Par Rachid Ezziane
Un roman qui se lit d’un trait sur la vie du poète Jean Sénac. Certes, la biographie du poète qui signait avec un soleil, est romancée, avec des touches fictionnelles, mais le style qu’emploie l’écrivain Hamid Grine pour ce long voyage biographique (322 pages) est d’une telle teneur littéraire que les puristes ne s’en lassent pas en visitant les méandres de ce poète « montré du doigt », voire « mal aimé ». Personnellement, à la fin de la lecture, je suis sorti avec un avis différent sur le poète que celui d’avant la lecture.
Le roman commence avec le blues d’un écrivain en mal d’inspiration qui reçoit un message sur sa page Facebook. Le message provient d’un ancien ami qui vit en Italie. L’ancien ami fait savoir à l’écrivain Farid qu’un couple d’universitaires italiens, Claudio et Gina, avaient lu son roman sur Camus et voudraient faire sa connaissance…
L’universitaire italien débarque à Alger sans sa femme. Il fait savoir à Farid qu’elle est malade, et même condamnée. Il ajoutera qu’il est venu spécialement de Turin à Alger juste pour réaliser le vœu de sa femme et qui consistait à suivre les pas du grand poète Jean Sénac. C’est à partir d’un vers, tiré du poème « L’homme ouvert » de Sénac et dont Gina, la femme de l’italien, était tombée sous le charme qu’avait commencé son intérêt pour le poète algérien. Le vers disait : « Comme on l’empêchait de vivre / il se fit poème et se tut. »
Alors, chez l’écrivain en mal d’inspiration, se réveilla l’envie de connaitre « à fond » le poète, celui-là même qu’on disait de lui qu’il était homo… et qu’il ne savait de lui que quelques renseignements superficiels. Les deux hommes, l’écrivain Farid et l’universitaire italien vont suivre, pas à pas, les traces du poète Jean Sénac, partout dans Alger et jusqu’au cimetière où il est enterré. Ils feront des rencontres singulières avec des personnes qui avaient connu ou côtoyé Sénac. A travers ses rencontres, le lecteur découvrira le véritable poète. Son humanisme. Son talent de poète. Sa fragilité. Surtout son amour pour l’Algérie et son peuple. Mais plus que tout, le lecteur découvrira, (ou redécouvrira, c’est selon,) la belle plume de Hamid Grine.
Le titre du roman est lui-même tiré d’un poème de Jean Sénac qui, juste quelque temps avant son assassinat, se voyait marginaliser par ses plus proches amis et confrères. Et il était au courant de ce qui se disait dans son dos, d’où son poème On dira de toi…
Avec ce roman biographique, Hamid Grine a su donner au poète sa juste place dans la sphère des hommes de lettres malgré les plus folles rumeurs et autres mesquineries à son encontre…
R. E.
« On dira de toi » de Hamid Grine, Editions Dalimen, Alger 2023.