Malgré leur importance politique tant en Algérie qu’à l’étranger, les élections présidentielles anticipées du 7 septembre prochain semblent ne pas trop intéresser la grande masse des Algériens. Mais ce n’est qu’apparence. De fait, si les meetings animés par les candidats en lice n’attirent pas les foules en cette période particulière chaude de l’été, l’après-élection est attendue avec impatience par l’ensemble des Algériens.
Nous avons pris attache avec plusieurs citoyens qui nous ont livré crûment et sans détour ce qu’ils attendent de cette consultation électorale suivie de près par les observateurs régionaux et internationaux. Voici leurs impressions.
M. Slimane Cherifi est écrivain, poète et homme de culture reconnu à Mascara. Pour lui, l’annonce des élections présidentielles par le président Abdelmadjid Tebboune est « le signal officiel d’une sortie de crise ». Selon M. Cherifi, « l’État algérien n’est plus en crise ou en situation d’urgence. Il a reconquis sa stabilité. Ses institutions ont retrouvé leur équilibre et cette annonce est le signe que le Président Tebboune fait confiance à son peuple, aux citoyens et aux électeurs. »
Et l’écrivain d’ajouter que l’un des principaux enseignements à tirer de cette élection avant terme est motivée, sans nul doute, par des calculs géopolitiques car les menaces extérieures sont réelles et palpables, qui font qu’écourter le premier mandat est une « nécessité tactique ».
M. Cherif demeure confiant quant à l’issue de ces élections car il dit s’attendre à des changements majeurs. « Si le Président est reconduit pour un second mandat, et c’est quasi certain, il s’agira pour lui d’améliorer la façon de diriger le pays à travers un choix plus judicieux des personnalités dont le profil et la compétence aideront à rendre fiable la gestion des affaires du pays ».
De son côté, M. Maamar Djiroue, ancien cadre dirigeant d’une entreprise publique, se dit certain que « ce qui a poussé le président de la république a provoqué ces élections, c’est l’agenda politique mondial et régional ». « Les dates des élections présidentielles dans d’autres pays de la région, entre autres la France et, plus loin, les USA vont dans le même temps renforcer la crédibilité de l’Algérie pour être une pièce maîtresse dans l’échiquier régional pour mettre fin aux crises en Libye et au Malien.
Pour ce qui est de la campagne électorale, M. Djiroue avoue qu’il n’a assisté a aucun meeting, et qu’il a juste entendu ce que proposaient les candidats à travers les medias. « J’ai remarqué l’absence flagrante de programmes, de plans de redressement, de chiffres ou même de visions futuristes des candidats, on est toujours et encore dans les discours vides de toutes logique économique ».
Déçu, il dit qu’il ne s’attend pas à des changements radicaux. « Ces candidats n’ont rien proposé, ils n’ont rien de concrets que le prix du baril, qui connait un léger redressement suite à la fermeture de champs pétroliers en Libye. »
Notre interlocuteur espère toutefois un sursaut qualitatif et que le candidat qui remportera ces élections se montrera à la hauteur de sa mission.
« Comme on le sait, l’élection du président Tebboune à la magistrature suprême du pays en 2019 a été longuement contestée du fait du très faible taux de participation aux élections », explique d’emblée M. Khaled Ghriss, cadre l’enseignant retraité. À son sens, l’élection de M. Tebboune est intervenue à un moment où l’Algérie traversait des zones de turbulences graves, à savoir le « hirak » qui a entrainé la destitution de Bouteflika, la traduction en justice de hauts responsables politiques et militaires gradés, la paralysie des partis et associations politiques et, notamment, le mécontentement croissant d’une forte proportion de la population algérienne.
Il souligne que « des lueurs d’espoir ont pu naître chez une grande partie du peuple grâce à certaines décisions du président de la république », ajoutant que « bien qu’insuffisantes, ces décisions telles que les augmentations salariales, la prime de chômage et de la femme au foyer, en plus de certaines réalisations socio-économiques et une assez remarquable audience sur le plan international, pour ne citer que celles-là, ont permis au président de glaner des points supplémentaires et voir sa popularité grandir ».
« Néanmoins, relève-t-il, aux yeux de l’opposition et d’un grand nombre de pays, Tebboune est un président illégitime imposé par l’institution militaire ». Aussi, reprend-il, « l’organisation des élections présidentielles est mûrement réfléchie du fait que le président est quasi-certain de sa réélection. Ainsi, l’objectif assigné à son initiative sera atteint : une gouvernance légitime approuvée et renforcée par les urnes et, de surcroît, avec un taux de participation fort appréciable. »
Pour M. Ghriss, « des changements, il y en aura peut-être mais, à mon sens, ils seront sporadiques et occasionnels ».
Et de poser la question de savoir s’il y aura respect des libertés, si la presse sera libre et indépendante, si la justice sera dissociée du pouvoir et placée au-dessus de tous ?
Et de conclure : « J’en doute fort et je ne pense pas qu’il y aurait des changements notables. »
L. C.