« Combien faut-il de larmes pour noyer le chagrin d’un amour ? » disait Victor Hugo. « Combien faut-il de larmes pour noyer la nostalgie culturelle, sportive et théâtrale à Ouled Ben Abdelkader ? », diront les gens de cette ville isolée.
Il n’y a pas très longtemps, l’animation culturelle battait son plein à Ouled Ben Abdelkader, en même temps que l’activité sportive et de loisirs. Les gens qui assistaient ou animaient les soirées culturelles à Ouled Ben Abdelkader et qui sont toujours en vie se souviennent des soirées interminables animées par des groupes musicaux venus des quatre coins de la wilaya de Chlef. Parmi eux, le groupe de musique andalouse de Khemis Méliana, les chanteurs de raï de Mostaganem, les groupes de chants bédoui de la région de Chlef et des wilayas limitrophes etc. Les habitants du village savouraient et admiraient le chant de tout genre et les artistes, qui venaient parfois rendre visite à leurs amis à Ouled Ben Abdelkader, profitaient de la convivialité des villageois pour animer des soirées inoubliables.
Cette animation quasi-permanente se passait jusqu’à la fin des années 1980. Les soirées musicales qui se tenaient de temps à autre, pendant l’été en particulier, drainaient des centaines de fans ; en plus des autochtones, les gens affluaient de Boukadir, Oued Sly, Oued Rhiou, Ammi Moussa, Ramka, Souk El Had et toutes les villes de la périphérie. Les autorités locales se faisaient un honneur d’assister aux concerts musicaux et aux représentations théâtrales. On veillait jusqu’à une heure tardive de la nuit, et tout allait à merveille.
Deux bibliothèques… fermées !
Qui se souvient de cette époque que tout monde regrette à Ouled Ben Abdelkader ? Les autorités sont-elles soucieuses de la situation des jeunes et moins jeunes livrés à eux-mêmes qui, à longueur de la journée, passent leur temps dans les cafés en grillant cigarette après cigarette. Selon les propos recueillis parmi les gens du village, « personne parmi les responsables de la mairie ne s’inquiète du sort de ces jeunes qui sont totalement délaissés ».
Délaissés, parce que même les adeptes de la lecture à Ouled Ben Abdelkader et qui se comptaient par dizaines sont privés de leur occupation préférée : les deux bibliothèques, l’une municipale et l’autre rattachée de la direction de la Culture et des Arts, sont fermées ! Les deux espaces culturels disposent d’une riche collection de Beaux livres, d’ouvrages sur l’histoire, d’œuvres littérature et livres spécialisés traitant de différentes sciences. Ceux qui fréquentaient ces lieux peuvent témoigner qu’elles étaient dirigées de main de maitre par des professionnels.
Cinéma et théâtre, des vestiges du passé
Autrefois, à Ouled Ben Abdelkader, on projetait des films, des documentaires et des feuilletons. La maison de jeunes jouait pleinement son rôle qui, en collaboration avec la section locale de l’UNJA (Union Nationale de la Jeunesse Algérienne) a pu inculquer des notions de musique, de chant et de théâtre. Des moniteurs s’appliquaient à l’enseignement de ces arts aux jeunes de la commune.
Il faut signaler à ce propos que le théâtre à Ouled Ben Abdelkader avait atteint son point culminant : la troupe composée d’éléments du cru participait de manière régulière aux différents festivals où elle revenait à chaque fois avec des prix et des distinctions de qualité. Autrefois, il s’est trouvé un président de l’APC qui encourageait l’activité culturelle, qui assistait même aux répétitions de la troupe et qui prenait en charge les déplacements de la troupe.
Où en est-on de nos jours ? Une maison de jeunes réservée la plupart du temps aux réunions des différentes instances administratives locales, deux bibliothèques fermées, une absence totale des activités culturelles… et l’insouciance inexplicable des autorités.
À défaut de piscine, les bassins d’irrigation…
La culture n’est pas le seul secteur à vivre la léthargie car le sport est aussi à l’arrêt depuis des années et cela, au su et au vu de tous les responsables. Hormis la JSO (association spécialisée en athlétisme) qui se distingue même à l’échelle nationale par des exploits individuels et collectifs, l’équipe de football qui faisait sortir des gens du village de la morosité a été mise à l’arrêt sur décision de l’APC. « Manque de moyens financiers » avait justifié le maire. L’équipe qui évoluait en Régionale I faisait le bonheur de la contrée, elle se mesurait à des équipes reconnues. Depuis la quasi-disparition de l’équipe locale, le stade municipal est fermé ou, dans le meilleur des cas, utilisé pour organiser des tournois de quartiers.
Les jeunes à Ouled Ben Abdelkader rêvent depuis des décennies d’une piscine qui, en principe, est facile à réaliser. Mais c’est sans compter sur la mauvaise volonté des responsables locaux et de wilaya qui tergiversent depuis plusieurs décennies. Combien de jeunes ont péri dans les retenues collinaires, les bassins d’irrigation ou dans les eaux du barrage Sidi Yacoub ? Les responsables savent pourtant que la mer est loin et les moyens d’y aller manquent terriblement. Il ne leur échappe pas, non plus, que les jeunes et moins jeunes versent dans la délinquance, à cause du manque flagrant d’aires de détente et de repos, de structures sportives et d’espaces culturels. Doit-on rappeler que « l’oisiveté est mère de tous les vices ? »
Si les autorités locales continuent à fermer les yeux sur les doléances pourtant légitimes des jeunes, ces derniers finiront sans doute par verser dans la délinquance. Les propos recueillis à Ouled Ben Abdelkader convergent unanimement vers un seul point : le désintérêt total affiché par les autorités locales quant aux problèmes réels des jeunes de la commune.
« Le passé était meilleur que le temps présent », conclut un sexagénaire, ancien joueur du CRBOA. Question : combien faudrait-il de larmes pour noyer le passé ?
A. Ham
3 thoughts on “Ouled Ben Abdelkader, la ville des illusions perdues”
Très intéressant
Je pense que c’est le cas des villes comme Oued Fodda, Bouzghaia, El Karimia, Harchoune etc… Les causes sont à chercher dans les coupes drastiques dans les budgets de la culture, des collectivités locales.
Si les jeunes ne s’organisent pas pour aller taper aux portes des instances concernées, les choses ne bougeront pas La culture, le sport, la musique ou le théâtre ne peuvent renaître que si ceux qui y tiennent, s’y mettent sérieusement et la volonté aidant, qu’ils aillent voir les autorités qui peuvent débloquer tout cela.