C’est du jamais vu et vécu depuis la création des Nations unies et leurs institutions il y a 80 ans. Les États-Unis dirigés un président ultra-nationaliste proche de l’extrême-droite, n’ont pas hésité à proférer des menaces directes contre les 125 Etats membres de la Cour pénale internationale (CPI) s’ils ne votent pas le retrait des mandats d’arrêt lancés contre le premier ministre israélien et son ancien ministre de la défense pour de présumés crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans l’agression menée contre la bande palestinienne de Gaza.
Ces menaces ont été proférées le 8 juillet dernier par le conseiller juridique du département d’État américain, Reed Rubinstein, devant les délégués de l’Assemblée des 125 États parties de la CPI réunis au siège de l’ONU à New York sur l’examen des amendements relatifs au crime d’agression. « Nous attendons que toutes les actions de la CPI contre les États-Unis et notre allié Israël – c’est-à-dire toutes les enquêtes et tous les mandats d’arrêt – soient abandonnées », a dit ce responsable à l’assistance dans un souci d’intimidation et de démonstration de force. « Si les mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre émis par la Cour, le 21 novembre 2024, contre le premier ministre israélien, Netanyahou, et l’ex-ministre de la défense Yoav Gallant, et si les enquêtes en cours sur les crimes commis dans la bande de Gaza et sur la colonisation du territoire palestinien ne sont pas abandonnées, toutes les options restent sur la table », a déclaré le responsable US dont le pays a été invité en tant qu’Etat non-membre de la CPI.
Depuis le retour à la Maison Blanche il y a sept mois de Donald Trump, le monde assiste mi-amusé mi -médusé, à des déploiements de force d’un dirigeant mégalomane et arrogant lors de ses interventions publiques devant les caméras. On croirait revenir à l’époque du Far West où la loi du plus fort est, comme dirait l’autre, la meilleure.

Il faut rappeler que cinq juges et procureurs ont déjà été mis sous sanctions par les Etats-Unis, qui viennent d’étendre ces mesures punitives à la représentante des Nations unies pour les droits de l’homme en Palestine occupée, l’Italienne Francesca Albanese. « Nous utiliserons tous les instruments diplomatiques, politiques et juridiques appropriés et efficaces pour bloquer les abus de pouvoir de la CPI », a réitéré le responsable américain devant les délégués des 125 pays ayant signé le statut de Rome portant création de cette juridiction internationale.
Cela dit, la session spéciale de l’Assemblée a été convoquée conformément au mandat prévoyant sa tenue sept ans après l’activation de la compétence de la Cour pour le crime d’agression, à la suite de l’adoption de la définition du crime d’agression et des conditions d’exercice de la compétence de la Cour lors de la Conférence de révision de Kampala en 2010, selon un communiqué diffusé jeudi dernier. « La compétence de la Cour en matière de crime d’agression a été activée en 2018 par la résolution ICC-ASP/16/Res.5, après la ratification des amendements de Kampala par 30 États Parties », a-t-on précisé. La même source a ajouté que durant cette session spéciale de trois jours, les délégations ont échangé leurs points de vue sur « la ratification, la mise en œuvre et l’application des amendements de Kampala, en explorant leurs implications pratiques ainsi que l’évolution du paysage de la justice pénale internationale. »
Tout au long des débats, a-t-on souligné, les États Parties ont réaffirmé « l’importance d’un dialogue continu et d’une clarté juridique accrue concernant le crime d’agression, et ont souligné leur engagement indéfectible envers le système du Statut de Rome et la Cour pénale internationale. » L’Assemblée prévoit la convocation d’une session spéciale en 2029 à New York pour examiner la proposition d’amendement déposée auprès du Secrétaire général en avril 2025. Selon le communiqué, la Présidente de l’Assemblée, l’Ambassadrice Päivi Kaukoranta, a salué « l’approche constructive » de tous les participants et a félicité leur engagement constant envers la Cour pénale internationale et son bon fonctionnement.
« Je salue tous les États pour leur engagement constructif et leur attachement à la prise de décision par consensus, une marque distinctive du fonctionnement de l’Assemblée des États Parties. Je salue également l’engagement ferme de tous les États à continuer de travailler ensemble pour renforcer le système du Statut de Rome dans le but d’assurer une protection à toutes les victimes de crimes internationaux. » C’est dire que les 125 Etats membres de cette institution ne semblent nullement intimidés par les menaces d’où qu’elles viennent.
A. M.