L'Algérie de plus près

Nous n’irons pas à Canossa

Par Rachid Ezziane

Non, jamais. Au grand jamais. Et comme l’avait choisi nos martyrs, Larbi Ben M’hidi, Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali et tous les autres, et en totale adhésion avec notre président, nous n’acceptons pas l’humiliation d’où qu’elle vienne. Encore moins nous mettre à genou. Quel que soit le prix à payer, nous préférons l’honneur à la flétrissure.

Ceux qui connaissent l’histoire savent ce que veut dire l’expression formulée par le président Abdelmadjid Tebboune : « Je n’irai pas à Canossa ». Mais ça ne nous empêche pas de raconter sa genèse. Le 24 janvier 1076, le pape Grégoire VII ayant refusé que les évêques soient nommés par des laïcs, le roi Henri IV, futur empereur germanique, fait prononcer la déposition du souverain pontife par le concile de Worms. Dès le mois de février, le pape réplique en excommuniant le souverain germanique. De peur d’être dépossédé de son pouvoir à cause de cette excommunication, Henri IV revient sur sa décision et part en Italie pour demander au Pape de surseoir à son excommunication.  Rongé par la peur, le pauvre roi, accompagné de sa famille, arrive dans la ville de Canossa, au nord de l’Italie, en plein hiver de l’année 1077. Durant trois jours, le Pape refusera de recevoir le roi. Au quatrième jour, le Pape accepte d’ouvrir les portes de son château et le roi, une fois devant le Pape, s’agenouille devant lui et demande pardon. Le Pape notifie la levée de l’excommunication qui permet au roi Henri IV de triompher sur ses ennemis.

Mais ce n’est qu’en 1872, soit presque sept siècles après, que l’expression devint un « adage » bien ancré dans les mœurs politiques. C’est Bismarck, ministre du royaume de Prusse et puis chancelier d’Allemagne qui, après un litige avec la Papauté reprendra cette expression devant le Reichstag, en disant : « Nous n’irons pas à Canossa ». Depuis, cette expression a été reprise pour désigner le fait de ne pas céder complètement devant quelqu’un et, surtout, de ne pas aller s’humilier devant son ennemi.

Et l’Algérie, par la bouche de son président, vient de déclamer, haut et fort, qu’elle refuse de céder au chant des sirènes. Encore moins accepter l’humiliation par ceux-là mêmes à qui nous avons donné des leçons de bravoure durant tout un siècle. Seul le respect mutuel peut nous faire revenir à la table des négociations. Tout le reste, des Le Pen, Zemmour et consorts, n’est que fuite en avant qui ne fera qu’envenimer encore plus les relations entre l’Algérie et la France. Seul aussi, comme l’a déclaré le président, une lecture objective et effective de l’Histoire peut « adoucir les mœurs » et réécrire une nouvelle page de partenariat… et, pourquoi pas ? d’amitié.

Pour le moment et en attendant que la France s’ouvre sur la vérité, l’Algérie, peuple et nation, n’ira pas à Canossa quoi qu’il advienne. Car, dans cette option « canossiène », il y a plus à perdre qu’à gagner. et les relations entre Etats, comme on le sait depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, doivent être conçues pour le bien des peuples sans distinction d’ethnie ou de culture. L’Occident doit comprendre que le monde a changé et que les hommes, où qu’ils soient, ont droit à une vie décente et au respect…

R. E.

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