Par Hamid Dahmani
Se dérober de la réalité accablante qui menace économiquement le pays est aberrant. Ceux qui raisonnent dans cet état d’esprit sont de tenaces mystificateurs. Les gens sont distraits et ils ont la tête dans les nuages. Ils s’expriment avec des propos délirants pour essayer de nous faire rigoler avec de piètres histoires décalées. Ils débitent des âneries quand leur esprit se promène ailleurs. Ils font de grosses bêtises au moment où on ne les attend pas. Quand ils engagent une discussion au milieu du groupe, ils agissent comme de grands dadais attardés. Ils déraillent et racontent des énormités qui déclenchent le fou rire devant la foule. Nous vivons une époque stupide.
« Er’djel tahdar âla khyoul ha, ou Kaddour yehdar âla h’marou » (quand les hommes parlent de leurs étalons, Kaddour parle de son âne), nous rappelle l’expression populaire. C’est vrai qu’il faut un peu de tout pour faire fonctionner ce monde absurde. Ces dérangés sont bizarres, ils manquent d’intelligence. Ils sont imprévisibles et il n’y a pas de garde-fous pour les empêcher de parler et de faire des bêtises. Ces zinzins-là, il y en a beaucoup dans les rues, dans les bureaux et même dans la haute sphère politique. On dit qu’il y a mieux à faire que d’écouter les rêveries d’un autre siècle, que même le carbone 14 n’arrivera pas à déchiffrer. L’intelligence est une substance rare en voie d’extinction qu’il faut protéger contre la fatale ignorance.
Pour avoir une idée sur les exploits de ces faibles d’esprit, il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux ou bien les chaînes satellitaires et d’y jeter un coup d’œil, pour être au courant de la dernière maladresse politique. Il faut avouer aussi que ces personnages sont un régal lorsqu’ils s’invitent pour nous distraire des instants mélancoliques que vit le pays malgré lui. Le territoire ne coule plus de jours heureux comme auparavant, et la vie publique dégage une odeur de renfermé. L’esprit a perdu sa sagesse d’antan et, depuis, la médiocrité a prospéré et s’est amplifiée grossièrement grâce aux grosses bêtises. L’heure est propice aux tarés qui se glorifient au milieu des drapeaux et des grands posters et se jettent des fleurs fanées chargées d’hypocrisie. Les espaces de vie se sont rétrécis soudainement et les petits morveux se font dominants et insultants. Quant au troisième âge, il est toujours insatisfait et refuse de parler d’alternance. Il affiche indécemment son désir fou d’un éternel inassouvi.
Le présent est devenu lourd et ne respire plus la joie qui nourrissait notre bonheur autrefois. L’heure est insolente et la vie n’est pas beaucoup rassurante. Les serviles sont sur le qui-vive dans ces moments de razzia. L’amitié n’est plus chaleureuse comme hier, elle est occupée à faire et défaire les affaires scabreuses. Dans notre langage populaire, on désigne ces extravagants de « kherrara » qu’on trouve dans les souks hebdomadaires. Des moins que rien qui parlent sans limite et qui n’ont aucun sens de la retenue. Ils blessent et provoquent gratuitement leur prochain uniquement par instinct malveillant. C’est toujours eux qui ont raison et les autres ont tort. Entre les actifs et les passifs, c’est une guerre de générations.
Ainsi va la vie chez Kaddour, le propriétaire de son âne, qui ne voit pas ses défauts, mais ceux des autres. Quand il dit des choses, c’est pénible pour les entendeurs malchanceux qui l’écoutent. Il serait plus judicieux de ne pas faire de politique, lorsqu’on est né sous une mauvaise étoile…
H. D.
One thought on “Kaddour, le propriétaire de son âne”
« Er’djel tahdar âla khyoul ha, ou Kaddour yehdar âla h’marou » (quand les hommes parlent de leurs étalons, Kaddour parle de son âne), nous rappelle l’expression populaire.
C’est tristement vrai. Surtout avec l’ouverture de l’espace virtuel qui a mis à nu les insuffisances criardes de ces aliénés mais qui se prennent paradoxalement pour des maestros.