Plusieurs corps de migrants ont été retrouvés pieds et poings liés au large des Baléares ces dernières semaines, poussant la Garde civile espagnole à annoncer l’ouverture d’une enquête pour homicide involontaire par des passeurs, a rapporté le site InfoMigrants. L’enquête vise à identifier les victimes et à élucider les circonstances de leur décès, a précisé cette source. Un porte-parole de la Garde civile a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) que « l’enquête en cours vise à déterminer l’identité des victimes et les circonstances de leur décès », suggérant qu’il « s’agit probablement de migrants tués lors de leur traversée en mer à bord de bateaux au départ d’Algérie ».
Le journal local El Diario de Mallorca rapporte que la Garde civile espagnole a retrouvé « au moins cinq corps depuis la mi-mai, pieds et poings liés. Le premier de ces corps a été découvert le 18 mai, après qu’un navire belge les a repérés à l’ouest de Formentera, la plus petite île de l’archipel des Baléares, en Méditerranée. »
Bien que stationné aux îles Canaries, le patrouilleur Rio Segura de la Garde civile s’est rendu sur place et, après deux heures de recherche, a retrouvé le corps flottant dans l’eau, pieds et poings liés et portant un gilet de sauvetage orange. Il a ensuite été transporté vers le sud de Formentera, a ajouté le site. Plus tard, un autre corps a été retrouvé dans des circonstances similaires, avant que des scènes similaires ne se reproduisent les semaines suivantes, portant le nombre de corps retrouvés à cinq, a-t-on indiqué. Les enquêteurs pensent que ces migrants ont été ligotés et jetés à la mer à la suite de conflits avec les passeurs, dans ce qui semble être des « meurtres prémédités ». Une version qui se produit souvent dans les traversées clandestines en Méditerranée.
Marga Bruhins, présidente régionale des îles Baléares, citée par les médias, a déclaré qu’il s’agissait du « visage le plus cruel » du trafic de migrants, dénonçant la « mafia qui profite des tragédies humaines ». Les procédures suivies sont similaires à celles utilisées pour les morts violentes : les corps sont examinés par des agents de la Garde civile et des médecins légistes, des empreintes digitales ou des échantillons d’ADN sont prélevés, puis une enquête est ouverte pour déterminer l’identité et les circonstances du décès, a-t-on relevé.
Plus de 500 migrants morts en 2024
L’ONG espagnole Caminando Fronteras a recensé plus de 500 personnes mortes en 2024 sur la route migratoire entre l’Algérie et la péninsule ibérique ou les îles Baléares. Ce chiffre fait de cette traversée de la Méditerranée la deuxième plus dangereuse pour l’Espagne, après la traversée de l’Atlantique depuis les îles Canaries, a encore indiqué InfoMigrants. Cette source a recueilli des témoignages sur les dangers de cette route et sur la façon dont les passeurs exploitent les besoins et la vulnérabilité des migrants. Parmi eux figure Youssef*, qui, début 2020, n’a jamais atteint sa destination à Alicante (sud-est de l’Espagne). Après seulement cinq kilomètres en mer, raconte-t-on, son bateau a chaviré, et une altercation verbale avec le conducteur a provoqué le chavirement. Son cousin a raconté : « Tout le monde est tombé à l’eau, y compris une famille avec une fillette de six ans et un bébé. » Les garde-côtes algériens ont été prévenus, mais le lieu du naufrage était erroné. Les migrants, qui ne portaient pas de gilets de sauvetage, ont attendu près de six heures en mer, pendant lesquelles Youssef a aidé la petite fille à grimper sur un réservoir de carburant flottant. Mais lorsqu’un groupe de jeunes hommes, au courant du voyage du bateau, arriva, il était trop tard. Le bébé et sa mère furent retrouvés morts, tandis que Youssef et deux autres passagers avaient disparu, et leur sort reste inconnu.
R. I.