Beaucoup d’enfants n’auront pas d’habits neufs pour cet Aïd, en premier les enfants issus de familles n’ayant pas de revenus suffisants. Notre reporter qui a fait le tour des magasins de prêt-à-porter du centre-ville de Chlef a rencontré des pères et des mères de famille qui se plaignent des prix excessifs des vêtements. Les commerçants, quant à eux, pointent du doigt les importateurs.
Cette année, les prix des vêtements et habits pour enfants se sont envolés de manière inexpliquée. À Chlef, pourtant réputée pour être une ville « pas chère », le moindre vêtement a vu son prix s’afficher au double, voire au triple par rapport à l’année dernière. Cette subite augmentation constatée depuis le mois de janvier dernier, s’est répercutée de manière négative sur l’activité des commerçants. L’un d’eux, ayant pignon sur rue à la cité Ruiz, explique que depuis le début l’année, les ventes ont pratiquement stagné. « Les clients font le tour des étals, réfléchissent un moment puis ressortent sans rien acheter », ajoute-t-il.
Chez Hakim, dont le magasin est situé en plein centre-ville, les clients sont timorés, très peu d’entre eux s’empressent d’effectuer des achats comme à l’accoutumée.
« Je comprends bien leur attitude, moi-même étant père de plusieurs enfants. Si vous prenez le cas d’un citoyen de condition modeste, qui plus est ayant à sa charge des enfants et des parents, il est évident qu’il ne va pas faire de folies, même au risque de se soustraire au rituel de l’Aïd El Fitr, connu pour être la fête des enfants. » Le commerçant reconnaît en effet que « le minimum à débourser pour habiller un enfant de moins de 24 mois est de 6000 DA, et pas moins. »
Auparavant, rappelle-t-il, pour la même somme, il était possible d’habiller des enfants de 8 à 16 ans, chaussures comprises. « Cette année, il faut dépenser plus de 8000 DA pour avoir le minimum, soit une tenue sans les chaussures. » Et de préciser que l’achat d’une tenue de bonne facture pour un enfant de 6 an dépasse les 9000 DA.
Beaucoup de commerçants de prêt-à-porter, qui représentent plus de 35 % des commerces de détail situés en ville, savent qu’ils ne réaliseront pas un gros chiffre d’affaires vu la faible affluence de la clientèle. L’un d’eux avoue : « D’habitude, du premier au dernier jour du ramadan, mon magasin ne désemplit pas et, pour satisfaire la clientèle, j’étais dans l’obligation de recruter deux vendeurs occasionnels. » Plus pour le moment où cette récession passagère le contraint à ne pas ouvrir son commerce après le f’tour.
À en croire d’autres, le phénomène est aussi perceptible au niveau des marchés de gros où les détaillants n’effectuent plus de gros achats. Les prix de gros les en dissuadent. Du coup, la plupart prèfère emporter quelques cartons de vêtements usinés à l’étranger (Chine, Turquie), beaucoup moins chers que les produits fabriqués localement, et se contenter d’une marge bénéficiaire infime. Façon de ne pas demeurer inactifs.
Des ménages très éprouvés
Rencontré dans un magasin de vêtements pour enfants au centre-ville, Mohamed, retraité, estime que « dans l’ensemble, les prix des vêtements sont trop élevés, excessifs… En ce qui me concerne, je suis dans l’embarras vu que je n’ai pas les moyens d’acheter de nouveaux habits à toute la famille. Je plains les gens dans ma situation qui ont plusieurs enfants. » Mohamed avoue avoir déboursé 13 000 DA pour offrir des tenues à ses trois enfants. « Et je ne leur ai pas encore acheté de chaussures et de chaussettes ! Je souhaite du courage à ceux qui ont en plusieurs et qui n’ont pas suffisamment de rentrées d’argent. »
Sur les les mêmes lieux, nous avons abordé Fatima Zohra, femme au foyer, accompagne sa fille aînée qui cherche à acheter des vêtements pour ses deux enfants en bas-âge. « On a fait pratiquement tous les magasins du centre-ville, dit-elle, mais les prix sont trop élevés, il y a une flambée incroyable. Une tenue pour un enfant d’un an peut dépasser les 6700 DA. Pour mes deux petits-enfants, ça va chercher dans les 16000 DA. Pour le moment, ma fille ne peut faire un tel sacrifice. »
Menouer Aït Saada