La wilaya de Sidi Bel Abbes renoue ce soir, à partir de 22h, avec son festival national de la chanson Raï. La 14è édition de cette manifestation artistique et culturelle verra la participation de 23 jeunes artistes venus de différentes régions du pays. L’événement comprendra également une exposition d’arts plastiques intitulée « Zergui Ahmed, une voix immortelle dans la mémoire nationale », des conférences sur l’histoire et l’évolution du Raï, sous le thème « L’histoire du Raï, des cheikhs à la scène internationale », et huit soirées artistiques, réparties entre les wilayas de Sidi Bel-Abbes et Oran (quatre soirées dans chaque wilaya), afin de permettre à un plus grand nombre d’artistes d’y participer.
Évoquer cet art qu’est le raï, c’est parler d’un vaste répertoire qui remonte à plus d’un siècle. Cette chanson a été toujours sujet d’étude par les chercheurs qui ont passé à la loupe l’histoire d’un style musical et poétique ainsi que son ancrage profond au sein de la société algérienne.

Le raï est né dans la région oranaise au début du vingtième siècle. Ce mot prononcé en arabe algérien (Ya rayi ou ya ray), signifie : avis, façon de voir. Les chanteurs utilisaient le raï pour exprimer leurs points de vue sur la politique (contre l’occupation Française), mais aussi contre tous les interdits de la société Algérienne entre autre l’amour, l’alcool, l’amitié et la trahison.
Le raï va évoluer au fil des années en adoptant divers styles qui correspondent à l’époque et à la région, surtout dans l’Oranie, à savoir Oran, Bel Abbes et Ain Témouchent. « Le raï est caractérisé par une langue simple, celle des émotions, des sentiments et du rêve ; c’est-à-dire la langue « eddarija», et des fois un arabe mélangé, dans beaucoup de chansons, avec le français. »
Après l’indépendance, en 1962, le raï commence à se développer dans la région oranaise en intégrant de nouveaux instruments occidentaux à savoir le violon, l’accordéon, la guitare électrique, le saxophone et la trompette. Cet art a évolué pendant des années en marge de la culture officielle, sans encouragement et souvent interdit dans des festivités officielles. Il a fallu donc attendre les années 1980 qui ont marqué le début de l’internationalisation du raï. Plusieurs chanteurs à l’image de Sahraoui, Khaled et Mami s’installent en France pour se produire en public. Le succès du raï en France ouvre la voie à une nouvelle génération d’artistes issus de l’immigration, et cette musique est coupée de son espace originel, à savoir l’ouest avec l’apparition de beaucoup de talents qui se sont spécialisés dans cet art et qui sont originaires de différentes régions du pays, notamment Sétif, Tizi-Ouzou, Alger, Batna, etc.
Les festivals regroupent de nombreux talents, des divas, des stars, des vedettes de cette chanson. S’ajoutent la participation des » Chebs », ce qui démontre qu’aujourd’hui le raï n’est pas seulement un genre musical mais un phénomène social sur lequel les champs d’études se sont développés pour toucher le domaine sociologique, historique et sociolinguistique. De nombreux universitaires se sont intéressées à la langue du raï et surtout au code switching et à l’emprunt au Français.
Le raï comme genre musical qui a suscité beaucoup de polémique avant de s’imposer comme expression artistique d’une jeunesse contestataire, à travers ces chansons et les mots qui n’étaient pas corrigés, s’attaquant dès lors aux problèmes d’amour, l’infidélité, la trahison, etc. soit un moyen de dénoncer et de divulguer le quotidien du jeune et son vécu, ne cesse aujourd’hui de se moderniser grâce aux festivals, les mutations des sociétés etc.
Aujourd’hui, le bassin méditerranéen reste un lieu de rencontre et d’échange culturel. Mais à chaque fois l’on se souvienne et l’on commémore les grands, comme Cheikha Rémiti décédée en 2006 et qui a été la première à réaliser son album, suivi de Cheb Bellemou, Ahmed Zergui Raina Rai etc.
Mohamed Medjahdi