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Omar Bekkouche, SG de l’Association des producteurs de figues de Beni Maouche : « Rien ne pourra se faire sans le soutien de l’État… »  

Le changement climatique n’est pas une vue de l’esprit. Les paysans algériens le vivent au quotidien. Depuis plusieurs années, les épisodes de sécheresse plus ou moins longs ont entrainé une baisse drastique de la production arboricole de montagne où, en plus de la rareté de l’eau, se sont greffés les feux de forêts, et des vagues cycliques de chaleur au-dessus des moyennes saisonnières. En Kabylie, l’arboriculture fruitière a subi de plein fouet les effets dévastateurs de ces facteurs. Réputé très résistant à la sécheresse, le figuier n’a pas donné suffisamment de fruits cette année, raison qui a obligé les organisateurs de la fête de la figue de Beni Maouche à reporter l’édition de cette année à l’automne 2025.

M. Omar Bekkouche, secrétaire général de l’association des producteurs de figues de Béni Maouche nous donne davantage de précisions sur le sujet. Écoutons-le.

Le Chélif : M. Bekkouche, quelles sont les principales raisons qui vous ont empêché d’organiser la traditionnelle fête de la figue à Béni Maouche ?

Omar Bekkouche : Cette année, nous avons pris la décision de ne pas organiser la fête des figues sèches. La principale raison est la pénurie de ce fruit dans la région de Beni Maouche, mais aussi dans les 21 communes environnantes. De plus, les prix des figues sèches ont flambé. Bien que certains producteurs disposent encore de quantités appréciables de figues, cela reste insuffisant pour organiser l’événement. Face à ces multiples raisons, nous avons décidé à l’unanimité de ne pas tenir cette édition, la 21ème du genre.

Depuis combien de temps observez-vous cette baisse de production et quelles en sont les causes principales ?

Cela fait environ quatre ans que nous constatons une baisse de production. Plusieurs facteurs en sont responsables. Tout d’abord, les conditions climatiques, notamment la sécheresse, ont considérablement affecté les récoltes. Ensuite, les maladies touchant les arbres fragilisent également la production. En outre, il y a un manque de renouvellement des plantations : les gens ne plantent plus de nouveaux arbres, et les figuiers actuels sont vieillissants et commencent à disparaître. Sans renouvellement, la survie de ce produit est compromise dans notre région.

Le report de la fête à l’année a certainement frustré les agriculteurs et les participants habituels de l’événement…

La pression que nous subissons provient davantage des visiteurs et du public, qui honorent chaque édition de leur présence, plutôt que des agriculteurs eux-mêmes. De nombreux artisans de la région, voire de tout le pays, qui ont l’habitude de participer à cette fête, expriment également leur déception. Ils souhaitaient participer à cette 21e édition, qui n’aura malheureusement pas lieu cette année.

Avez-vous envisagé des alternatives ou des stratégies pour maintenir l’événement malgré la pénurie ?

En collaboration avec la commune de Beni Maouche, nous avons décidé d’organiser deux journées d’étude sur la production de figues les 31 octobre et 1er novembre prochain. Ces journées seront animées par les cadres des instituts agricoles, des départements universitaires et des services de l’agriculture, qui aborderont les problématiques liées à la culture de la figue. Il y aura également des expositions de figues sèches et d’autres produits du terroir. Cela nous permettra de maintenir un lien avec les agriculteurs et le public.

Quelles mesures pourraient être envisagées pour soutenir les producteurs locaux et encourager la production dans les années à venir ?

Nous demandons un soutien accru de l’État, les autorités doivent agir en urgence pour sauvegarder et valoriser le figuier, qui est une source de revenu importante pour de nombreuses familles depuis des siècles. Les agriculteurs ne peuvent pas tout faire seuls. L’État doit les aider à replanter des vergers de figuiers afin d’obtenir des résultats satisfaisants d’ici trois à quatre ans. La région de Beni Maouche compte 21 communes, dont 11 dans la wilaya de Béjaïa et 10 dans celle de Sétif. Il est donc impératif que l’État intervienne sans tarder.

La non-programmation de cette édition pourrait-elle avoir un impact sur la visibilité de la fête et la filière des figues sèches ?

Nous avons signé plusieurs accords de jumelage avec des partenaires nationaux et étrangers, et un salon international de la figue sèche à Beni Maouche était en projet cette année. Malheureusement, les conditions climatiques et la baisse de la production nous ont contraints à reporter cet événement. Cependant, nous avons organisé en 2019 un séminaire international sur la figue, avec la participation de 16 universités (15 algériennes et une française), qui a été un succès. Nous devons envisager des alternatives à la fête traditionnelle, comme des journées scientifiques et d’autres événements, afin de débattre des problèmes de cette filière et de proposer des solutions.

Quelles sont vos attentes pour les prochaines éditions ? Existe-t-il des plans pour relancer et promouvoir la production de figues sèches et éviter de telles situations à l’avenir ?

Pour encourager la production de figues, il est essentiel que l’État s’implique en fournissant de nouveaux plants aux agriculteurs. Les figuiers actuels sont vieillissants et ne permettent pas d’assurer une production optimale. Il faut régénérer rapidement les vergers, et cela ne pourra se faire sans le soutien de l’État. Nous espérons que le figuier bénéficiera de la même attention que l’olivier, car il représente un capital économique majeur pour notre région.

Propos recueillis par Sofiane Idiri

One thought on “Omar Bekkouche, SG de l’Association des producteurs de figues de Beni Maouche : « Rien ne pourra se faire sans le soutien de l’État… »  ”
  1. C’est vrai que cette année, la production de figues est tombée bien bas ! J’ai deux arbres à la maison qui « couvraient » mes besoins, si je puis dire et ceux de ma famille, frères, soeurs et cousins ainsi que nombre de mes amis. Cette année, tout seul, je suis « resté sur ma faim » !

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