Par Hamid Dahmani
« Tlazou » en darija et « serrez-vous » en langue roumie, est une action de compression qui signifie : utiliser un petit espace non fonctionnel pour caser plusieurs personnes à contrecœur.
On raconte une fois, dans ce monde incroyable, qu’un grand bateau de transport maritime effectuait la navette sur les flots de la mer Méditerranée entre deux proches pays pour transporter des voyageurs entre les deux États. C’était un bateau ordinaire comme tous les rafiots qui voguaient sur les flots et qui ne faisaient pas montre que les clients étaient rois, loin s’en faut. Le personnel navigant n’affichait de la considération qu’à quelques passagers, ceux ayant payé le prix fort, qu’ils servaient et encadraient tout le long de la traversée. C’était un bateau vétuste qui flottait « Aala bab rabi » et qui n’inspirait pas grande confiance aux passagers, surtout lorsqu’il se mettait à tanguer au milieu des vagues gigantesques. « Hadha el hadhar ! R’keb walla khali ! » En effet les voyageurs n’avaient pas le choix s’ils voulaient coûte que coûte embarquer pour rentrer chez eux. « Ya khouya hadha houa l’kmeche », si tu acceptes les contraintes de la compagnie surnommée « Koul otla fiha kheir, marhba bik », sinon allez voir ailleurs s’ils y sont.
C’était un grand bateau avec de très gentils marins et un personnel cordial au grand cœur, « glob’home kbar ». Ils sont généreux et aux petits soins « Maa el mouatan », bien que le bateau soit dans un état de délabrement avancé.
Un jour, un passager m’a raconté une drôle d’histoire qui lui est arrivée à bord de ce bateau alors qu’il se rendait au pays pour rendre visite à sa famille. Notre ami avait embarqué avec sa voiture, après avoir rempli toutes les formalités d’usage pour la réservation d’une place pour son véhicule et une cabine individuelle où se reposer et passer la nuit. Aussi, après avoir déposé ses bagages dans la cabine et après avoir fermé la porte derrière lui, il sort faire un tour du côté de la buvette. En revenant à sa cabine, il constata que la porte était fermée de l’intérieur et la lumière allumée, ce qui l’inquiéta, pensant avoir affaire à un voleur. Une minute après, la porte s’ouvrit et la personne lui demanda ce qu’il voulait ? Notre ami décontenancé répondit :
– C’est ma cabine !
– Non, c’est la mienne et j’ai la clé ! lui répondit l’autre.
Après plus d’une demi-heure de palabres sans résultats, les deux passagers se sont dirigés vers la permanence chargée de gérer les cabines.
– Voilà, monsieur, dit l’un, j’ai payé pour une cabine individuelle, et je me retrouve avec une autre personne dans la même cabine ; tous les deux, nous avons les mêmes clés de serrure.
– Je vous prie, dit l’autre, de bien vouloir faire sortir ce monsieur de ma cabine ; d’ailleurs mes bagages étaient là bien avant lui.
L’agent de permanence, tout souriant, ne sachant pas que faire devant cet imbroglio, les invita à se partager la cabine et dormir tous les deux dans le petit espace, ajoutant : « Il faut juste que « Tlazou n’touma khawa » (il faut juste vous serrer, vous êtes des frères », leur dit-il.
Ainsi va la vie dans le pourquoi pas…
H. D.