La crise politique qui s’observe en France depuis plus de six semaines, intervenue après le refus du président Emmanuel Macron de nommer un Premier ministre issu de la coalition de gauche ayant remporté les législatives de juillet dernier, avec une majorité relative, met en péril la démocratie dans ce pays réputé donneur de leçons en la matière à d’autres pays se situant en dehors du monde occidental dit « libre ».
Le président Macron qui a gouverné son pays depuis sa réélection à la tête de l’État français en avril 2022, avec une majorité relative, et dont les premiers ministres ont eu recours des dizaines de fois, au fameux article 49.3 pour faire passer des lois au Parlement sans vote, ne veut pas admettre de cohabitation avec la gauche, non pas par rejet de cette tendance politique (lui-même était ministre dans un gouvernement de gauche, sous la présidence François Hollande), mais à cause de la présence au sein de cette coalition du parti de Mélenchon, la France insoumise (LFI). Celle-ci, faussement taxée d’extrême-gauche, est devenue le souffre-douleur du microcosme politico-médiatique français à cause de son soutien à la résistance palestinienne et sa franche condamnation du génocide sioniste menée à Gaza depuis près d’un an. Du fait de cette position courageuse et conforme au droit international, LFI est devenue un parti « antisémite » et plus correctement « sionistement » incorrect (excuser le néologisme).
Les observateurs en France et ailleurs, soupçonnent Macron de tenter de diviser la coalition de gauche, dénommée « Nouveau Front Populaire » (NFP), en extirper le Parti Socialiste et débaucher nombre de ses députés pour constituer une coalition regroupant son parti, Renaissance (RE), la droite républicaine (LR), le centre-droit et des élus de groupes divers. De cette manière, le président français pense poursuivre sa gouvernance en nommant un Premier ministre de son clan, sans recourir au système dit de cohabitation qui a fait passer les lois à coups de l’article 49.3 de la Constitution française. Il faut savoir que « pour faire adopter un texte sans vote par l’Assemblée nationale, le Premier ministre peut engager la responsabilité du gouvernement en activant l’article 49.3. Le projet de loi est alors considéré comme adopté si une motion de censure contre le gouvernement n’est pas votée par l’Assemblée nationale. À l’inverse, si une motion de censure est votée, le Gouvernement est renversé ».
Après avoir écarté par deux fois la nomination d’un Premier ministre soutenu par le NFP, le président Macron a poursuivi sa série de consultations avec les responsables de certains partis, des personnalités susceptibles d’être nommées au poste de Premier ministre, mais les partis du NFP ont décliné son offre. Macron qui est connu pour sa proximité avec la droite, vient de trouver un appui attendu de l’ancien président Sarkozy, un des chefs de file des Républicains, qui a appelé ce parti (LR) réfractaire au projet d’alliance avec le chef de l’État, à « assumer la responsabilité de gouverner », dans une coalition de droite. Il a mis en avant le fameux « intérêt supérieur » du pays pour convaincre ses pairs récalcitrants. Le NFR dispose de 193 sièges, suivi de la droite avec 166 sièges sur les 577 sièges de l’Assemblée française. Si le président Macron foule au pied les principes démocratiques en refusant à la coalition venue en tête de gouverner pour lui substituer une coalition numériquement inférieure, ce serait une première dans son pays et un déni démocratique grave. Paris a toujours dénoncé les tentatives vraies ou fausses, de détournement de la volonté populaire partout dans le monde, notamment en Afrique et en Amérique latine, et si Macron continue de s’entêter à nommer un gouvernement issu de la gauche, ces pays auront tout le loisir de dénoncer cette « forfaiture ». On se souvient que lors de l’annulation des législatives en Algérie en 1991, qui allaient propulser au pouvoir un parti islamiste radical (le FIS), Paris, par la voix du président Mitterrand, avait dénoncé une violation de la démocratie et de la volonté populaire. Rien n’empêche Alger en cas de dérapage de l’Élysée dans ce sens, de rendre la politesse aux donneurs de leçons dans l’Hexagone.
A. M.