Le Conseil des ministres vient de décider d’une hausse substantielle du salaire minimum général garanti (SNMG) propulsée pour la première fois de 20%, soit de 20.000 à 24.000 DA. Cette décision visant à coup sûr à relever le pouvoir d’achat des catégories de salariés les plus faibles, n’a pas suscité l’effet attendu, soit une satisfaction de ces dernières, mais plutôt des appréhensions. C’est que dans notre pays, toute annonce de revalorisation des revenus salariaux par les pouvoirs publics est annihilée, parfois même avant son application, par des hausses injustifiées des prix. A savoir que même si les salaires augmentent, le pouvoir d’achat stagne. Ce phénomène est devenu chez nous presque “mécanique” face à de nombreux dysfonctionnements du marché dominé par l’informel. A cela s’ajoute l’indiscipline des commerçants dans l’affichage des prix malgré son caractère obligatoire, une pratique qui persiste en l’absence d’un contrôle des prix permanent. Pour des analyses du marché, « en Algérie, les prix ne suivent pas les coûts : ils suivent les annonces politiques ».
L’inflation par anticipation : réflexe régulier
Dès l’annonce d’une décision de revalorisation salariale, augmentation de l’allocation chômage ou relèvement du point indiciaire, des commerçants s’empressent d’ajuster leurs tarifs. C’est ce qui a fait dire à un commerçant apparemment respectueux de la loi, que « dès qu’on entend qu’il y a une augmentation, les grossistes augmentent leurs prix et tout le monde suit ». Pour des analystes pointus, cette “inflation psychologique transforme chaque mesure sociale en prétexte pour revoir les prix à la hausse, même lorsque les coûts logistiques ou d’approvisionnement n’ont pas changé.”

L’autre dysfonctionnement, est cette insuffisance du contrôle face aux abus de certains, notamment lors des périodes de fortes tensions inflationnistes. Ce phénomène de la spéculation perdure tant perdure l’absence de régulation durable du marché par l’État. “Dans les marchés de gros, où se joue une grande partie de la formation des prix, les hausses simultanées ne sont pas rares. Certaines filières fonctionnent avec très peu d’intermédiaires, favorisant des pratiques proches d’une cartellisation informelle”, souligne un expert.

A cela se joint un système de distribution rigide et vulnérable des produits notamment de première nécessité qui fait que, même pour les produits locaux, les prix sont fortement influencés par les ruptures d’approvisionnement, le manque de stockage et les coûts de transport, juge-t-on. Cette “constante” plusieurs fois pointée du doigt est maintenue à cause de la dépendance même partielle aux importations. De sorte qu’au moindre mouvement du taux de change, les hausses des prix sont annoncées partout, souvent sans relation directe avec les produits concernés.
D’où ce constat inquiétant à savoir que les hausses salariales profitent davantage aux commerçants qu’aux salariés compte tenu de la non maîtrise des prix par les pouvoirs publics, de l’insuffisance des contrôles et de la régulation.
A. M.