PAR ADEL MESSAOUDI.
Septembre 2025, l’Algérie commémore le 180ᵉ anniversaire d’un épisode fondateur de son histoire : la bataille de Sidi-Brahim. Du 23 au 26 septembre 1845, l’Émir Abdelkader et ses troupes infligèrent une défaite cinglante à l’armée coloniale française dans la région de Ghazaouet. Une confrontation qui demeure l’un des plus grands succès militaires du chef de la résistance algérienne, engagé pendant 17 ans dans une lutte acharnée contre l’occupation, à travers 120 batailles face à 118 généraux et cinq rois de France.
La bataille de Sidi-Brahim ne fut pas seulement une victoire militaire. Elle marqua aussi la fin sanglante d’un des plus redoutés bourreaux de la colonisation, le colonel Lucien de Montagnac. Connu pour ses massacres et ses exactions contre les populations civiles, suivant l’exemple des maréchaux Bugeaud, Saint-Arnaud ou Pélissier. Il périt sous les coups des combattants algériens.
Depuis 1844, les autorités coloniales multipliaient les garnisons pour contrôler l’Ouest algérien. Bugeaud avait installé une base stratégique à Maghnia et confié le commandement de Ghazaouet à Montagnac. De Lamoricière, lui, avait érigé une ligne de fortifications de Sebdou à Saïda pour barrer la route à l’Émir. Conscients que ce dernier cherchait à reprendre l’initiative malgré le manque d’armes et de vivres, les Français redoublaient de vigilance.
À l’été 1845, les mouvements des troupes de l’Émir inquiétèrent les commandants français. Ses cavaliers réguliers, bientôt rejoints par des volontaires, campaient non loin de la Moulouya. Le général Cavaignac, basé à Tlemcen, ordonna alors au colonel Péral de renforcer ses positions entre Maghnia et Ghazaouet, tout en alertant Montagnac. Le 22 septembre, ce dernier prit la tête de la 8ᵉ colonne, composée de chasseurs d’Orléans, hussards, artillerie et génie, et marcha vers Sidi Boulenouar, à la veille de l’affrontement.
Dans la nuit, les soldats français quittèrent leur campement, laissant des feux allumés pour tromper l’ennemi. Mais les tribus locales, fidèles à l’Émir, surveillaient chacun de leurs déplacements et signalaient l’avancée ennemie en allumant des brasiers sur les collines. À l’aube du 23 septembre, Montagnac et ses hommes se retrouvèrent face aux cavaliers de l’armée régulière de l’Émir et aux combattants des tribus de Tlemcen, commandés par son khalifa Mohammed Bouhamidi.
La bataille éclata avec violence. Les escarmouches se transformèrent rapidement en affrontements de grande ampleur. Les troupes françaises, encerclées, subirent des pertes considérables. Montagnac, grièvement blessé, continua à donner des ordres jusqu’à son dernier souffle, avant que ses hommes ne soient balayés par les assauts conjoints des réguliers de l’Émir et des moudjahidine venus des tribus environnantes.
Durant trois jours et trois nuits, la supériorité militaire de l’Émir Abdelkader se confirma. Seuls onze soldats français survécurent. La nouvelle de la mort de Montagnac galvanisa les résistances locales et renforça le prestige de l’Émir.
Un siècle plus tard, en 1945, l’administration coloniale érigea un monument en hommage à ses « martyrs » de Sidi Brahim, accompagnant la commémoration de chants militaires célébrant leur prétendue héroïsme. Derrière cette mise en scène, il s’agissait surtout d’occulter la réalité des crimes coloniaux : villages incendiés, populations massacrées, comme les Ouled Riah brûlés vifs dans la grotte de Ghar Frahich près de Mostaganem. Dix ans plus tard, la Révolution de Novembre éclatait, rendant vaine cette tentative de travestir l’histoire.
Sidi Brahim reste gravée dans la mémoire nationale comme une victoire éclatante et un symbole de la résistance populaire à la colonisation. L’Émir Abdelkader, figure de proue de ce combat, y inscrivit son nom en lettres d’or. Après lui, d’autres générations d’Algériens poursuivirent le même idéal, jusqu’à l’indépendance conquise en 1962, au prix du sacrifice d’un million et demi de martyrs.
Gloire aux héros de Sidi-Brahim, gloire à tous ceux qui ont offert leur vie pour que l’Algérie vive libre et indépendante.
A.M.