Enfants, on attendait avec impatience cette nuit de Yennayer ou « El aâm » comme on l’a toujours appelé. Le papa nous achetait « El m’khalat » ou « draze. » Je me rappelle très bien qu’il nous avait expliqué que le mot « draze » venait de l’adjectif « treize » qui voulait dire que ce mélange de friandises devait impérativement être constitué de treize produits. D’où l’appellation « draze » ou « el m’khalat » !
La maman, quant à elle, nous préparait un très bon couscous avec du poulet et c’était surtout « El m’khalat », le mélange de friandises, qu’on attendait avec impatience. En effet, une fois le diner terminé, place au partage de ce précieux m’khalat où chacun recevait sa part. C’était des bonbons, des gaufrettes, du chocolat, des cacahuètes, des amandes, du halwat etork, des figues sèches… et des fruits de saison ! C’était une véritable fête. On recevait d’un seul coup l’équivalent de tout ce qu’on pouvait acheter le long de l’année et on était très heureux. Chacun se débrouillait un petit sachet pour y mettre sa part et la cacher car on ne pouvait pas tout manger. Souvent, on ramenait cette part avec nous à l’école question de se vanter devant nos camarades. On dormait avec notre part sous l’oreiller et gare à celui qui dormait le ventre creux car il risquait la faim durant toute l’année et à l’inverse celui qui dormait repu n’aura jamais faim durant toute l’année c’est ce que nous disaient nos parents en nous racontant cette fameuse légende de « Lamassa », cette fameuse femme qui allait venir la nuit nous touchait le ventre pour voir et s’assurer à ce que chaque enfant ait bien mangé et, au fond, on avait effectivement peur et on essayait de bien manger au risque d’être réprimandé par cette fameuse « Lamassa » (celle qui touche).
Notre part de M’khalat nous tenait bien quelques jours jusqu’à épuisement total.
Tous les habitants fêtaient cette nuit sans exception et surtout sans préjugés quelconques. Personne ne disait que c’était la fête de telle ou telle catégorie de personnes. Personne n’osait interdire quoi que ce soit. Bien au contraire, tout le monde trouvait un plaisir à la célébrer ! Que c’était beau « El aâm » d’antan ! Ya hasrah…
Personnellement, je continue à célébrer « El aâm » avec mes enfants et à perpétuer cette tradition qui fait partie de notre précieux patrimoine, n’en déplaise aux opposants qui nous sont sortis de je ne sais où !
Rabah SAADOUN