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Revue algérienne de la santé : un premier numéro en arabe … et un tournant pour la médecine en langue nationale

Par ADEL MESSAOUDI

L’Algérie marque un tournant dans la vulgarisation scientifique et médicale avec la parution, ce jeudi, du premier numéro de la Revue algérienne de la santé. Publiée en arabe, cette revue de 66 pages se distingue par son approche inédite : allier rigueur scientifique et richesse linguistique, tout en rapprochant la médecine du grand public. Fruit d’une collaboration entre médecins et linguistes, elle se veut à la fois un outil de sensibilisation sanitaire, un espace d’expression culturelle et un vecteur de valorisation de la langue arabe dans le domaine médical. Cette initiative traduit une volonté claire de démontrer que la médecine peut être enseignée, comprise et diffusée efficacement en langue nationale, au bénéfice de l’ensemble des citoyens.

Placée sous la direction d’un collectif d’enseignants universitaires et de médecins, exerçant aussi bien en Algérie qu’à l’étranger, la revue réunit 20 contributions abordant diverses problématiques liées à la médecine et au langage. Elle se distingue également par une ouverture sur des expressions culturelles et artistiques, à travers des caricatures, une rubrique poétique et des pages consacrées à l’art de la calligraphie arabe, renforçant ainsi son identité à la fois scientifique et culturelle.

S’adressant à un public large et non exclusivement académique, la Revue algérienne de la santé ambitionne de simplifier les savoirs médicaux, de renforcer la culture sanitaire et de promouvoir l’usage de la langue arabe dans le champ médical, tout en veillant à la rigueur terminologique et à la qualité du discours scientifique. Chaque numéro accordera un espace dédié aux étudiants en médecine, appelés à participer par des contributions en lien avec leur domaine de formation. La ligne éditoriale inclut également des articles libres, des présentations de projets médicaux innovants, ainsi qu’une rubrique de traduction d’articles scientifiques récents issus de différentes langues vers l’arabe, notamment dans le domaine de l’actualité scientifique. Le deuxième numéro est annoncé pour juin 2026, confirmant une parution semestrielle.

Évoquant la genèse de ce projet éditorial, la docteure Khalfaoui Nezha, directrice de l’Unité de recherche « Réalité de la linguistique et développement des études linguistiques dans les pays arabes » à l’Université Abou Bekr Belkaïd de Tlemcen, explique que la création de la revue découle d’une recommandation scientifique formulée l’année dernière, à l’issue de la célébration de la Journée mondiale de la langue arabe. Cette recommandation avait été adoptée lors d’un colloque scientifique intitulé « La médecine en langue arabe », qui a jeté les bases d’un travail conjoint avec la Faculté de médecine de la même université.

Dans cette dynamique, précise-t-elle, un important travail de structuration a été mené afin de définir les orientations scientifiques, linguistiques et techniques de la revue. Cela a notamment porté sur la constitution de la commission scientifique, consultative et technique, ainsi que sur une coordination étroite avec les équipes de l’unité de recherche en langue arabe et de la Faculté de médecine, en vue de déterminer la nature des sujets publiés et le niveau linguistique approprié, compte tenu du caractère grand public de la revue. La création de cette publication s’inscrit, ajoute-t-elle, dans le cadre d’une convention de partenariat entre l’unité de recherche et la Faculté de médecine, visant à consacrer le principe de l’interdisciplinarité, à démontrer la capacité de la langue arabe à intégrer les sciences et les technologies, et à ouvrir la voie à des projets de recherche communs portant sur des thématiques à la fois sanitaires et linguistiques.

De son côté, le professeur Abdelhafid Bedjaoui, doyen de la Faculté de médecine, a salué l’implication de son établissement dans la naissance de la Revue algérienne de la santé. Il a souligné que cette initiative répond à un besoin réel dans le domaine de l’enseignement médical, la langue arabe ayant longtemps été marginalisée dans ce champ. La convention conclue permettra, selon lui, de produire des contenus médicaux adaptés en arabe et d’inscrire cette démarche dans une logique de complémentarité scientifique. Il a également précisé que la commission éditoriale de la revue est composée de trois médecins et de trois linguistes, disposant de l’autorité nécessaire pour encadrer le fonctionnement interne et les choix éditoriaux.

Intervenant à son tour, le docteur Meguenni Kaouel, chef du service d’épidémiologie et de médecine préventive au Centre hospitalo-universitaire, et ancien doyen de la Faculté de médecine, a qualifié la revue de première publication sanitaire algérienne de ce genre. Il a exprimé l’espoir de voir les médecins à travers tout le pays contribuer aux prochains numéros, indiquant que la revue devrait bénéficier d’un financement universitaire, puisqu’elle sera publiée au nom de la Faculté de médecine en partenariat avec l’unité de recherche. Il a également évoqué le renforcement futur de la coopération autour de plusieurs axes, notamment l’arabisation des thèses de doctorat en médecine et celle des sites électroniques de la faculté.

Enfin, le docteur Mohamed Ghemari, spécialiste en psychologie cognitive, a souligné que l’enseignement de la médecine dans la langue nationale constitue une norme universelle, y compris dans les pays disposant de communautés linguistiques réduites. Selon lui, la médecine, en tant que discipline centrée sur l’humain, requiert une langue capable de rendre les concepts compréhensibles et de décrire avec précision les situations cliniques. Il a estimé que l’exclusion de la langue du champ médical représente l’un des facteurs susceptibles de freiner le processus thérapeutique, alors que l’usage de l’arabe dans les contenus médicaux favorise l’adhésion du patient au traitement et renforce l’efficacité des soins.

A vrai dire, cette première édition marque un tournant historique pour la médecine en Algérie, ouvrant la voie à une diffusion plus large des savoirs scientifiques et à un enseignement accessible dans la langue nationale, au service des patients et des professionnels de demain.

A. M.

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