Par Mohammed Koulal*
C’est en apparence seulement que les êtres humains nous paraissent doux et qu’il est bon de les avoir près de nous. Dans la réalité, ce sont des pierres aux angles aigus qui blessent dès qu’on les heurte.
En narguant les sages et les hommes d’expérience et en voulant surtout les impressionner par leurs richesses et possessions matérielles, les têtes vides font montre en réalité qu’ils n’ont de respect ni pour le savoir ni pour le monde fabuleux de la connaissance. Tels qu’ils se comportent, ils entendent imposer leur « existence » par leur arrogance. Ne dit-on pas que les têtes vides sont plus dangereuses que les têtes nucléaires ?
Les chercheurs proposent une approche psychanalytique de l’arrogance, considérée à la fois comme une pathologie du narcissisme et comme le révélateur des sentiments de domination. En plus de leur vanité et orgueil, ils ont le besoin d’écraser l’autre pour sentir qu’ils existent. C’est une pathologie qui a ses motifs émotifs et subjectifs mais qui exclut la raison. L’arrogant détenant le pouvoir devient un être redoutable car son but est de dominer même s’il n’a pas la capacité et la clairvoyance de gérer, alors qu’il y a nombre d’hommes et de femmes plus compétents, plus sages et plus perspicaces. Ce genre d’individus n’est pas uniquement orgueilleux mais plutôt narcissique dans le sens pathologique du terme. Mais l’énigme réside dans le fait qu’il réussit à s’imposer comme acteur incontournable dans notre société bien que qu’il soit perçu comme « outrage » à la raison et « défi » à l’intelligence collective.
En effet, l’arrogance est une des caractéristiques que les sociétés arriérées, telles la nôtre, valorisent et récompensent, très particulièrement dans le domaine politique. La majorité des gens qui se précipitent à vouloir occuper un poste électif ne sont pas, pour autant, les « meilleures têtes » bien au contraire, elles sont dépourvues de principes moraux et respect envers autrui. Elles s’inspirent des enseignements du livre « Le prince » de Machiavel, alors qu’elles ne l’ont pas lu. Qu’il s’agisse de gagner plus de voix dans les votes, plus de clients dans les activités commerciales, les arrogants ne sentent nullement concernés par le tort qu’ils causent à ceux qu’ils ont laissés « à la traîne ». Leur but est d’obtenir ce qu’ils désirent, peu importe le drame qu’ils peuvent causer à la société.
Des études psychologiques ont démontré que l’arrogance reflète une qualité interpersonnelle combinée à un désir puissant et presque incontrôlable de dominer les autres. On ne peut donc qu’être frustré et souffrir de l’arrivisme et du besoin maladif de domination de l’arrogant.
Une confiance aveugle en ses capacités de nuisance
Vouloir gagner avant tout et par-dessus tout ? Pour les arrogants, cela signifie agir en combinant narcissisme, agressivité et voracité pour saisir toute opportunités qui leur permet d’écraser ceux qu’ils considèrent comme leurs concurrents, voire leurs ennemis, peu importe les moyens à utiliser.
Ce que j’ai pu constater ces derniers jours, c’est qu’en plus de son désir de dominer, l’arrogant a une sorte confiance « sure » dans sa capacité à gagner. Son comportement dans notre société est identique à celui des enfants qui pensent détenir plus de savoir que les adultes alors qu’ils ne font rien d’autres que d’édifier des châteaux où ils cachent leurs craintes et leurs doutes.
Il y a lieu donc de considérer l’arrogance comme une folie de domination nonobstant l’incapacité surtout intellectuelle voire comportementale de l’arrogant. Un ignare qui veut enseigner la philosophie aux philosophes sans se rendre compte qu’il est la risée de la masse. L’arrogance se découvre sous différentes réalités dont on ne peut cerner tous les aspects. Elle est l’absence de la raison, elle opte pour le déraisonnable et l’irrationnel, tant elle veut gérer celui qui lui est supérieur du point de vue moral et intellectuel. L’arrogance déroge aux normes morales.
L’arrogant, le narcissique, le psychopathe en un mot le fou, n’a d’influence que sur les faibles d’esprit qui l’entourent. Le reste de la société, gouverné par la raison et la sagesse, lui est hermétique, il ne peut le corrompre car il est impuissant intellectuellement. Son « savoir » est primitif face à celui de l’homme de raison et de sagesse.

Autrement dit, le rôle de la société est d’écarter l’arrogant de la sphère des décisions qui engagent l’avenir des individus car, de sa présence, il ne découlera qu’anarchie, corruption et malaise socio-professionnel inextricable.
Pourquoi ? L’arrogant ne se justifie pas du fait de l’idiotie qu’il incarne dans son raisonnement, il ne peut se référer aux intellectuels, ni même se comparer à eux puisqu’il est considéré comme sa bassesse d’âme fait qu’il ne sera jamais capable d’une action belle et généreuse. Son incapacité intellectuelle, il la compense par son apparence extérieure (belles tenues vestimentaires, voiture rutilante, maison fastueuse…) tout en ayant cette capacité unique à s’afficher en compagnie des notables et des prétendus « puissants » de la cité pour gagner la sympathie de la communauté qui, de son côté, lui manifeste en vérité mépris et manque de considération.
L’arrogance et le narcissisme relèvent d’une pathologie ayant fait l’objet de quantités d’études par la psychologie moderne. En effet, le premier est le résultat du second. Le narcissisme est l’amour qu’une personne a pour elle-même, l’attention excessive portée à soi ; ainsi cet amour en soi devient trop important et aura tendance à interpréter la réalité en fonction de sa propre personne. L’individu est très centré sur lui-même et a constamment le besoin d’être le centre d’attention des autres. Cette personnalité se caractérise donc par des troubles de la personnalité et du rapport des autres, elle exprime peu d’empathie envers la communauté.
Condamnable même en religion
L’arrogance est condamnable en Islam. En effet, il est dit : « Celui qui méprise son frère car il se considère comme plus instruit, plus sage ou plus doué que lui, est arrogant. Il l’est car au lieu de considérer Dieu comme la Source de toute la sagesse et les connaissances, il se prend pour une personne de conséquence. Dieu n’a-t-il pas le pouvoir de le rendre mentalement malade et d’accorder une connaissance, une sagesse, une dextérité supérieures à son frère qu’il considérait inférieur ? De même est arrogant celui qui pense à son statut et à ses biens pour mépriser son frère malgré qu’il sait que Dieu Qui lui a accordé ce statut et cette grandeur. »
L’arrogance est l’art d’être fier de sa stupidité. Il est donc nécessaire de se positionner vis-à-vis de cette pathologie et avoir confiance en soi car les gens confiants agissent à partir d’un état psychologique autrement que celui des arrogants. En effet, les gens confiants se considèrent comme capables et sociables ; ils sont authentiques tout en sachant avoir des défauts. Défauts qui le les empêchent pas d’être en harmonie avec eux-mêmes. Ils savent qu’ils ne peuvent être aimés par tout le monde et ils l’acceptent. Quant aux arrogants, ils se voient aussi capables que parfaits. Ils pensent être supérieurs à tous les autres êtres, et croient que tout le monde est obligé de les aimer : mentalité exagérée générant un comportement social exagéré. Leur manque d’estime de soi laisse deviner leur complexe d’infériorité. En agissant comme s’ils étaient parfaits, ils souhaitent attirer l’attention sur eux et obtenir ainsi une reconnaissance sociale.
La distinction entre les arrogants et les confiants se résume en ces points :
Les confiants sont amicaux et disposés à discuter à diverses personnes, peu importe leur niveau et la classe sociale à laquelle elles appartiennent. Au contraire, les arrogants choisissent les personnes en se basant sur les traits de surface tels que les apparences et la symbolique.
Les confiants aiment parler et écouter, ils cherchent à comprendre les autres. Les arrogants parlent trop et n’écoutent pas : la conversation est tout à leur sujet.
Les confiants complimentent les autres, les arrogants critiquent, se moquent ou mettent les autres dans des situations gênantes pour se sentir supérieurs.
Les confiants ressentent souvent des remords quand ils se rendent compte qu’ils ont blessé les autres et tentent de le montrer ; les arrogants mentent et manipulent.
Les gens se doivent de connaître le comportement dangereux et prétentieux des arrogants qu’on peut trouver partout. Ils se découvrent surtout lors des élections politiques ou professionnelles. Il faut les considérer comme dangereux car le pouvoir entre leur main est redoutable. En politique, ils se distinguent en tant que dictateurs et despotes. Dans les milieux socioprofessionnels, ils symbolisent l’ingratitude et la méchanceté gratuite.
En conclusion, aux gens doués de sens de laisser le cœur sentir et le cerveau raisonner afin d’aboutir au juste pour le bien de tous.
M. K.
*Avocat à la Cour de Relizane
Agréé près la Cour Suprême et le Conseil d’État