L'Algérie de plus près

« Les Algériens en France, une histoire de génération » : de la bande dessinée au documentaire historique

Par Nour El Houda Benderdouch*

Comme médium littéraire, la bande dessinée a toujours constitué un moyen d’expression artistique qui ne cesse de dire et d’éclaircir les vérités de l’Histoire. À travers une articulation de dessins significatifs et d’images polyphoniques, le « neuvième art » renoue constamment avec le cinéma ou le « septième art » pour dévoiler des réalités multiples à l’aide d’une panoplie d’adaptations expressives. Le passage de la mise en image à la mise en scène repose premièrement sur des rouages et des techniques qui participent à la conception d’une trame polysémique à partir de séquences narratives. En voulant traiter certains aspects du passé historique, les bédéistes se sont essayés à faire du support iconique un vecteur de vérités fulgurantes en rapport avec des faits complexes. C’est le cas de l’historien Benjamin Stora et le dessinateur Nicolas Le Scanff qui se sont arrêtés sur la question de l’immigration des Algériens en France pendant et après la guerre dans leur bande dessinée : « Les Algériens en France, une histoire de génération » publiée en septembre 2024. En alternant phénomène migratoire et phénomène colonial, Stora a essayé de représenter ses travaux en rapport avec la guerre et ses effets à travers des images plurivoques qui résument l’Histoire coloniale et postcoloniale de l’Algérie.

De ce fait, ce document iconique permet de montrer dans quelle mesure la scénarisation voire l’adaptation de cette bande dessinée en film documentaire rend possible la pérennisation de la mémoire historique qui lie les deux pays, à savoir l’Algérie et la France. Donner voix à des images et des silhouettes implique de rendre plus visibles des faits inhérents à ce phénomène de l’immigration qui se situe au centre de la réflexion des historiens et qui ne cesse de s’amplifier depuis bien longtemps. Dans cette veine, le retour fréquent à ce sujet délicat invite à réfléchir à l’impact de la BD et du film documentaire sur la médiatisation du réel. Naviguer entre bande dessinée documentaire et film n’est pas une tâche anodine dans le sens où elle exige de porter une attention particulière aux subtilités d’un langage mixte qui participe à l’éclaircissement des coins sombres du passé. Il sied de dire que le renforcement des liens entre deux vecteurs historiques, sociaux et culturels s’intègre dans une perspective de redynamisation des mémoires blessées. À cet égard, l’adaptation cinématographique des BD historiques se conçoit comme une activité pluridimensionnelle qui fait des clichés et des valeurs idéologiques un pont vers la reconstitution d’une vision plurivoque que les historiens, les bédéistes, les caricaturistes et les cinéastes projettent continuellement sur l’Histoire prolifique de l’Algérie.

N. E. H.

*Enseignante à l’université de Chlef

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