L'Algérie de plus près

Un temps morne

Par Hamid Dahmani

Quand la joie de vivre s’éclipse et que tous les autres plaisirs de la vie vous manquent dans cette existence très surveillée, la tristesse apparait au grand jour sur le visage et donne des signes mélancoliques dans le comportement des gens. Les muscles zygomatiques sont aux arrêts, ils ne fonctionnent plus comme avant à cause de la mauvaise humeur quotidienne qui colle à la peau. L’esprit se crispe et l’âme se retranche dans les profondeurs obscures de la routine tueuse qui a dressé sa guitoune dans ce douar poussiéreux. Le temps maussade est éternel et les feux sont éteints dans la région. Quelle vie de chien ! Les surveillés sont obligés de supporter toutes ces épreuves sans rechigner. Temporairement par arrêté permanent, il est interdit de rire, de dire, d’écrire, de rêver, de jubiler et de dire la vérité.

La sardine nage dans la farine. Le sachet de lait perturbe la voie lactée. Les « tabala » et les « meddaha » font leur carnaval culturel. Les mœurs ont changé, dans le mauvais sens cela s’entend, et les plus médiocres jouent le rôle de donneurs de leçons aux plus méprisés.

Les gens aboient mais le cortège affilié à la langue de bois passe. Tout ce tintamarre burlesque est un véritable casse-tête. Les muscles zygomatiques sont usés, ils n’en peuvent plus de s’étirer pour du n’importe quoi, ils sont morts à force de rire.

Les jours sont lents et insupportables à passer. Quant aux nuits, elles sont monotones et coulent vite, très vite, sans produire de beaux rêves. Chaque jour et chaque nuit qui passe, j’imagine des choses salvatrices qui me traversent l’esprit et qui pourraient changer mon destin mais, hélas, sans rien de plus. Avant-hier, en sortant de chez moi de bon matin, d’abord j’ai cassé le miroir de ma salle de bain et, ensuite, j’ai croisé un chat noir sur mon chemin. Il parait que cela attire beaucoup de malheurs. Alors, bonjour les dégâts pour au moins cinq ans.

Le temps est morne et on ne sait quoi faire pour le rendre plus plaisant. Les passéistes préfèrent le temps passé au temps présent qu’ils redoutent. Les gens sages disent toujours dans une expression du terroir qu’il faut prendre bien soin du passé : « Elmadhi t’hala fih », et le présent ne le néglige pas non plus : « El hadhar, ma t’faret fih ».

Seules les nouilles ne sont pas touchées par les grandes pénuries de l’époque en attendant… Demain, je suis de corvée près de la poste. Je vais observer le temps qui coule dans les rigoles.

H. D.

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