournable du cinéma maghrébin, tandis que le cinéaste algéro-suisse Karim Sayad dirigera le jury de la catégorie documentaire. L’actrice palestinienne Areen Omari, quant à elle, prendra la tête du jury des courts métrages.
Le festival rendra hommage à plusieurs figures majeures du cinéma arabe. Lors de la cérémonie d’ouverture, seront honorés le Syrien Ghassan Massoud, l’Égyptienne Nadia El Guindi et le réalisateur algérien Rachid Bouchareb. La clôture sera marquée par des hommages à Sid Ahmed Agoumi, monument du théâtre et du cinéma algérien, et à l’acteur égyptien Yasser Galal. Un hommage particulier sera aussi consacré au cinéaste Farouk Beloufa, avec la projection de la version restaurée de son film culte Nahla et d’un documentaire rare de Jocelyne Saab sur le tournage de ce chef-d’œuvre, filmé en pleine guerre du Liban.
Une programmation nationale modeste mais ambitieuse
Dans la sélection des longs métrages, l’Algérie n’est représentée que par « Pour une poignée de sable » de Nadir Ioulain. Une présence modeste que le responsable de la communication du festival, Fayçal Chebbani, attribue au manque de productions nationales et au gel, ces dernières années, du Fonds de soutien au cinéma et aux arts. La récente réactivation de ce mécanisme de financement laisse toutefois espérer un nouvel élan pour la création cinématographique algérienne.
Les autres films en compétition reflètent la pluralité du monde arabe : « Cette nuit est la mienne » de la Syrienne Jafra Younes, « Les Chants d’Adam » de l’Irakien Oday Rashid, « Samsam » de la Jordanienne Sundus Samirat, « La Reine du Lego » du réalisateur omanais Haitham Suleiman, « Samia » de Yasmin Chamdirli (Somalie) ou encore « Lune de Hammam » du Libanais Karim Kassem.
Un festival populaire, gratuit et ancré dans la mémoire nationale
Le commissaire Abdelkader Djeriou a tenu à rappeler que cette édition coïncide avec la commémoration du 1ᵉʳ Novembre 1954, une date hautement symbolique dans l’histoire nationale. À cette occasion, sera projeté le film « Zighout Youcef » de Mounès Khammar, en présence de l’équipe du film. Djeriou a également défendu la vocation populaire du festival, dont l’accès aux projections est entièrement gratuit, une décision qu’il justifie par la nécessité de démocratiser la culture et d’élargir le public du cinéma.
Financé à plus de 80 % par le ministère de la Culture, le festival revendique par ailleurs une dimension économique et sociale pour la ville d’Oran. Djeriou, qui a participé à une formation sur l’économie de la culture aux États-Unis, a souligné l’importance des investissements publics dans les activités culturelles non lucratives, estimant que le cinéma pouvait être un levier de cohésion et de développement local.
Un rendez-vous entre héritage et modernité
Depuis sa création en 2007, le Festival international du film arabe d’Oran a connu des moments d’éclat et de controverses. Mais cette 13ᵉ édition semble vouloir renouer avec l’esprit originel de la manifestation : faire d’Oran une capitale du cinéma arabe, un lieu d’échanges et de découvertes, à la croisée de la Méditerranée et de l’Afrique.
En célébrant la mémoire, en s’ouvrant aux nouvelles voix du continent et en revendiquant la gratuité comme acte de résistance culturelle, le festival s’impose, plus que jamais, comme un espace de dialogue entre les peuples et les générations.
A. M.
 
				