Le Dr Tami Medjbeur, médecin légiste, est né en 1926 dans un village de la vallée du Chélif et mort en 2005 à Oran, après y avoir exercé toute sa carrière durant. Il est l’auteur de plusieurs romans dont « Le fils du fellah », un ouvrage écrit en prison en 1958 et publié en 1961 aux « Éditions du Scorpion », qui a littéralement subjugué Slimane Cherifi, poète et auteur de Mascara, tout comme ceux qui ont lu attentivement ce fabuleux roman. Les nombreux faits historiques, les anecdotes sur la vie paysanne dans la plaine du Chélif et les drames, nombreux, qui s’y sont déroulés n’ont pas été sans provoquer un déclic chez M. Cherifi qui décida de traduire Le fils du fellah en arabe afin d’offrir au lectorat arabophone ce chef-d’œuvre de la littérature algérienne, malheureusement peu connu du public algérien. Le traducteur nous en parle avec plus de détails, écoutons-le.
Le Chélif : Tout d’abord, qui est Slimane Cherifi ?
SlimaneCherifi : Je suis né à Mascara le 2 août 1953 ; j’ai appris le Saint Coran très jeune en suivant en même temps mes études primaires à l’école de Bab Ali et secondaires au lycée Djamal Eddine El Afghhani où le regretté Dr Tami Medjebeur a suivi ses études. Je suis diplômé en Sciences Economiques à l’Université d’Es Senia (session juin 1976), j’ai rejoint le Service National entre 1976 et 1978, c’est cette dernière année que j’ai été recruté en qualité de directeur financier à la caisse nationale des assurances sociales (CNAS) de la wilaya de Mascara avant d’être affecté à Béchar (1081), Tiaret (1984) et El Bayadh (1988) en qualité de directeur d’agence. J’ai pris ma traite à Mascara en 2012. J’ai commencé à écrire des recueils poétiques au début des années 1970. J’en ai édité plusieurs, Ma dernière œuvre est la traduction du roman de feu le Dr Tami Medjebeur « Le fils du fellah »,
Vous venez de traduire du français vers l’arabe « Le fils du fellah », un roman paru en 1961. Comment cet ouvrage s’est-il retrouvé entre vos mains et pourquoi avez-vous décidé de le traduire ?
C’est grâce à la naissance d’un club culturel dans la maison de jeunes « les frères Lazaar » de la ville Boukader piloté par notre illustre poète Tayeb Kerfah qui a eu l’excellente idée de le baptiser au nom du Dr Tami Medjebeur natif de la région. Ensuite, la famille du défunt qui a été mise au courant par M. LAIB Ali, s’est empressée d’offrir des exemplaires du magnifique roman « le fils du fellah » au Club qui porte son nom. Début juillet 2023, après avoir participé au 40ème jour de mon défunt frère Hadj Ahmed, j’ai rendu visite à M. Kerfah qui m’a remis un exemplaire du roman en question pour lecture et impression afin de les présenter l’après midi du 11 novembre 2023 à Boukader dans le cadre d’une journée d’étude intitulée : « Fenêtre sur un livre » organisé par le club littéraire « Dr Tami Medjebeur » en compagnie de MM. Sahla Noureddine, Meddah Abdelkader et Khaled Ali ElOuahed.
C’est justement suite à la réussite de cette journée culturelle que j’ai informé l’assistance de mon souhait de traduire ce prodigieux roman en arabe pour permettre aux lettrés arabophones d’apprécier cette grande œuvre. En février 2024, alors que je venais de terminer ce fabuleux travail, j’en ai informé M. Kerfah qui a été on ne peut mieux agréablement surpris par la nouvelle. Il n’a pas tardé à en exprimer sa grande satisfaction à travers un hommage sous le titre « Slimane Cherifi Ambassadeur du roman « le fils du fellah » du Dr Tami Medjber dans les horizons littéraires ».
Comment avez-vous pu convaincre les éditions « Les Presses du Chélif » à publier cet ouvrage ?
C’était à l’occasion de la 4ème édition du salon national Hassiba Benbouali du livre qu’organise annuellement les éditions LES PRESSES du CHÉLIF depuis 2021 que l’opportunité d’en parler à M. LAIB m’a été offerte. Je lui ai fait la proposition de sa publication par sa maison d’édition en évoquant le problème de l’autorisation de sa famille. Quelle fut ma grande joie d’apprendre qu’il est l’ami de la famille en ce sens que le fils aîné du Dr Medjebeur était son camarade de classe au lycée Lotfi d’Oran. Ça a beaucoup facilité la tâche et la suite, on l’a vue au SILA 2024.
Différents thèmes sont abordés dans « Le fils du fellah », entre autres l’amour impossible entre un jeune fellah et sa cousine, la crue centennale de l’oued Chélif qui a provoqué une terrible disette dans toute la région et, surtout, la description de la vie sociale de l’époque (fin des années 1940-début des années 1950). Selon vous, en quoi ce livre pourrait intéresser le public arabophone ?
De par l’histoire de cet amour impossible entre Khaled et sa cousine Zoubida, il reste le côté captivant du récit en temps que véritable référence historique sur la vie des habitants de cette région rurale par excellence, ajouté à l’impétueux fleuve, « l’ogre des oueds », ce qui peut intéresser à mon avis le lecteur arabophone c’est précisément le triste témoignage sur la vies des pauvres bougres et surtout la dimension anthropologique du roman qui met en évidence leurs us et coutumes, leur façon de vivre contre vents et marées. Aussi, l’ingéniosité, la clairvoyance et, qui plus est, la précision dans la description des moindres détails à telle enseigne que le Dr Medjebeur est une école surtout dans sa manière d’organiser les séquences qui poussent le lecteur à vouloir en savoir plus. D’ailleurs, cet ouvrage mérite à ce titre d’être lu par un bon réalisateur pour le traduire en film absolument fantastique. Et de fait, « Le fils du fellah » se doit d’être adapté à l’écran. Le poème qui couronne cette traduction et qui met l’accent sur les raisons de cet amour impossible, explique le bien fondé de cette histoire romanesque dont la fin brise les cœurs.
Dans sa préface, l’écrivain et poète Tayeb Kerfah, vous présente comme l’ambassadeur du roman « Le fils du fellah ». Avez-vous pensé à programmer des séances de vente-dédicace à travers le pays pour faire la promotion de ce brillant auteur qu’était le Dr Tami Medjebeur?
La première aura lieu certainement à Mascara, au Centre Amal, et à la Bibliothèque principale de la wilaya. D’ailleurs, le Directeur de la culture m’a demandé d’en faire une lecture après le SILA. Je compte quelques exemplaires pour ce faire. La seconde, ce sera à Chlef, plus exactement à la Bibliothèque Principale. Et la suite, on verra.
Avez-vous d’autres projets de traduction en perspective ?
J’ai envie de traduire « Les jumeaux du maquis ». Et comme la famille Medjebeur souhaite la traduction d’un autre ouvrage intitulé « Au pied du mur ou Journal d’un condamné à mort », ce sera avec beaucoup de plaisir. Notre ami éditeur, Ali Laïb, m’a également sollicité pour la traduction de deux de ses ouvrages. Il y a un accord de principe et ce sera fait dès que possible.
Propos recueillis par A. L.