Par Mohamed Medjahdi.
Un café sombre et typique des années 1940. Rien de changé depuis des ans. Le lieu proposait une décoration modeste faite de veilles tables et de vieux bancs. Une atmosphère désuète certes mais qui avait son charme.
Derrière le comptoir et face à la cheminée, le propriétaire prépare le café et thé sur de la braise ardente. Alors que ses clients s’installent, il prépare ses breuvages. Pour le thé, il utilise deux vieilles théières, des verres, du sucre… Il hume les feuilles de thé et de menthe, mesure du creux de la main les doses de chaque ingrédient, bajoue l’eau chaude et l’eau froide. Ensuite il transvide la décoction plusieurs fois entre les théières et les verres. A la fin, il goûte avant de remplir les verres de très haut, sans rien laisser échapper et sert ses clients.

Pour le café, il le fait bouillir dans une petite cafetière, une « djezoua » ou cezve. Il remplit le contenu dans une tasse. Les clients apprécient le breuvage qu’ils prennent jusqu’à la dernière goute mélangée avec le marc au fond de la tasse.
Connu sous le nom de « café de la paix », le lieu attirait les passagers et touristes à la conquête des Béni Snous. Pratiquement, tous les visiteurs y observent pour siroter un thé ou un café.
Kahwat Lahtab, comme la surnomme les habitants, était durant la guerre un lieu de rencontres des grandes personnalités algérienne, à l’image d’Ahmed Benbella , Abdelaziz Bouteflika, le colonel Lotfi, le commandant Djaber et Dahou Ould Kablia entre autres.
Fermé sur ordre des autorités militaires français en 1956, le café a été transformé en bureau de poste jusqu’à 1962.

Après l’indépendance, Kahwat Lahtab a repris ses activités avec le même décor, et la même énergie, à savoir le feu de braise pour la préparation du café et du thé.
Située en plein cœur du village de Khemis, en face de la mosquée, le café de la paix est un véritable lieu de mémoire collective. A l’intérieur, chaque chaise, chaque table, chaque arpente évoquent des souvenirs.
Ce lieu était jusqu’à une époque très récente très prisé par les clients, notamment durant les veillées du ramadan, qui s’adonnaient à d’interminables parties de cartes et de dominos… Même en dehors du mois sacré, chaque soir, jeunes et vieux s’y rendaient. Entre les parties de jeux de cartes, riches en suspense et ponctuées de cris, les nuages de fumées se dégageant des cigarettes, les clients y passaient de longues heures.
Le café a malheureusement fermé ses portes… Pour les habitants, préserver ce patrimoine dans cette région berbère est plus que nécessaire, car Kahwat Lahtab est lieu d’histoire et de mémoire de la région.
M. M.