L'Algérie de plus près

Ligue arabe : lutte pour la dignité arabe ou pour le leadership ?

Par Mohammed KOULAL*

L’occupation de la Palestine et les massacres qu’entreprennent systématiquement les occupants Sionistes contre la population civile représente le « parfait tableau » d’un génocide programmé depuis plus d’un demi-siècle. Le même sort est réservé aux habitants de la Syrie, l’Irak, le Liban, le Soudan, la Libye et le Yémen, pour ne citer que ces derniers.

Il faut dire que nous vivons de grandes mutations dans un monde où tout va vite. Même le génocide des peuples est ignoré par des pays qui furent pourtant victimes du même sort. Nous vivons une multitude d’évènement d’une importance capitale mais dans une indifférence totale de la part de tous ces États qui prétendent porter haut le flambeau de la liberté et de la démocratie. Il existe néanmoins de rares pays fidèles à leur principe avec une diplomatie fondée sur la mise en œuvre des décisions majeures de l’ONU dont la poursuite de la décolonisation.

Face au déclin moral des super-grands et l’émergence de nouvelles puissances foncièrement opposées à l’empire US, l’on assiste à des renversements d’alliance et des guerres. Dans ce monde qui bouge, quel rôle jouera dorénavant la Ligue arabe si tant elle prétend toujours défendre les intérêts supérieurs des pays qui la composent ? Avec l’internationalisation des conflits locaux, surtout au Moyen Orient et dans les pays du Sahel, le monde arabe est en danger permanent. Devant tous les évènements que connait l’humanité, il est à déplorer l’attitude de cette institution qui a adopté le rôle du spectateur attendant que l’ONU, l’Union européenne et les États-Unis viennent au secours des peuples arabes opprimés. Comme si la protection et des États et des peuples arabes ne fait plus partie de ses prérogatives.

En se référant à l’histoire de la Ligue arabe, l’on aperçoit qu’elle n’est qu’une arène où l’on se bat pour le trophée de leadership. À telle enseigne que le mythe de la « nation arabe » n’a plus de sens. Toutes les tentatives d’élaborer un projet juridico-politique adopté par les fondateurs de la Ligue (à savoir l’Égypte, la Syrie et l’Irak) de fédérer les États arabes ont échoué. Ni la fusion totale, ni le confédéralisme, ni le fédéralisme, ni la suppression des frontières n’ont pu être mis en œuvre, d’où l’incapacité de maintenir les structures organiques durables d’une organisation d’États unifiés ou, à tout le moins, partageant des valeurs communes. Bien au contraire, les différents peuples arabes sont bien loin de constituer une nation homogène. D’ailleurs, la désillusion a été totale depuis l’échec de la fusion entre l’Égypte-Syrie (la fameuse RAU) et les tentatives avortées de l’union Égypte-Libye, Tunisie-Libye, et Algérie-Libye.

Ces fusions-unions avaient pour but une complémentarité entre les pays arabes et la formation d’une entité arabe puissante. L’objectif était donc d’ordre stratégique et visait deux points : la recherche d’un leadership arabe et la lutte contre Israël. La ligue se voulait être un organe de médiation dans les conflits interarabes dont celui du Sahara occidental. Sans succès à cause des diplomaties parallèles et des intérêts de quelques anciennes puissances tutélaires.

De la « mollesse » de la Ligue va découler une dualité du monde arabe où chaque pays va agir selon ses intérêts et son régime politique. La Ligue, en raison du manque de détermination et de cohésion du camp arabe, n’a pu imposer à la CEE, l’ancêtre de l’UE, de reconnaître l’État palestinien ; la raison étant que l’Europe dissociait la question des échanges économiques de celles politiques. Cette « parade » diplomatique cache en fait la dépendance totale de la CEE -et de l’UE actuellement- vis-à-vis des USA.

La Ligue a été la courroie de transmission de la politique égyptienne vue la contribution financière de l’Égypte, soit environ 43 % du budget de la Ligue. Le secrétaire général a toujours été un égyptien, d’où le mécontentement des monarchies et de certains États causant ainsi une difficile concertation sur les vrais problèmes que vivent les peuples arabes.

Depuis, la Ligue s’est transformée en une machine bureaucratique face aux graves évènements que connaissent de manière régulière le Liban, la Palestine, le Soudan et le Sahara occidental ; elle s’est montrée incapable d’apporter une réponse efficace à la résolution de ces crises.

Conséquence de la « stérilité » de la Ligue et des tiraillements en son sein, l’Égypte va progressivement changer de position politique et doctrinale en s’engageant dans le camp américain en signant les fameux accords de Camp David. Hostiles au Caire pour avoir trahi la cause arabe et palestinienne, quatre pays (Algérie, Libye, Irak, Syrie) et l’OLP vont constituer le « front de la fermeté » non pas au sein de la ligue mais en organisant des « sommets » indépendants d’elle.

Il y a aussi les conflits frontaliers entre les pays arabes particulièrement le Maroc et l’Algérie qui est édifiant à cet égard. La Ligue n’a pas pu résoudre le différend qui dégénéra en guerre au mois de septembre 1963. Ce premier échec participera plus tard à l’effritement du semblant d’unité entre les pays arabes.

À ce jour, l’Algérie demeure l’un des rares pays dits arabes à se battre dans les arènes diplomatiques pour le triomphe des causes palestinienne et sahraouie.

Un effort toujours contrecarré par certains États arabes dont le Maroc qui a opté ouvertement pour une politique expansionniste en occupant le Sahara occidental et en gardant l’œil rivé sur un possible accaparement de territoires au détriment de l’Algérie et de la Mauritanie. Cet expansionnisme est soutenu par la France, non pas pour « les beaux yeux » de la monarchie, mais pour des intérêts économiques, surtout énergétiques.

Après la réconciliation entre le Maroc et la Mauritanie, le 08 juin 1970 est scellé à Casablanca un traité de solidarité, de bon voisinage et de coopération. Le 14 septembre, à Nouakchott, l’Algérie, la Mauritanie et le Maroc décident d’un commun accord de la décolonisation du Sahara occidental, alors sous occupation espagnole. En coulisse, le Maroc et la Mauritanie vont s’entendre pour le partage du territoire sahraoui.

Malgré les intenses activités diplomatiques au niveau des instances internationales, le désaccord persistera longtemps, causant des tensions entre les Maghrébins à partir de 1972. Les notables sahraouis prennent contact avec le gouvernement espagnol le 20 février de la même année par le biais d’une déclaration proposant que le peuple sahraoui participe à un référendum d’autodétermination et se réservant le droit d’exprimer leur volonté sans intervention étrangère. Malgré toutes les réactions relatives aux résolutions onusiennes, celles du 13 décembre 1972 et du 14 décembre 1973, l’Espagne rend compte à l’ONU son intention d’organiser un referendum d’autodétermination au cours du premier semestre 1972 afin de permettre aux sahraouis d’opter librement pour l’avenir politique de leur pays. Le 13 décembre 1974, la commission désignée par l’Assemblée générale de l’ONU arrive à cette conclusion : « … la population ou tout au moins les personnes entendues étaient catégoriquement en faveur de l’indépendance ».

D’un problème de décolonisation au départ, le Sahara occidental va devenir un enjeu stratégique non seulement pour la monarchie marocaine et la république mauritanienne, mais aussi et surtout pour la France qui se bat bec et ongles pour maintenir ses anciennes colonies sous son emprise. Les intérêts sont tellement énormes que son armée n’hésitera pas s’impliquer militairement dans le conflit maroco-sahraoui. En effet, la naissance d’un État sahraoui indépendant allié de l’Algérie bouleversera sans nul doute tous les calculs de la France et du Maroc. Et pas seulement : au sein de la Ligue arabe, si certains États soutiennent fermement le droit des Sahraouis à l’autodétermination, d’autres appuient ouvertement l’expansionnisme marocain, faisant naître des frustrations chez les peuples arabes épris de justice et de liberté, les Sahraouis en premier qui n’ont attendu personne pour prendre leur destin en main. Leur lutte farouche pour leur affranchissement du joug du Makhzen a abouti à la reconnaissance de leur mouvement de libération, le Front Polisario, puis celle de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) par de nombreux États africains, américains et asiatiques…

Cependant, chez les arabes, la question du Sahara occidental n’est pas prise au sérieux quand bien même concernerait-elle deux peuples arabes. La Ligue arabe se contente d’observer, de dire et de ne pas agir.                                                     

M. K.

*Avocat à la Cour

*Barreau de Relizane

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