L’histoire récente révèle que les élections présidentielles de 2019 ont été reportées à deux reprises (avril et juillet) pour des raisons non précisées. Ce qui permet de formuler des hypothèses comme la pression de la rue où le Hirak était en pleine vitalité, de l’équilibre des forces à l’intérieur du régime voire un consensus sur un candidat ou simplement les conditions techniques de la tenue étaient difficiles à réunir.
Symboliquement, le décryptage de l’organisation d’élections présidentielles anticipées traduirait-il l’idée que le pouvoir n’intéressait pas M. Abdelmadjid Tebboune ? Qu’il se garde toute la latitude de montrer sa réserve vis-à-vis de l’exercice du pouvoir et qu’il remet donc son mandat en jeu plusieurs mois avant l’échéance constitutionnelle ?
D’aucuns ont pensé à un suicide politique, à une démission « constitutionnelle » … ou à un rétablissement à son bénéfice de l’équilibre des forces internes du régime dès lors que son intention de se représenter n’a été annoncé que le 11 juillet 2024, soit presque 04 mois après l’annonce de la date anticipée du scrutin !
Un délai mis à profit qui lui aurait donc assuré une meilleure lisibilité des évènements et une meilleure approximation des courants politiques qui traversent la société. Une opération de communication lui permettant de briller et qui révèlerait par la même occasion son courage politique en donnant l’occasion au peuple de choisir le changement donc un autre président ! Une habile manœuvre politique et un message fort à ses détracteurs puisque l’annonce a été faite suite à une réunion avec le Premier ministre, les chefs du parlement et celui de l’état-major de l’armée ainsi que le président de la cour constitutionnelle : autrement dit, un cadre politique qui rassure sur la cohérence, la force et la légitimité de la décision.
Tout compte fait, l’élection présidentielle qui a tenu le haut de l’actualité depuis presque 6 mois !
Du nouveau à cette occasion présidentielle
16 candidats ont postulé à la magistrature suprême, 3 ont réussi le passage obligé des parrainages, les autres ont été recalés par l’Anie pour vices de fond lors de l’examen de leurs dossiers de candidature. Des doublons et des triplant ont été relevés disqualifiant des candidats concernés.
L’Anie cette fois a innové utilisant des logiciels pointus pour traiter et filtrer les dizaines de milliers de parrainages afin de déceler les doubles ou triples emplois utilisations. Les recours des candidats auprès de la cour suprême ont été rejetés.
On note également parmi les candidats la présence de trois femmes dont Louisa Hanoun, vétéran des élections présidentielles, qui s’est retirée au début. Les deux autres candidates disposent de notoriété avérée. La première est Zoubida Assoul, femme politique, ténor du barreau et avocate de renom, reconnue pour son expertise et sa connaissance de la condition féminine. Entrée en politique en 1994, elle est à la tête du parti « Union pour le changement et le progrès »
La seconde est Saïda Naghza, femme d’affaires qui a la particularité d‘être une self made woman, à la tête de plusieurs entreprises, de la Confédération générale des entreprises algériennes et qui dispose aussi d’une assise à l’étranger voire une réputation et un crédit dans le monde du business.
Les deux candidates, à leur première expérience, n’ont pas pu éviter les pièges des grands rendez-vous et ont été disqualifiées par l’Anie pour un certain nombre de raisons liées à la « sincérité » dans le recueil des parrainages.
Ce qu’il y a d’original
Contrairement à 2019 avec 5 candidats tous ayant été fonctionnels sous le régime de Abdelaziz Bouteflika, il y eut pour cette élection de 2024 seulement 3 dont deux présentant une « virginité » politique et venant de partis exempts de l’alliance présidentielle, le Msp et le Ffs.
Ainsi, il n’y aura pas de lièvres !
Le combat semble inégal entre la machine électorale du candidat Abdelmadjid Tebboune, forte du soutien des 16 partis de l’alliance présidentielle avec leurs importantes assises électorales, des relais administratifs impliqués malgré eux et des médias lourds.
En face le Msp et le Ffs, tous les deux confrontés à une profonde refonte de leurs structures, voire des oppositions internes au sein de leur parti, ne disposent en réalité que de modestes moyens sinon de la vigueur avérée et dynamique de leur militant. Les deux candidats n’ont pas suffisamment de charisme, de notoriété et d’expérience en politique. Pour le Msp, Abdelali Hassani a été introduit suite à beaucoup de tractations dans les instances du parti et, dit-on, suite au désintéressement de Mokri, un habitué de l’arène politique et médiatique pourvu d’un charisme certain.
Le Ffs a présenté Youcef Aouchiche, le plus jeune des candidats, une qualité qui devrait lui permettre de mieux communiquer avec un pays peuplé de 70 % de moins de 25 ans et d’entraîner leur mobilisation vers les urnes !
Mais tous les deux ont ce handicap que représente le charisme des mentors-fondateurs des deux partis, à savoir Hocine Ait Ahmed et Fodil Nahnah, une gageure pour les deux candidats de se surpasser et d’être à la hauteur des visions prospectives originelles.
Y aura-il un afflux de soutien en direction des candidats de ces deux partis à partir d’autres partis, associations et militants des droits de l’homme se réclamant de l’opposition dure et ferme au candidat Abdelmadjid Tebboune ? Ce microcosme nébuleux continuera-t-il de privilégier le no comment ?
Quid de l’abstention
En tout état de cause, la grande inconnue qui est « l’abstention ». Va-t-elle marquer cette fois encore ce grand rendez-vous ? Que représente l’abstention ? Quel est son fondement ? Est-ce une dévitalisation du devoir civique ? Est-ce une forme de déni des politiques et de la politique ? Est-ce parce que les scrutins ne sont pas suivis de changements notables et reproduisent continuellement des promesses jamais tenues ? Est-ce le personnel politique qui n’arrive plus à séduire ?
Aucune étude ni sondage ne sont disponibles pour mettre à nu cette désaffection chronique. Seul le résultat des urnes le soir du 7 septembre donnera du relief à ces questions.
K. L.